Toute la journée, Roselyne Bachelot est l'invitée spéciale de puremedias.com. Comment l'ex-ministre de Nicolas Sarkozy, désormais chroniqueuse sur D8 dans "Le Grand 8" avec Laurence Ferrari, voit-elle le retour en politique de l'ancien président de la Répubique ? Réponse dans la troisième partie de ce grand entretien.
Propos recueillis par Julien Bellver et Benoît Daragon.
Vos anciens collègues de l'Assemblée nationale et du gouvernement ont-ils bien accepté votre reconversion ou essayent-ils toujours de vous utiliser pour faire passer des messages ?
J'ai été extrêmement claire et je suis très réglo. J'ai pris un engagement moral vis-à-vis du CSA. Je ne suis plus responsable politique, même de façon occulte. Je ne fais partie d'aucun groupe de travail clandestin, ni d'aucun think tank nébuleux. Et mes amis ont bien compris qu'il n'était pas question de me faire passer des messages ou que je sois un porte-voix officieux.
Vous avez toujours votre carte UMP ?
Oui et je suis à jour dans mes cotisations ! Je suis une citoyenne, j'ai des engagements et je suis très impliquée dans la vie associative de façon parfaitement connue. Je suis parfaitement transparente et à l'aise dans mes engagements : j'ai envoyé mon soutien à Bruno Le Maire pour la présidence de l'UMP.
Ces derniers jours ont été marqués par le retour de Nicolas Sarkozy. Il vous avait manqué ?
Je ne raisonne pas de cette façon-là. Je ne suis plus une groupie, ce n'est plus de mon âge !
En tant que citoyenne engagée, je ne peux que constater le désastre de la présidence Hollande. Désastre politique, personnel, médiatique... Et j'attends de ma famille politique, qui a traversé des tempêtes toutes aussi importantes – et on peut également parler de désastre politique, personnel, médiatique – qu'une alternance surgisse ! J'ai dit depuis longtemps l'effroi que me provoquait le Front National. Moi je suis une tenante du Front répuplicain et ça ne me poserait aucune difficulté de voter pour un candidat socialiste face à un représentant du FN. Mais je veux ne pas être dans l'obligation d'avoir à affronter cette difficulté.
Et Nicolas Sarkozy est le "meilleur rempart" au FN comme l'a déclaré Bernard-Henri Lévy ?
Non, je ne le pense pas. Mais j'attends des propositions concrètes de Nicolas Sarkozy, des engagements sur les sujets qui me tiennent particulièrement à coeur !
Vous avez l'été l'une des rares personnalités de droite à voter pour le PACS. Qu'avez-vous pensé de la sortie de Nicolas Sarkozy lors de son interview au 20 Heures de France 2 : "Je n'utiliserai pas les familles contre les homosexuels, comme on a utilisé les homosexuels contre les familles" ?
Ces propos étaient choquants ! Ils m'ont rappelé une phrase du dramaturge allemand Franz Grillparzer que j'aime bien. "Penser n'importe comment et dire n'importe quoi procure toujours une satisfaction immédiate. À terme, quand les choses se tranchent, il vous faudra supporter l'insupportable".
On ne fait pas de la politique en se demandant ce qui permet de gagner des voix mais en défendant ses idées. Quand au début des années 90, j'ai milité pour le PACS - à un moment où y compris les socialistes personne n'était pour –, je ne me suis pas demandée ce que ça allait me rapporter électoralement. J'ai été traduite devant une sorte de tribunal populaire dans ma circonscription. On m'a assuré que je serai battue mais cela m'était égal ! Je fais de la politique pour mener des combats, pour faire changer les choses. J'ai l'impression que maintenant, en politique, on vit les yeux rivés sur les sondages. Ayez du courage, de grâce !
Il manque de courage Nicolas Sarkozy ?
On voit bien que le mariage pour tous n'est pas la chute de l'Empire romain ! Il y a eu 7.000 mariages homosexuels en 2013. Il y en aura sans doute 15.000 en 2014. C'est-à-dire que, quand on arrivera à la fin du quinquennat de François Hollande, il y aura eu près de 50.000 ou 60.000 mariages, c'est-à-dire 120.000 homosexuels et homosexuelles qui se seront mariés. Des millions de Français auront assisté à ces unions ! J'ai moi-même été invitée à plusieurs mariages d'amis et d'amies. Et ça m'amuse car je croise à chaque fois des militants comme moi, mais aussi des braves petites mamies, des oncles, des neveux qui sont tous ravis de ces unions. Je pense que la cause gagne tous les jours des soutiens. Je suis vigilante et confiante.
Comment expliquez-vous que Nicolas Sarkozy ne partage pas votre vision. En avez-vous parlé avec lui ?
Non, je ne fais partie du cercle de ses amis. J'ai passé un pacte politique avec lui en 2004 pour la présidentielle de 2007, à partir du moment où je ne suis plus dans le jeu politique, il n'y a aucun raison pour qu'il me fasse des confidences. A la fin de son mandat, j'ai cru à un moment que Nicolas Sarkozy allait avancer sur le mariage homosexuel. Il avait organisé une réunion avec les associations familiales au début de l'année 2012 et un article de "Libé" avait laissé entendre qu'il allait annoncer des choses. A ma stupéfaction et à mon grand chagrin, le président Sarkozy a finalement renoncé à avancer sur ce sujet.
Du point de vue de la communication, comment jugez-vous son retour ?
La stratégie du retour de Nicolas Sarkozy, des premiers teasings jusqu'à la déclaration de candidature est un sans-faute. 20/20. C'est à étudier dans les séminaires de communication politique. C'est vraiment impressionnant.
Comment avez-vous trouvé son interview sur France 2 ?
Là, ça a été le retour dans l'atmosphère. Et c'était évidemment un peu moins bon... J'ai retrouvé le Nicolas Sarkozy que je l'avais laissé en 2012. J'ai retrouvé cette façon d'agresser le journaliste, de lui enlever la moitié du visage et ensuite de le caresser en lui disant : "vous êtes un homme sympathique". A la place de Laurent Delahousse, j'aurais littéralement rugi. Les journalistes n'aiment pas être traités de cette façon !
Et sur le fond ?
La non-réponse sur l'affaire Bygmalion m'a ennuyée. "Pensez vous que je reviendrais si j'avais quelque chose à me reprocher ?" : Sur le plan freudien, c'est tout à fait intéressant car on peut totalement renverser la phrase. La meilleure façon de se présenter comme une victime politique face à un certain nombre d'interpellations, c'est bien celle-là ! Mais j'ai du mal à accepter les tics et les trucs de langage. Tout ça, sur un fond de violence et d'agressivité verbale. Je souhaiterais une communication plus approfondie, plus intellectuelle. J'ai 35 ans de vie politique et j'ai commencé ma vie politique à 9 mois et demi quand le Général de Gaulle m'a embrassée sur la joue, peut-être que j'attends autre chose d'un homme politique !
Il n'a donc pas changé ?
Il va avoir 60 ans, il n'a aucune raison de changer. Moi non plus, je ne change pas ! Mais une chose est très claire : si demain il est face à François Hollande, le candidat de la droite et du centre, malgré les reproches que je peux lui faire parce que je suis une femme libre, je voterais pour lui.
En 2017, s'il est réélu et qu'il vous propose le poste de Premier ministre, que lui répondez-vous ?
Je dis non. C'est une question à laquelle j'ai réfléchi car il faut aussi se préparer à dire non. C'est bien plus difficile que de dire oui. Je ne changerai pas d'avis. Et il y a tellement de gens plus jeunes, plus beaux et plus intelligents que moi ! Et ne choisissez pas cette phrase comme titre, hein ? (rires)
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