Des couloirs de l'hôpital de Seattle Grace aux rues de New York, il n'y a apparemment qu'un pas. Ce soir, Chyler Leigh, alias Lexie Grey dans "Grey's Anatomy", est de retour sur TF1 dans "Taxi Brooklyn", série française produite par Luc Besson mais tournée à New York. Un projet ambitieux qui a attiré la comédienne, pourtant pas pressée de replonger dans le bain de la télévision et ses horaires intenables. Pour puremedias.com, Chyler Leigh revient sur ce tournage un peu spécial, le risque de n'être diffusé qu'en France, ses exigences de mère de famille et les acteurs qui rompent leur contrat en pleine gloire...
Propos recueillis par Charles Decant.
Qu'est-ce qui vous a attirée dans ce projet ?
En fait, je n'avais pas vraiment envie de repartir dans un drama de 42 minutes, ou même une comédie d'ailleurs. Mais il y a plein de choses qui m'ont fait réaliser que c'était sans doute une très belle opportunité. D'abord, Luc Besson. Ensuite, Gary Scott Thompson. Et puis, c'est 12 épisodes et pas 22 ou 24. Et le projet en lui-même... Faire partie d'une aventure comme celle-ci... Quand j'ai lu le script, on n'aurait pas dit de la télé. On aurait dit un film. Et puis un personnage comme celui-ci, je n'en avais jamais joué... Cette force, et cette vulnérabilité. Je trouvais l'ensemble très équilibré. Il y a de tous les genres : de l'action, de la comédie, du drame, du suspense... Tout y est !
Vous aviez vu les films ?
J'avais vu le premier. Mais en fait, je ne voulais pas qu'on puisse faire des comparaisons. Je ne voulais pas être trop contrainte par ce que j'aurais vu, parce que les films sont tellement importants. Ce qu'on propose, c'est assez différent, en fait. Et il faut qu'on le traite comme quelque chose de différent.
C'est un rôle très différent pour vous, très physique ! On vous voit courir tout le temps partout, on est bien loin des couloirs de l'hôpital... !
On s'habitue tellement à être en studio. On était très rarement en extérieur, donc "Taxi Brooklyn" était vraiment un cadeau à ce niveau-là ! Après, c'est aussi un défi. On dépend de la ville. Il y a les bruits de la ville, les gens, et on n'est pas toujours les bienvenus là où on tourne. Mais dans l'ensemble, New York est le personnage principal de la série. Ca apporte quelque chose d'unique, vraiment. Ce ne sont pas juste quelques plans d'introduction, avec le reste tourné ailleurs. On est au coeur de New York, et on apprend à l'apprécier.
C'est l'une des choses qui différencient la série des autres séries policières, mais qu'a-t-elle d'autre de particulier ?
Je pense que le style de la série est aussi très différent. C'est vraiment comme un film. Tous les petits détails. Quand on envoie un SMS, une petite bulle apparaît à l'écran. Je n'ai jamais vu ça à la télé, encore moins sur une grande chaîne. Quand le chrono se déclenche au moment où on se lance dans une course-poursuite dans la ville, on le voit. Et c'est ce qui se fait au cinéma. Je pense qu'on prend des risques, et j'adore ça. Après, il fallait trouver un équilibre pour ne pas faire peur aux chaînes américaines.
"Taxi Brooklyn" est aussi la première série dont vous tenez le rôle principal, sans faire partie d'un cast important. Ca vous a attiré ou au contraire, est-ce que ça vous a fait peur ?
Un peu des deux, en fait. Et je le ressentais chaque jour. Je me disais "Mon Dieu mais dans quoi je me suis embarquée ?!". C'était assez intimidant, c'est vrai, en termes de quantité de travail. Mais je m'étais assurée de certaines choses, notamment de ne pas dépasser un certain nombre d'heures par jour. J'ai une famille, ma famille était sur place, et je voulais passer du temps avec elle. Je n'aurais pas survécu sans elle.
De combien d'heures parle-t-on ?
Douze heures. Les journées duraient douze heures. J'ai été vraiment protégée, et on me laissait du temps le week-end, du temps sur lequel personne ne pouvait empiéter. Ce n'était pas le cas de "Grey's Anatomy", où on travaillait parfois seize heures par jour. Il y avait quinze membres du cast régulier, tout le monde avait sa réplique, donc il fallait parfois huit ou neuf heures pour tourner une seule scène. C'était épuisant ! J'en étais arrivée au point où je passais à côté de la vie de mes enfants. Ca n'en valait pas la peine. Ce n'est pas une critique envers la série ou les gens qui y travaillent. Je suis très reconnaissante d'avoir vécu cette expérience, et je le serai toujours. Mais c'était trop.
Vous dites que vous ne recherchiez pas un rôle dans un drama de 42 minutes. Vous recherchiez quoi dans ce cas ?
J'ai pris 18 mois de repos. Je ne savais pas si j'allais repartir dans autre chose, sincèrement. Mon idéal, c'est de pouvoir développer des projets avec mon mari, à notre rythme, et de prendre toutes les décisions créatives. Mais j'ai eu énormément de chance. Je n'ai pas passé de casting, on est venu me proposer ce rôle et c'était impossible à refuser ! Il a quand même fallu qu'on me convainque, parce que c'était un vrai défi de jouer un personnage comme elle. Mais ma vie de famille était si forte que je me sentais capable de prendre un peu de temps pour un projet comme celui-là.
"Taxi Brooklyn" est une co-production internationale. Est-ce que ça s'est ressenti au quotidien sur le tournage ? Est-ce que l'expérience était différente ?
Oui, c'était différent parce qu'on on nous a laissés libres !
Donc c'est une bonne différence... !
Oui, c'est une bonne différence ! J'ai vraiment senti qu'on avait l'opportunité de faire de cette série quelque chose de vraiment spécial. Alors bien sûr, on ne pouvait pas tout faire. On ne pouvait pas trop jurer, parce que ça ne passe pas sur les grandes chaînes américaines - même si j'ai essayé de le faire le plus possible ! (Rires) Mais j'ai eu le sentiment qu'on devait faire plaisir à moins de gens. Dans les séries des grandes chaînes, il y a toute une chaîne de gens qui ont leur mot à dire et qui veulent dire quelque chose juste pour le principe. Je ne veux pas trop critiquer ce système, vu que j'ai beaucoup tourné pour ces chaînes, mais c'était vraiment appréciable d'être plus libres.
Entre ce type de production internationale, Netflix, Amazon, tout change en ce moment dans le monde de la télé. Mais c'est aussi plus risqué de se lancer. Vous auriez pu tourner "Taxi Brooklyn" et être diffusée uniquement en France...
J'y ai pensé, mais ça ne m'aurait pas posé problème. J'étais heureuse de faire partie de ce projet, et je sais que je trouverai d'autres rôles ! J'ai l'habitude si on regarde ma carrière ! (Rires) Avant "Grey's Anatomy", je n'avais jamais tourné dans une série qui avait duré plus de 13 épisodes ! Je savais que l'opportunité était bien plus importante que le risque de ne pas être diffusé. Donc ça n'a pas joué dans ma réflexion.
Vous avez signé pour une saison 2 ?
J'ai signé oui, mais je ne sais pas encore s'il y aura une saison 2. On le saura après la diffusion.
Vous avez signé le même type de contrats que pour les séries américaines ?
Oui, on s'engage pour cinq ans je crois.
Quand on signe pour cinq ans, on s'engage avant même de tourner le pilote. Et dans un rôle principal, on est sûr d'être présent pour ces cinq ans...
Oui...
C'est comme se marier avec quelqu'un qu'on ne connaît pas !
C'est vrai ! Mais c'est pour ça que si on est malin, on choisit avec prudence, et on s'engage sur un projet dans lequel on peut s'imaginer rester cinq ans. "Grey's Anatomy", personne ne savait que ça allait exploser de la sorte ! Ils n'avaient tourné que douze épisodes pour la première saison, et boum ! Je crois que tout le monde a renégocié ses contrats pour la deuxième saison, ou la troisième, tout au début. C'était du jamais-vu.
Dans ce cas, vous comprenez qu'en tant qu'acteur, on puisse vouloir quitter une série avant qu'elle ne soit terminée, pour des différends créatifs ? Ca aurait pu vous arriver ?
(Silence) Chacun son truc. C'est comme ça... Je n'aime pas être celle qui dit "Si tu signes pour tant d'années, pourquoi partir ?"... Je sais pourquoi moi je suis partie, et je me suis déjà expliquée, ce n'était pas pour une raison créative. Si les gens veulent partir pour ce genre de raisons... On a eu énormément de polémique dans "Grey's Anatomy", et je connais cette question. Si les gens veulent partir, qu'ils partent ! Je les soutiens. Tout le monde a joué un rôle dans le succès de la série, et la contribution de chacun est appréciée. Il y a eu tellement de va-et-vient dans la série, et à chaque fois, c'était une opportunité de recréer la série. C'est la nature de notre métier.