La télé-réalité est morte, vive la télé-réalité. C'est en substance le diagnostic livré par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui s'est penché dans une étude sur l'évolution de ce genre omniprésent sur nos antennes, alors que 2001 marque les 20 ans de l'arrivée de la télé-réalité en France. C'est en effet en avril de cette année-là que M6 a défrayé la chronique avec le lancement de "Loft Story", qui connaîtra deux saisons et mettra en lumière des personnalités aussi variées que celles de Loana, Steevy ou Afida Turner.
Pour les besoins de son étude, le CSA a réduit la focale sur la dernière décennie écoulée. "Aujourd'hui, dix des quinze chaînes nationales privées gratuites (hors chaînes d'information) diffusent des programmes que l'on peut qualifier, au moins partiellement, de téléréalité. Certaines en ont même fait un axe majeur de leur programmation. C'est le cas aujourd'hui de trois chaînes qui visent un public jeune : TFX, W9, NRJ 12", notent les Sages, qui précisent : "La télé-réalité est aujourd'hui un format de programme aussi évolutif qu'installé dans le paysage audiovisuel français".
Même le service public s'y est mis. Si la télé-réalité d'enfermement n'a jamais eu droit de cité sur France Télévisions, des programmes tels que les concours de talents en ont repris certains codes, comme les confessions face caméra, nées dans le confessionnal du "Loft" en 2001 et que les éditeurs qualifient désormais d'interviews "narratives". Le CSA souligne que la télé-réalité au sens large concerne désormais "ces émissions qui placent des participants, anonymes ou pas, dans des situations artificiellement créées pour le programme, dans le but d'observer leurs réactions et de susciter l'émotion ainsi que la participation des téléspectateurs".
Et pas moins de 140 programmes diffusés de 2010 à 2019 ont été identifiés comme relevant d'un mode d'écriture favorisé par la télé-réalité. Cela représente un volume horaire de 67.523 heures sur dix ans, soit près de quatre fois plus que les seuls programmes de téléréalité de "vie collective". "Et leur progression est presque continue d'année en année", peut-on lire dans l'étude du CSA.
De fait, avec l'arrêt de "Secret Story" sur TF1 et TFX en 2017, la télé-réalité d'enfermement est aujourd'hui un genre porté disparu, "sans doute autant en raison de l'ennui que pouvaient susciter de longs épisodes parfois monotones que de l'évolution des relations entre 'la production' et des candidats de plus en plus conscients des ressorts internes du programme", relève le gendarme de l'audiovisuel.
Selon son constat, une cinquantaine d'émissions de télé-réalité dite de "vie collective" ont été diffusées sur les différentes chaînes en France entre 2010 et 2019 : "Ces programmes, principaux et satellites, ont été diffusés sur sept chaînes françaises, toutes privées : TF1 et TFX (groupe TF1), M6 et W9 (groupe M6), C8 et CStar (groupe Canal Plus), NRJ 12 (groupe NRJ). L'ensemble de ces programmes (principaux et "satellites"), sur cette période de 10 ans et sur ces sept chaînes, totalise 17.113 heures". En 2019, la télé-réalité a encore représenté un volume horaire de 11.702 heures, soit plus que l'information (7.581 heures), le cinéma (4.410 heures) ou le sport (1.161 heures).
Une bascule a eu lieu à partir de 2015, avec un genre concentré sur trois chaînes : NRJ 12, TFX et W9, qui ont à elles trois proposé "86% des programmes de télé-réalité de 'vie collective' entre 2010 et 2019". Avec 8.868 heures, NRJ 12 a concentré à elle seule 52% de l'offre de télé-réalité sur la dernière décennie. Dans le top 3 des programmes les plus diffusés : "Les Anges de la télé-réalité" et ses déclinaisons sur NRJ 12 (4.820 heures), "Secret Story" sur TF1 et TFX (2.013 heures) et "La villa des coeurs brisés" sur TFX (1.314 heures).
L'instance justifie le succès de ce genre en France par son coût inférieur à celui de la fiction, dans un contexte où, entre 2011 et 2018, "le chiffre d'affaires de l'ensemble des chaînes gratuites nationales n'a progressé que de 2% et les recettes publicitaires (captées à 60 % par les chaînes TF1 et M6) ont diminué de 1%". De même, la télé-réalité attire toujours le public jeune. "Ce constat est encore valable en 2019 : la moitié des téléspectateurs des 'Marseillais', des 'Anges de la télé-réalité' et de 'La Bataille des Couples' a moins de 35 ans, alors que ceux-ci ne représentent que 18% de l'audience globale du média TV".