Nicolas Bedos a réussi son coup. Hier soir, l'humoriste a trompé de nombreux téléspectateurs de France 2 dans "Un soir à la Tour Eiffel" avec Alessandra Sublet, en prétextant avoir écrit un livre relatant une supposée relation avec Valérie Trierweiler. L'information a ainsi été prise au sérieux par certains (dont Le Parisien) pendant un long moment, avant que Nicolas Bedos et Alessandra Sublet ne révèlent en fin d'émission qu'il s'agissait en réalité d'un canular. Reprise partout, l'information a fait le buzz dès hier soir et ce matin. Dans la foulée, le CSA a fait savoir qu'il allait se prononcer sur cette affaire dans les jours à venir. La question est maintenant de savoir si France 2 risque ou non une éventuelle sanction pour avoir diffusé une telle séquence ?
En matière d'information, les chaînes de télévision sont soumises à une obligation "d'honnêteté" vis-à-vis du public. Le CSA rappellent ainsi sur son site internet qu'elles sont tenues "de faire preuve d'honnêteté et de rigueur" dans la présentation et le traitement de l'information mais aussi "d'éviter d'induire le téléspectateur en erreur". Une obligation qu'on retrouve à l'article 35 du cahier des charges de France Télévisions qui prévoit que le service public "ne recourt pas à des procédés susceptibles de nuire à la bonne compréhension du téléspectateur".
La question est maintenant de savoir si une telle obligation peut s'appliquer à la séquence diffusée hier soir. C'est peu probable. Tout d'abord, le canular a été dévoilé dès la fin de l'émission. Ensuite, il ne s'agissait pas d'une émission d'information mais bien d'un divertissement dans lequel intervenaient des personnalités qui ne sont pas réputées pour être des journalistes d'information.
Autant d'éléments qui expliquent sans doute la confiance affichée par France 2 ce matin. La chaîne publique a en effet fait savoir qu'elle assumait totalement cette séquence. "France 2 assume bien sûr le canular de Nicolas Bedos dans son émission de divertissement hier soir. Précisément parce que c'est Bedos, humoriste. Si on lui donne la parole, c'est alors pour respecter sa liberté de ton et de sujets. A condition de prévenir ensuite les téléspectateurs du canular, ce qui fut fait", a précisé la chaîne publique.
On peut aussi noter que ce canular a été soigneusement préparé en amont par la production de "Un soir à la Tour Eiffel". Dans une interview à "Closer", Nicolas Bedos a révélé avoir voulu au départ "ne rien dire le soir-même de la diffusion et attendre le lendemain pour rétablir la vérité". C'est finalement la production qui l'en a dissuadé car "c'était impossible juridiquement", preuve qu'elle était au fait de ses obligations en la matière.
France 2 pourrait-elle être cependant sanctionnée par le CSA pour diffamation ou atteinte à la vie privée ? Le Conseil supérieur de l'audiovisuel rappelle en effet sur son site internet qu'il "contribue au respect des droits de la personne relatifs à sa vie privée, son image, son honneur et sa réputation tels qu'ils sont définis par la loi et la jurisprudence".
Cela semble peu probable au nom du "droit à l'humour" que peuvent légitimement invoquer les auteurs du canular. Comme le rappelle Christophe Bigot, avocat spécialisé dans le droit des médias, la révélation à l'antenne d'une liaison, vraie ou fausse, peut notamment constituer une atteinte à la vie privée. Mais cette atteinte est neutralisée si "l'intention humoristique" est établie sauf si cette intention peut faire l'objet d'une confusion chez le public. Le canular ayant été révélé dès la fin du programme, l'intention humoristique est établie et il est peu probable que le CSA sanctionne la chaîne sur ce fondement.
Difficile de retrouver la trace d'une décision du CSA rendue dans une affaire similaire. Des radios ont par le passé été sanctionnées pour des canulars téléphoniques en raison de certains propos tenus ou procédés utilisés lors de sa réalisation. Ce fut le cas de Fun Radio en 2000 rappelée à l'ordre pour "atteinte au respect de la personne humaine" à la suite de propos injurieux prononcés à l'antenne pendant un canular téléphonique.
Par le passé, le CSA a eu à traiter une affaire plus proche du canular de Nicolas Bedos avec l'émission de France Inter, "A votre écoute, coûte que coûte". Parodie présentée comme une émission de libre antenne sur la santé, cette émission du service public animée par des acteurs avait provoqué de nombreuses controverses. Ses intervenants prenaient en effet un malin plaisir à tenir des propos particulièrement choquants à l'antenne, sans prévenir qu'il s'agissait d'une parodie.
Malgré de nombreuses plaintes, le CSA avait estimé qu'il n'y avait eu "aucun manquement de Radio France à ses obligations déontologiques". Le conseil supérieur de l'audiovisuel s'était contenté de transmettre à Radio France une copie des plaintes reçues en l'invitant à répondre aux différentes critiques formulées par les auditeurs.