Plateformisation, hyperdistribution, européanisation. Voilà le cap en "ion" fixé par Bruno Patino à Arte pour les années à venir. Invité à s'exprimer par visioconférence hier devant l'Association des journalistes médias (AJM), le nouveau patron de l'entreprise franco-allemande a affirmé sa volonté de s'inscrire dans la "continuité" de l'action de Véronique Cayla, sa prédécesseur au poste lors de la précédente décennie. "Elle a placé la barre très haut", a d'ailleurs salué celui qui fut son adjoint pendant cinq ans en tant que directeur éditorial d'Arte France.
Pour faire exister Arte dans un monde des médias en pleine mutation, Bruno Patino entend poursuivre sa transformation d'une marque télé en un "bouquet de propositions éditoriales". La bonne vieille chaîne de télévision n'est alors plus qu'un élément d'un triptyque composé également de la plateforme Arte.tv et des chaînes youtube siglées Arte. "Les trois propositions sont d'égale importance et permettent de toucher trois populations différentes", tient à faire comprendre Bruno Patino.
Au canal 7 historique, "chaîne des récits" (séries, films, documentaires) de plus en plus regardée, un public d'habitude et âgé : en moyenne 63 ans. Touchant un "autre public", de 50 ans en moyenne, la plateforme Arte.tv, devra accélérer encore son développement alors que "65% des contenus" qui y sont consommés ne sont déjà plus "de rattrapage". Pour son patron, grand adepte de la stratégie dite "d'hyper-distribution", Arte.tv a d'ailleurs vocation à être disponible gratuitement "dans un maximum d'endroits possibles". C'est ce qui explique sa mise à disposition en avril sur le canal 77 de la TNT ou sur les box d'Orange et Free. "Que Netflix gagne ou pas, la plateformisation est un usage irréversible", selon Bruno Patino, qui prédit en revanche "une diversification" des modèles de plateforme dans les années à venir. "Notre pari à nous, c'est qu'à côté des plateformes de puissance (Netflix, Amazon, ndlr), il puisse exister des plateformes affinitaires comme celle d'Arte".
Quid alors de l'absence d'Arte sur Salto, la plateforme de TF1, France Télévisions et M6 lancée il y a 8 mois ? "On ne nous a pas proposé d'être actionnaire de Salto", rétorque Bruno Patino, qui précise cependant négocier avec le service vidéo pour une distribution d'Arte dans "le respect de sa marque et de sa contextualisation éditoriale". "Les discussions ont traîné mais il est fortement probable qu'Arte se retrouve présent sur Salto, mais comme un distributeur", précise Bruno Patino.
Comme dernière fleur de son "bouquet de propositions éditoriales", le patron d'Arte cite les chaînes Youtube du groupe. "Elles connaissent un développement incroyable" selon lui, revendiquant 6 millions d'abonnés et une "cinquantaine de millions" de vues, rien qu'en avril. "Elles ont vraiment fait très fortement augmenter l'image de marque d'Arte auprès des plus jeunes", se félicite Bruno Patino, pour qui il faut aller chercher les jeunes "dans les endroits où ils sont" et avec des contenus "en résonance avec leurs questionnements". Et de citer la série "18h30" ou son homologue documentaire "Libres !", toutes deux diffusées récemment par Arte.
Bruno Patino compte enfin européaniser son média franco-allemand. L'entreprise audiovisuelle veille ainsi depuis plusieurs années à s'assurer les droits des oeuvres qu'elle diffuse pour tout le vieux continent. Arte traduit aussi 400 heures de programmes en quatre nouvelles langues (anglais, italien, polonais et espagnol), en plus du français et de l'allemand. "Dans les années à venir, nous allons aussi aller à la rencontre de ces nouveaux publics européens", glisse Bruno Patino, sans vouloir en dévoiler davantage pour l'instant.