Coup d'envoi de la campagne électorale. Ce jeudi 14 mars, Public Sénat, accompagné du groupe de presse Ebra, proposera le premier débat pour les élections européennes. Les huit principaux partis seront représentés dans cet échange prévu à 17h et animé depuis le Parlement européen de Strasbourg par Nathalie Mauret et Thomas Hugues. Pendant deux heures et demi, Manon Aubry (LFI), François-Xavier Bellamy (LR), Léon Deffontaines (PCF), Raphaël Glucksmann (Place publique et PS), Valérie Hayer (Renaissance), Marion Maréchal (Reconquête), Marie Toussaint (EE-LV) et Thierry Mariani (RN) débattront autour de quatre thématiques : l'agriculture, l'immigration, l'Ukraine et le pouvoir d'achat. A cette occasion, le présentateur Thomas Hugues a accepté de répondre aux questions de puremedias.com.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : Comment prépare-t-on un débat sur les élections européennes ?
Thomas Hugues : On se plonge dans les programmes des partis politiques, sauf qu'ils ne les ont pas forcément tous. On se plonge tout de même dans les votes. La chance que l'on a, c'est que sur les huit têtes de liste, il y en a six qui sont députés européens sortants. Donc, on peut s'appuyer sur ce qu'ils ont voté durant les sessions au Parlement, notamment sur l'Ukraine et l'agriculture. Puis, on essaye de faire en sorte de présenter les enjeux de l'Europe. L'Europe est souvent perçue par les Français comme lointaine. On se rend compte de quel rôle et quelle influence elle peut avoir sur notre vie quotidienne. Ça sera beaucoup ça. Nous allons essayer de raccrocher ce débat au quotidien des Français.
Quels vont être les enjeux et les thématiques de ce débat ?
On a quatre grandes thématiques. La première sera sur l'agriculture et l'environnement : "Le pacte vert est-il trop contraignant ?". Ensuite, on évoquera l'immigration avec la question "Quelle immigration pour l'Europe ?". On aura un chapitre sur l'Ukraine : "L'Europe peut-elle se défendre seule ?". Enfin, on terminera sur un chapitre sur l'énergie et le pouvoir d'achat. Le pouvoir d'achat n'est pas exactement dans les prérogatives européennes, mais il y a la question de l'énergie, qui explique en grande partie l'inflation des deux dernières années. On se posera la question : "Doit-on sortir du marché européen de l'énergie ?". Comme l'Espagne l'a fait ponctuellement. Est-ce que ce serait la solution pour faire abaisser la facture énergétique des Français ?
"C'est une élection dont les enjeux sont sous-estimés par les Français"
Comment va s'organiser ce partenariat avec le groupe de presse Ebra ?
On a déjà pas mal travaillé avec eux. J'ai déjà reçu Nathalie Mauret, qui va co-animer la soirée avec moi. On se connaissait. Ensuite, on a mis, les uns et les autres, des équipes disponibles. Les journalistes d'Ebra sont très pointus et spécialisés dans l'actualité européenne. Ebra, c'est notamment "Les Dernières nouvelles d'Alsace" à Strasbourg. Ils ont une expertise sur le travail au Parlement européen et les institutions européennes, qui est riche et un vrai atout pour nous. Des journalistes du groupe Ebra ont préparé des éléments documentaires, des chiffres, des citations de différents candidats, etc. Ensuite, avec Nathalie Mauret, nous nous faisons des réunions où on se répartit le travail et les questions. On est hyper complémentaires. Moi, j'ai mon expérience télé que Nathalie n'a pas forcément. Elle, c'est une journaliste politique qui a le contact avec toutes les têtes de liste qui sont là. Elle les connaît. Elle a assisté à leur meeting.
Le scrutin est le 9 juin. Pourquoi avoir organisé un débat aussi tôt ?
C'est une élection dont les enjeux sont sous-estimés par les Français. Public Sénat est une chaîne civique et citoyenne, au service du public. Notre objectif est de donner aux téléspectateurs des clés pour aller voter. On donne un peu le coup d'envoi de la campagne télévisuelle. Il y a d'autres médias qui vont en parler. J'espère que ça va inciter les Français à s'intéresser à cette élection. En fonction de la majorité qu'il y aura au parlement, la vie ne sera pas la même dans les cinq ans à venir. Il y aura des décisions qui seront prises et qui auront un impact direct sur la vie des Français.
Vous aurez huit représentants de parti pour ce débat. Comment avez-vous fait votre sélection ?
On a pris les huit têtes de liste ayant le plus grand potentiel de mobilisation électorale. On s'est aussi appuyé sur les sondages de ces dernières semaines. C'est aussi simple que ça.
"La blague de Jordan Bardella, c'est assez méprisant pour le travail de la rédaction"
Comment avez-vous réagi à la boutade de Jordan Bardella qui a qualifié Public Sénat de "Coquelicot TV" ?
(sourire) Très bien, même si... J'ai le calme des vieilles troupes, d'une certaine façon. Ca permet de relativiser. Je trouve que c'est assez méprisant pour la chaîne, le public qui regarde nos émissions... "Sens public", on touche 500.000 téléspectateurs chaque jour. C'est assez méprisant pour le travail de la rédaction. Il y a une phrase d'Albert Camus que j'aime bien : le mépris des hommes est souvent la marque d'un coeur vulgaire.
Et que pensez-vous de son refus de participer au débat ?
Je pense qu'il fait une erreur stratégique. Jordan Bardella est un bon débatteur. Il donne l'impression de contourner l'obstacle. Thierry Mariani, qui est certainement un bon débatteur, donne des angles d'attaque à ses opposants, notamment sur la Russie et le conflit en Ukraine.
"Laurence Ferrari a prouvé sa capacité à poser les bonnes questions à ses invités politiques"
Fin mai, il y a un débat sur CNews. Cette fois-ci, c'est Marie Toussaint, tête de liste écologiste, qui refuse de se rendre au débat.
Ce n'est pas pour les mêmes raisons. Je pense que les partis politiques doivent aux téléspectateurs d'être présents à ce type de débat. C'est de leur exposer les raisons pour lesquelles ils doivent voter pour eux. La politique de la chaîne vide n'est jamais la bonne politique. C'est aussi pour ça que l'on a décidé d'accepter la présence de Thierry Mariani. On est sensible au pluralisme. Public Sénat, il y a le mot "public" dans le nom de la chaîne. Encore une fois, on est une chaîne civique et citoyenne. On respecte le pluralisme. Après les raisons de refus de Jordan Bardella et Marie Toussaint ne sont pas les mêmes. L'argument de Jordan Bardella est de dire que c'était trop tôt. Il considère que la campagne n'est pas vraiment lancée et que la cristallisation des votes se fera plus tard. Sa stratégie politique est de se réserver pour plus tard. Pour Europe Ecologie - Les Verts, c'est la critique de la ligne éditoriale de CNews. Ce n'est pas la même chose.
Vous avez co-animé "Sept à Huit" avec Laurence Ferrari sur TF1 au début des années 2000. Aujourd'hui, comme vous, elle animera un débat pour les européennes, mais sur CNews. Comprenez-vous sa trajectoire ?
Ecoutez, moi, je n'ai pas grand chose à dire. Laurence fait son travail de journaliste. Elle l'a toujours très bien fait. C'est une bosseuse. Elle a prouvé sa capacité à poser les bonnes questions à ses invités politiques, quelqu'ils soient. C'est une chose qu'elle fera très bien lors de ces débats.
"Notre objectif est d'éclairer les téléspectateurs sur notre vote futur"
Sur Public Sénat, vous avez moins de pression d'audience, voire aucune. Est-ce une liberté qui se ressent lorsqu'on organise ce type d'événement ?
Oui, maintenant, personnellement, j'ai déjà vécu sur des chaînes qui aiment regarder les chiffres d'audience tous les matins à 9h05. Il est vrai que cette pression d'audience, nous ne l'avons pas sur Public Sénat. C'est une forme de liberté. Même si à l'époque, sur TF1, nous faisions des choix éditoriaux qui n'étaient pas forcément dictés par l'audience. Donc, il y a une part de liberté supplémentaire, c'est sûr. Maintenant, notre objectif est de parler au plus grand monde. On est très contents que les audiences de "Sens public" soient en progression depuis trois ans. On n'a pas le nez sur les audiences, parce qu'on ne les a pas. Plus il y aura de monde qui regardera notre débat, mieux ce sera. Encore une fois, notre objectif est d'éclairer les téléspectateurs sur notre vote futur.
Comment expliquez-vous le manque d'intérêt des médias pour l'actualité de la politique européenne ?
Ça fait trente ans que ça dure. J'ai beaucoup ressenti ça dans les rédactions où je suis passé. Dès qu'on prononce le mot "Europe", on a l'impression que ça fait peur. C'est très français. Je pense que les journalistes ont leur part de responsabilité. Ils sont rentrés dans le jeu des politiques qui ont fait depuis des décennies de l'Europe le bouc émissaire facile de leurs mauvaises décisions. C'est un moyen de contourner les questions et de faire porter à l'Europe la responsabilité d'un mauvais bilan sur la scène nationale. L'Europe est le bouc émissaire facile depuis trente ans. Je trouve que les médias sont aussi tombés dans ce piège. J'en prends ma part. Une majorité de médias français en tout cas. Ca donne le sentiment aux citoyens français que l'Europe est loin et que ça ne concerne pas. Alors que c'est complètement faux.
"Je n'ai pas de nostalgie de la matière médias"
Vous avez longtemps animé "Médias le mag" sur France 5. Que pensez-vous de "C Médiatique" avec Mélanie Taravant ?
Je l'ai regardé. Je suis hyper content pour elle et Christophe Koszarek, qui était aussi le producteur de "Médias le mag" à l'époque. Je suis aussi content de voir que France 5 redonne de la place à cette actualité-là. C'était déjà le cas quand on présentait l'émission et ça l'est encore plus aujourd'hui : une émission de réflexion du traitement de l'actualité fait partie des missions de France 5. Je trouve ça très important.
Est-ce que cette matière des médias vous manque ?
Non, ça va. J'ai été très heureux de faire ça à l'époque. Ca correspondait au moment où la révolution numérique était en train de bouleverser la presse écrite et des médias en général. Je trouvais ça passionnant d'accompagner cette mutation. On a fait huit saisons. Je n'ai pas de nostalgie et d'envie d'y retourner.