Que s'est-il vraiment passé le 21 mars au Cambodge sur le tournage de "Koh Lanta" ? Ce jour-là, Gérald Babin, un candidat de 25 ans, a trouvé la mort à l'issue de la toute première épreuve de la saison 13. TF1 et Adventure Line Productions, le producteur de l'émission, ont rapidement confirmé le décès du jeune homme. Ils ont immédiatement annulé la saison et rappatrié les participants en France.
Mais quelques jours plus tard, leur version des faits a été contredite par une série de témoignages. Et hier, une nouvelle tragédie est venue endeuiller le programme : le suicide de Thierry Costa, le médecin urgentiste de "Koh Lanta" qui avait apporté les premiers soins à Gérald Babin. Dans une lettre d'adieux, il a dénoncé des "accusations et suppositions injustes" ainsi que des "articles mensongers". "Je suis certain d'avoir traité Gérald de manière respectable, comme un patient et non comme un candidat", a-t-il écrit. De quoi semer plus que jamais le doute sur cette affaire pour laquelle la justice a été saisie. Rappel des différentes versions des faits.
Après avoir annoncé le décès de Gérald Babin, TF1 et ALP ont très vite donné des explications sur les conditions du drame. A peine le jeu commencé, le jeune homme a souffert de crampes sur le site de la première épreuve. Le médecin est intervenu, Gérald a été victime d'un premier arrêt cardiaque sur la plage, puis ranimé et transporté en hélicoptère jusqu'à l'hôpital. Victime d'un deuxième arrêt sur le trajet, puis ranimé à nouveau, il a ensuite succombé à un troisième arrêt à l'hôpital.
Mercredi dernier, un témoignage anonyme, publié par le site Arrêts sur images, est venu contredire cette version officielle. Le témoin racontait notamment que le médecin aurait été empêché d'intervenir dès les premiers instants du drame afin de ne pas troubler le jeu. Et, une fois autorisé à s'immiscer dans l'épreuve pour secourir Gérald, il aurait dû "rejouer" son entrée sur le site de l'épreuve, ALP n'étant pas satisfaite de la première prise. Vendredi, RMC a obtenu un second témoin, dénonçant "une série de manquements" de la production.
Celui-ci indiquait que, quand le candidat s'est effondré dans le sable, "le médecin qui suit l'épreuve sur un écran veut intervenir tout de suite, le présentateur Denis Brogniart interroge le candidat qui dit avoir des crampes et (...) il ne juge pas une intervention nécessaire, le réalisateur non plus, l'épreuve n'est donc pas interrompue", expliquait la journaliste de RMC. Le médecin intervient alors, huit à neuf minutes après le malaise initial, et aurait diagnostiqué une "déshydratation". Au cours de son transfert par bateau, 1h30 plus tard, à l'infirmerie située sur une île voisine, il est victime d'un malaise cardiaque et le médecin demande son transfert par hélicoptère qui a tardé à venir pour des problèmes de téléphone et de talkie-walkie...
Muet depuis leur retour en France, les candidats présents dans cette saison 12 de "Koh Lanta" commencent à s'exprimer. Ce matin, Frank Mousseaux, capitaine de l'équipe jaune, l'équipe de Gérald Babin, accorde une interview dans Le Parisien où il défend la production. Il raconte qu'aux deux tiers du jeu de tir à la corde, le candidat s'est allongé au sol, conscient. A la fin du jeu, le médecin a été appelé et serait intervenu rapidement. "Le temps que le médecin parcourt la plage, il n'était pas derrière la caméra, il était au-delà des branchages. Pour quelqu'un qui stresse et qui n'y connait rien, oui, il y a eu un délai d'intervention. Mais c'est relatif. si vous appelez le 15 maintenant il arrivera moins vite que n'est arrivé Thierry Costa", explique-t-il.
Néanmoins, Frank Mousseaux ne sait pas si le candidat est parti en bateau ou en hélico "mais pour un coup de chaud, on ne vous évacue pas en hélicoptère", déclare-t-il en démentant les "négligences" de la production. "Sincèrement, si vous avez des crampes à un tir à la corde dans une fête de village, vous n'aurez pas un Thierry Costa qui vous prendra en charge si vite", conclut-il.
Le site d'Europe 1 indique que Denis Brogniart, l'animateur du progamme, aurait visionné les images du tournage vendredi, dans les locaux d'ALP. Celles-ci prouveraient (selon les dires de l'animateur) que Gérald Babin, épuisé, se serait allongé sur le sable après avoir parlé avec lui. "A aucun moment il n'aurait demandé à ce qu'on arrête l'épreuve", écrit le site qui parle d'une scène durant "exactement trois minutes trente, avant qu'on l'évacue". Le candidat de 25 ans aurait même quitté l'île en disant "je reviendrai, hein ! Je reviendrai..."
"Quand la caméra est à l'écran, je pense que des fois y'a peut-être un peu de négligence, on veut pousser les choses un peu trop loin. Avec du recul, on s'en rend compte". C'est Richard, qui a participé à l'une des premières éditions de l'émission, qui explique cela ce matin à France Info. Il estime que, comme dans tout jeu de télé-réalité, la production pousse toujours les candidats pour faire de la "sensation". "Il faut que les choses soient poussées à l'extrême pour qu'il y ait intervention", explique-t-il. "Quand on est pris dans le jeu (...) on a tendance à se laisser aller en se disant qu'on est tellement bien entouré qu'il ne nous arrivera rien. On a toujours tendance à nous pousser, c'est le principe du jeu de télé-réalité. Il faut faire de l'audimat. ll faut que ce soit quelque chose de sensationnel. La production a toujours tendance à pousser un maximum les candidats, jusqu'au jour où il arrive un pépin".
Pour démêler cet imbroglio, on voit mal comment la chaîne et la production vont pouvoir échapper à une publication de l'ensemble des images tournées le jour du drame. La justice devrait de toute façon exiger les rushs puisque la famille de la victime s'est portée partie civile. Jérémie Assous, le médiatique avocat de la télé-réalité, qui a fait condamner plusieurs fois de nombreuses société de production pour non respect du code du travail, a exigé hier sur France 5 la fourniture des images. "Vous avez deux drames extrêmement graves et vous avez une société de production qui, en matière de communication, a certains moyens, et qui refuse systématiquement de communiquer. Ca fait plusieurs jours qu'on demande la publication de ces rushs pour établir la vérité (...) et on a un silence total", a-t-il dénoncé.
Selon BFM, la production a fourni les images du tournage de l'émission à la police. Elles devraient rapidement livrer leur vérité et lever le voile sur les zones d'ombre.