La riposte ne se sera pas fait attendre... En quête de nouveaux financements, Delphine Ernotte ne cache pas depuis plusieurs jours son intention d'obtenir de la part de l'Etat un retour de la publicité entre 20h et 21h sur France Télévisions. Une demande à laquelle le gouvernement ne semble visiblement pas fermé. Invité hier matin de RMC-BFM-TV, le ministre des finances, Michel Sapin, a ainsi déclaré qu'il s'agissait d'"une solution" qu'il fallait examiner "attentivement". A peine connue, cette prise de position du gouvernement a provoqué l'inquiétude des marchés financiers. Le cours de l'action TF1 a ainsi chuté de 8,15% tandis que celui de M6 abandonnait 1,88%.
Opposés à cette mesure, les groupes privés de télé ont décidé de réagir dès aujourd'hui, ralliant à leur cause les patrons des radios privés, inquiets pour leur part de la volonté de Mathieu Gallet d'obtenir pour Radio France l'ouverture de la pub à de nouveaux secteurs. Les patrons de TF1, M6, NextRadioTV (BFMTV, RMC), NRJ, RTL ou encore Largardère (Europe 1, Gulli) viennent ainsi de co-signer une lettre adressée à Manuel Valls. Dans cette dernière, ils font part au Premier ministre de leurs "inquiétudes" face aux demandes des groupes publics et mettent en avant la fragilité du secteur audiovisuel privé. Ils demandent en conclusion au gouvernement la préservation du statu quo en matière publicitaire. puremedias.com vous propose de découvrir cette lettre in extenso.
Monsieur le Premier Ministre,
L'éventuelle extension de la publicité sur les antennes du groupe France Télévisions fait ces derniers jours l'objet de spéculations, faisant suite aux déclarations de Madame Delphine Ernotte la semaine dernière.
Nous vous avions fait part l'année dernière de nos inquiétudes relatives à toute ouverture d'écrans publicitaires sur le service public audiovisuel, alors que l'ensemble du secteur privé français de la télévision, de la radio et de la presse restait fragilisé par plusieurs années de crise et une concurrence renforcée de la part des nouveaux acteurs internationaux de l'Internet.
Les arbitrages rendus publics par votre gouvernement il y a tout juste six mois lors de la remise du rapport coordonné par Monsieur Marc Schwartz sur l'avenir de France Télévisions, avaient clairement pris position contre une telle réouverture des écrans de France télévisions. De même, votre gouvernement a réaffirmé que les changements de réglementation concernant la publicité sur Radio France ne se traduiraient pas par un prélèvement supplémentaire sur le marché publicitaire radio.
Au moment où les missions et moyens de France Télévisions et Radio France s'apprêtent à être redéfinis par les pouvoirs publics et à être débattus au Parlement, nous sommes à nouveau contraints de vous alerter sur les risques très importants qu'une ouverture publicitaire entraînerait.
Le secteur audiovisuel reste fragile aujourd'hui et nos entreprises poursuivent des réformes structurelles. Pourtant France Télévisions a vu ses recettes augmenter de 5 % entre 2007 et 2014, malgré la suppression de la publicité commerciale en soirée, et alors que marché publicitaire de la télévision baissait de 12 %. En 2014, le groupe France Télévisions a disposé, pour seulement cinq chaînes, de 2,830 Md€ de ressources. Dans le même temps les vingt chaînes gratuites privées qui vivent de leurs seules recettes publicitaires ont dû se partager seulement 2,7 Md€. De la même façon, les recettes de Radio France ont augmenté de 31 % sur la période alors que le marché publicitaire national radio baissait de 18 %. La contribution publique à Radio France, à 600 millions d'euros en 2014, dépasse l'ensemble des ressources publicitaires nationales en radio (568 millions).
De fait, tout comme pour ses concurrents privés, confrontés à une crise du marché publicitaire, les principaux défis de France Télévisions ne sont pas tant la collecte de nouvelles ressources qu'une meilleure gestion de celles-ci.
Il est dès lors indispensable de préserver l'équilibre des ressources entre les pôles public et privé pour la télévision, la radio et la presse et de ne pas modifier les contraintes publicitaires des groupes publics audiovisuels.
Nous souhaitons donc pouvoir vous rencontrer, Monsieur le Premier Ministre, afin de vous faire part de nos plus vives inquiétudes quant à l'évolution de notre secteur.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l'assurance de notre haute considération.
Christopher BALDELLI, Président du Directoire de RTL
Jean-Paul BAUDECROUX, Président-Directeur Général de NRJ Group
Francis MOREL, Président du Groupe Les Echos et du Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale
Etienne MOUGEOTTE, Directeur général de Radio Classique
Denis OLIVENNES, Président du Directoire de Lagardère Active
Nonce PAOLINI, Président-Directeur Général du Groupe TF1
Nicolas de TAVERNOST, Président du Directoire du Groupe M6
Alain WEILL, Président-Directeur Général du Groupe NextRadioTV