L'humour sanctionné. La présidente de Radio France, Sibyle Veil, a convoqué et adressé un "avertissement" à Guillaume Meurice, ce lundi 6 novembre 2023, après qu'il a comparé Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, à un "nazi sans prépuce" dans un sketch diffusé dans "Le grand dimanche soir" le 29 octobre 2023 sur France Inter. "Je conteste cette sanction, car je n'ai pas commis de faute et je n'ai fait que mon métier", a répliqué publiquement l'humoriste auprès de nos confrères du "Monde" à l'issue de cet entretien.
"Je considère qu'il s'agit d'une injustice, je fais donc appel à la justice", a-t-il annoncé au quotidien du soir. Guillaume Meurice, cible de menaces de mort, serait également sur le point de déposer plainte pour diffamation et injures publiques contre le député des Français établis hors de France, Meyer Habib, qui, sur le réseau X (anciennement Twitter), l'a qualifié la semaine dernière de "petite vermine antisémite". À l'image de ce député apparenté Les Républicains, plusieurs personnalités politiques s'étaient indignés, notamment sur France Inter, du trait d'humour de l'humoriste. "Je pratique l'humour, la caricature, la satire politique, et l'outrance en fait partie. Pour moi, la limite, c'est la loi", a-t-il poursuivi.
Dans un mail interne rédigé le même jour et relayé in extenso par "Le Figaro", Sibyle Veil, qui avait invité Gillaume Meurice à s'excuser publiquement comme l'a fait – dans un texte tout en nuance – sa complice Charline Vanhoenacker, a déploré l'attitude de l'humoriste sans le citer. "Le service public n'est pas à la disposition des engagements individuels et des carrières personnelles", a-t-elle considéré. Selon elle, "l'exigence de responsabilité, de rigueur et de modération" qui s'applique aux médias et "singulièrement" à Radio France "ne peut pas s'arrêter aux portes de (nos) rédactions, au risque de porter atteinte à tout le travail qui est fait. Elle s'impose à chaque salarié de Radio France, y compris aux humoristes".
"L'humour est aussi périlleux que nécessaire dans les périodes difficiles (...) mais il n'a pas vocation à ajouter de la division à la division", ajoute-t-elle plus loin, rappelant le contexte de "tensions et de violences avérées dans notre pays : nul ne peut fermer les yeux sur la recrudescence, ces derniers jours, des actes antisémites et racistes".
Sibyle Veil conforte ainsi la position d'Adèle Van Reeth. La directrice de France Inter avait exprimé son point de vue lors d'un échange avec la médiatrice de Radio France le 31 octobre dernier. "Qualifier n'importe quel représentant politique de 'nazi' est une outrance dont le caractère comique peut être, en temps normal, questionné. Quand ce représentant, dont on peut par ailleurs désapprouver et critiquer la politique, est lui-même juif, à la tête d'un État juif, dont les habitants viennent de subir une attaque terroriste (...) cet humour est encore plus discutable".
Une "limite" a été "franchie", avait encore considéré celle qui garantissait pourtant au "Grand dimanche soir" en début de saison une liberté d'expression totale. "On va continuer à titiller les interdits, à bousculer les auditeurs, à penser contre nous-mêmes", promettait ainsi Adèle Van Reeth afin de rassurer les auditeurs inquiets de l'arrêt de "C'est encore nous" de Charline Vanhoenacker en quotidienne au profit d'une émission dominicale.
Mais, pour Sibyle Veil, "la liberté n'est pas sans contreparties : elle s'accompagne du choix des limites et de la capacité à reconnaître en toute humilité une erreur d'appréciation". "Ce n'est pas entraver la liberté d'expression et le droit à la caricature - auxquels nous sommes très attachés - que d'appeler au discernement", conclut-elle. L'Arcom a instruit la séquence.