C'est l'une des modes du journalisme actuel. Depuis quelques années, le "fact checking" ou "vérification des faits" a envahi les rédactions françaises, à l'image des rubriques "Les Décodeurs" dans le journal "Le Monde" ou encore "Le Vrai-faux de l'info" dans la matinale d'Europe 1. Rappelons qu'on désigne par fact-checking la démarche consistant pour les journalistes à vérifier les affirmations des responsables politiques ou plus rarement des acteurs du débat public (syndicalistes, chefs d'entreprise...).
Si "Libération" a également investi dans ce domaine avec sa rubrique "Désintox" , le quotidien compte cependant l'étendre à une profession jusque-là épargnée par les grands médias généralistes : les journalistes eux-mêmes. Le quotidien s'en est expliqué aujourd'hui dans un billet. "Depuis six ans, la pratique du fact-checking (vérification des faits) s'est développée dans les médias français. On vérifie au quotidien les paroles du personnel politique. Dans les journaux papier, sur le Web, sur Twitter, à la télé, à la radio. Avec une limite : la vérification se borne la plupart du temps aux élus, elle s'aventure parfois à titiller d'autres acteurs du débat public (syndicalistes, patrons, chefs d'entreprise)... mais épargne les journalistes. Jamais les intervieweurs -pas plus que les éditorialistes ou les commentateurs- n'entrent dans le radar" souligne le journal.
Evoquant une "confraternelle pudeur" dans ce domaine de la part des journalistes français, "Libération" fait valoir qu'il "est difficile de justifier cette digue". "Invoquer un devoir de courtoisie vis-à-vis des confrères n'y suffirait pas" explique le quotidien avant d'interroger : "Pourquoi reprendre Jean-François Copé quand il affirme que les 35 heures coûtent 20 milliards à la France et pas Yves Thréard (éditorialiste du 'Figaro', ndlr) quand il dit (ou écrit) la même chose ?".
Et "Libération" d'annoncer qu'il "fact-checkera" désormais les propos des journalistes vedettes dans sa rubrique "Désintox", n'hésitant pas à joindre immédiatement le geste à la parole en épinglant une récente sortie de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1. Ce dernier aurait ainsi affirmé récemment que "30% des chômeurs ne cherchaient pas de travail", un chiffre faux pour "Libé". L'intervieweur politique est ainsi la première victime de cette nouvelle extension du fact-checking. Gageons sans crainte qu'il ne sera pas le dernier.