Dans un entretien accordé à l'émission "Sept à huit" ce dimanche 24 mars à l'occasion de la sortie de son livre "A corps ouvert", Vahina Giocante a dénoncé le comportement "abusif" du réalisateur Benoît Jacquot lors d'un tournage. Judith Godrèche a porté plainte pour "viols sur mineure" contre le réalisateur, qui a maintenu une relation avec elle alors qu'elle était adolescente. Le réalisateur est également accusé de "violences psychologiques ou physiques" par Isild Le Besco, qui parle également de son "emprise destructrice" alors qu'elle avait 16 ans, et lui, 52.
"C'est le seul réalisateur que je nomme dans le livre. J'ai décidé de le nommer pour appuyer la parole de Judith Godrèche, pour me mettre à ses côtés, derrière elle. Et c'est le seul que j'ai nommé, parce que j'ai été très choquée par son arrogance", explique l'actrice face à Audrey-Crespo Mara . "Elle a raison. On peut collectivement mettre un système à terre. C'est un examen de conscience à faire soi-même". Les faits datent de 1999, sur le tournage du film "Pas de scandale" de Benoît Jacquot. "Un titre assez évocateur" souligne Vahina Giocante, qui était alors âgée de 17 ans. "On me prévient que Benoît Jacquot aime bien les très jeunes femmes. Et je sens un peu effectivement son énergie de séduction", confie la comédienne. Sur le tournage, elle assure avoir l'impression d'être "une proie face à un prédateur". "Et puis il y a une scène où je dois sortir d'un lit, avec un t-shirt assez long. Il vient me voir et me dit 'j'aimerais qu'on la refasse mais je veux que t'enlèves ta culotte'. Je dis non. Il n'y a aucune justification pour que je l'enlève.Et il me dit: 'Tu ne discutes pas. C'est mon film. C'est comme ça'", raconte-t-elle.
"Donc je vais dans la loge, je suis furieuse, je demande à l'habilleuse d'avoir une culotte couleur chair ou un string pour ne pas être sans rien car je me sens très vulnérable. Elle a un peu peur mais elle cède. Et je retourne sur le plateau, je fais la scène. Lui pense que je suis cul nu. Moi j'ai gagné. Et il me regarde avec son air en biais. Puis quand on a fini, il vient me voir et me dit: 'Tu vois quand tu veux, ce n'est pas si difficile.' Et je sens à ce moment-là ce rapport de domination. Je me sens vraiment salie quand je rentre." confie l'actrice. La suite du tournage est très compliquée pour la jeune actrice, qui refuse les avances du réalisateur. "Il voit que ça ne marche pas trop avec moi. Et donc un jour il vient me voir et me dit: 'Je ne sais pas si tu as compris mais si tu es gentille tu feras le prochain.' Et je lui réponds: 'mais je ne suis pas une gentille fille, moi'. Gentille, c'est ne pas s'opposer, ne pas dire non, ne pas me refuser", ajoute-t-elle. "Et après il n'a pas été gentil non plus. Il a été odieux pendant le reste du tournage mais au moins j'ai été tranquille. Ça m'a apporté un peu de répit."
À la manière de Judith Godrèche, Vahina Giocante dénonce "un système", et évoque "un trafic illicite de jeunes filles" dans le milieu, assurant dans son livre avoir été exposée à "une multitude de petits abus". "Le monde du cinéma peut être une famille un peu incestueuse à certains endroits", déplore-t-elle, alors qu'elle raconte dans son livre avoir été victime d'inceste de la part de son père pendant son enfance. "Quand on me dit à 17 ans 'méfie-toi parce qu'il aime bien les très jeunes filles'... pourquoi c'est à moi de me méfier ? Pourquoi ce n'est pas à vous de nous protéger, de mettre des barrières, (au lieu de) de nous envoyer au casse-pipe. Peut-être qu'on peut collectivement se rendre compte d'un système à mettre à terre. Les personnes se reconnaîtront", conclut-elle.