Une journaliste a-t-elle été tuée en raison de sa profession, en Bulgarie ? C'est la question que se posent les enquêteurs après la découverte samedi dans un parc de Ruse, ville située au nord du pays, du corps de Viktoria Marinova. La jeune femme, âgée de 30 ans et mère d'un enfant, est vraisemblablement décédée après avoir été frappée à la tête et étranglée, selon l'AFP. Les faits auraient été commis en plein jour selon les enquêteurs. Une partie des effets personnels de la victime se sont volatilisés.
Viktoria Marinova exerçait sur TVN, une chaîne locale bulgare, à la tête d'une émission consacrée aux faits de société. L'ultime numéro, diffusé le 30 septembre dernier, faisait état d'une enquête des journalistes d'investigation du site Bivol qui ont mis en lumière une énorme fraude liée au détournement de fonds européens, comme le rappelle Reporters sans frontières dans un communiqué. L'organisation réclame désormais une enquête approfondie, de même que le placement sous protection policière des "journalistes de TVN ayant travaillé sur le même reportage sensible que Viktoria Marinova".
"La mort de Viktoria, la façon brutale dont elle a été tuée, est une exécution faite pour servir d'exemple", a estimé auprès de l'AFP Assen Yordanov, co-fondateur du site Bivol. Un journaliste de TVN assure de son côté que la chaîne n'a jamais fait l'objet de menaces. Et compte tenu des éléments en sa possession, la police n'est pour l'heure pas en mesure d'établir un lien direct entre ce meurtre et la profession exercée par la victime.
Un constat demeure cependant : la Bulgarie est le cancre de l'Europe en matière de liberté de la presse puisque le pays occupe la 111e place sur 180 du classement 2018 établi par Reporters sans frontières. A titre indicatif, la France se situe à la 33e place. Dans son dernier rapport, RSF soulignait la difficulté pour les journalistes bulgares d'exercer leur métier dans de bonnes conditions, car devant faire face à des "oligarques exerçant un monopole médiatique et à des autorités soupçonnées de corruption et de liens avec le crime organisé".
Parmi les nombreux témoignages de soutien émanant de la profession, Elise Lucet, journaliste et figure tutélaire de "Cash investigation" sur France 2, s'est émue de cet assassinat. "C'est la 3e journaliste d'investigation tuée cette année en Europe !", a-t-elle tweeté. En effet, avant Viktoria Marinova, le reporter d'investigation slovaque Jan Kuciak a été tué par balles avec sa fiancée en février dernier tandis que la journaliste maltaise Daphné Caruana Galizia a été assassinée en octobre 2017.