Ce matin, lors d'une rencontre avec la presse, Nonce Paolini, PDG de TF1, a réaffirmé sa volonté de voir passer LCI en gratuit grâce au nouveau projet de loi audiovisuel, discuté à partir de demain au Sénat. Il menace de fermer la chaîne au 1er janvier 2015 s'il n'obtient pas gain de cause. Alain Weill, président de NextRadioTV (propriétaire de BFMTV), lui répond.
Propos recueillis par Julien Bellver.
puremedias.com : Ce matin, Nonce Paolini a réaffirmé sa volonté de voir LCI passer en gratuit, il a menacé de fermer la chaîne le 1er janvier 2015. C'est une menace à prendre au sérieux ?
Alain Weill : Ce n'est pas très honnête de faire du chantage aux sénateurs, alors que les conséquences négatives de la gestion de LCI ne viennent que des responsables du groupe. On demande que l'amendement de LCI fasse l'objet d'une concertation réelle, et donc que le débat soit reporté de quelques mois. A partir du moment où LCI demande à passer en gratuit, Paris Première sera en gratuit et Canal aussi. C'est un renforcement des groupes historiques au détriment des nouveaux entrants ! Toute l'économie de la télévision est remise en question, cela demande des études d'impact a priori et pas a posteriori. Voter cet amendement maintenant, il ne faut pas se raconter d'histoire, cela veut dire qu'il y aura trois chaînes gratuites en plus ! Et c'est la boîte de Pandore qui est ouverte. Ce qui est paradoxal, c'est que dans cette même loi, on annule les canaux bonus et on les recrée à travers cet amendement. Pour nous, cet amendement n'est pas conforme au texte en vigueur. S'il devait être voté, on le contestera devant les tribunaux.
C'est à dire ?
Je crois à l'indépendance des tribunaux face aux décisions que je considère comme politiques ! Ce débat aura lieu à Bruxelles, devant le Conseil Constitutionnel et le Conseil d'Etat. On comprend bien que faire passer trois chaînes en gratuit, c'est créer trois chaînes gratuites en France. On comprend bien que c'est difficile de faire abstraction d'un appel à candidatures. C'est trop facile de pouvoir changer les règles en cours de route ! Cette démarche dans la précipitation pour un groupe au détriment d'un autre est politique, je l'ai dit à nos interlocuteurs au gouvernement.
Tout repose sur ce fameux amendement, comment expliquez-vous son passage en catimini à l'Assemblée Nationale ?
Je vous laisse la responsabilité de vos propos pertinents. Il y a eu, semble-t-il, une volonté politique forte au dernier moment de favoriser la demande du groupe TF1. Il n'y a aucune raison économique pour pouvoir justifier l'arrivée d'une troisième chaîne d'informations gratuite ! Je vous invite à relire la décision du CSA d'il y a deux ans, quand LCI avait demandé à passer en gratuit. Le CSA avait répondu, et pour cause, que la loi ne le permettait pas. Le CSA avait ajouté que ce serait impossible pour des raisons liées au marché publicitaire mais aussi au pluralisme de l'information ! Donc l'approche actuelle est éminemment politique ! C'est très inquiétant quand on est un acteur indépendant sur un marché concentré.
Si LCI devenait malgré tout gratuite, un rapprochement entre deux chaînes d'info serait-il inéluctable ?
Le marché ne peut pas supporter trois chaînes ! Aujourd'hui, i>TELE et nous, c'est environ 2,7% de parts d'audience. Peut-être que si LCI passe en gratuit les Français consommeront un peu plus d'infos et on passera à 3%. Mais à 3%, on ne finance pas trois chaînes d'information ! Ca veut dire qu'il y aura un appauvrissement des chaînes et le service rendu aux téléspectateurs sera moins bon.
Nonce Paolini met en avant l'argument de l'emploi, et les 200 salariés de LCI...
Tout entrepreneur qui commet une erreur fait courir des risques à ses salariés ! Le groupe TF1 a fait une grave erreur, il met ses salariés en difficultés ! On ne peut pas faire porter le chapeau au Sénat ou au CSA ! Ce n'est pas très honnête. Si LCI devait passer en gratuit, ce serait par ailleurs une nouvelle erreur historique et stratégique de TF1 ! LCI en gratuit ne s'en sortira pas ! Ca va nous mettre en difficultés, i-TELE aussi. Le dernier arrivé souffrira le plus, notamment à cause de la numérotation. Ce n'est pas la solution aux problèmes actuels de TF1. Avec la puissance du groupe et leurs nombreuses chaînes, ils ont d'autres possibilités.
Vous êtes serein quant à l'issue de cette loi ?
Non, je ne suis pas du tout serein. Il y a un pacte politique avec le groupe TF1 pour leur rendre service dans cette affaire. Il n'y a aucune raison économique, strictement aucune. Je ne vois pas comment on peut justifier cet amendement qui a surpris même toutes les parlementaires !