Tout un symbole. Alors que l'inscription de l'avortement dans la Constitution doit être soumise au vote du Sénat ce mercredi, une séquence diffusée sur CNews ce dimanche 25 février fait polémique. Dans l'émission "En quête d'esprit", un programme connu pour parler de religion et en particulier de christianisme, le journaliste conservateur Aymeric Pourbaix évoquait alors cette question d'actualité.
Il assure alors que l'interruption volontaire de grossesse est la "première cause de mortalité dans le monde" au-dessus du cancer et du tabac. À l'écran, les téléspectateurs ont pu également voir le chiffre de "73 millions d'avortements" par an dans le monde associé aux trois principales causes de décès. L'animateur citait alors des chiffres provenant de "l'institut Worldometer", un site indépendant qui se base sur les données de l'ONU et d'autres instituts internationaux pour proposer des statistiques en temps réel, et qui s'est fait connaître grâce à ses statiques autour de la pandémie du Covid-19. Un site, qui par ailleurs, se dit "apolitique" et qui sépare clairement dans ses statistiques les décès des avortements. Puremedias.com vous propose de visionner la séquence polémique dans la vidéo ci-dessus.
À la suite de ces propos tenus en direct, "Sleeping Giants France", qui se définit comme un "collectif citoyen de lutte contre le financement du discours de haine" a porté un signalement à l'Arcom, l'autorité de régulation de l'audiovisuel. "Manquement à l'honnêteté de l'info : titre erroné (oral et infographie) d'une donnée de Worldometer. IVG présentée comme un décès contrairement à l'avis scientifique, à la loi Française et Européenne" rappellent-ils dans un message publié sur X (ex-Twitter) ce lundi. "Général pour l'émission : confusion entre information et religion. Format et aspect de l'émission (plateau, bandeaux...) identique à celui des émissions d'info, rendant l'exposé des croyances indiscernable des faits" note encore le collectif.
Plus tôt dans l'émission, un pamphlet anti-IVG présenté comme un sujet d'actualité était diffusé, qualifiant l'avortement de "blessure de l'âme". Autre remarque du collectif, cette partie de l'émission semble avoir disparu des replays en ligne de la chaîne.
Du côté des politiques qui défendent la qualification de l'IVG comme droit humain fondamental, les réactions se sont multipliées, appelant à "sanctionner" la chaîne de Vincent Bolloré, le milliardaire étant par ailleurs connu pour ses positionnements conservateurs et chrétiens. "Répugnant. Hier en direct, CNEWS qualifie l'avortement de '1ère cause de mortalité dans le monde' devant le cancer. Il faut garantir ce droit dans la Constitution et sanctionner CNEWS !", a écrit le groupe parlementaire de la France Insoumise et Nupes sur le réseau social. De son côté, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, a annoncé que le groupe a également fait un signalement à l'Arcom. "CNEWS toujours plus loin dans l'abject. Pour rappel, le délit d'entrave à l'IVG est pénalement condamné en France. Avec LFI Assemblée, nous saisissons immédiatement l'Arcom. CNews doit être sanctionné et le droit à l'avortement garanti dans la Constitution !"
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"Le droit à l'avortement n'est pas menacé' selon des sénateurs. En une semaine, CNews a inclus l'avortement dans la mortalité mondiale, des tracts et des e-mails anti-IVG ont été envoyés aux députés Français. Vite, constitutionnalisons l'IVG", a insisté de son côté le député la France Insoumise Louis Boyard. Alors que le droit à l'interruption volontaire de grossesse est remis en cause dans le monde et notamment aux États-Unis, avec l'arrêt de "Roe vs Wade", qui accordait le droit aux Américaines d'avorter dans tout le pays, Emmanuel Macron a annoncé le 8 mars 2023 son sa promesse d'inscrire cette "liberté garantie" dans la Constitution. Légalisée en France depuis l'adoption de la "loi Veil" du 17 janvier 1975, ce droit reste réversible s'il n'est pas inscrit dans la loi fondamentale.
Ce lundi, alors que la polémique enflamme les réseaux sociaux, CNews a présenté ses excuses via un communiqué relayé par l'Agence France Presse (AFP). À l'antenne, c'est Laurence Ferrari qui a pris la parole pour représenter la chaîne, en rappelant d'abord la séquence diffusée, avant de déclarer : "Ce sont des données incomparables. Il est absolument impossible de comparer ces chiffres et de les mettre en miroir de ceux de la mortalité liée au cancer ou au tabac. L'interruption volontaire de grossesse est autorisée en France depuis la loi du 17 janvier 1975, la loi portée par Simone Veil. Il s'agit donc d'un droit garanti par la loi et il ne s'agit pour quiconque de le remettre en cause. La chaîne CNews présente ses excuses à ses téléspectateurs pour cette erreur qui n'aurait pas dû se produire. CNews présente ses excuses auprès de toutes les femmes avec une pensée particulière pour celles dans le monde qui luttent pour obtenir le droit à disposer de leur corps et à toutes celles qui ont perdu la vie faute de pouvoir accéder à l'IVG. À titre personnel, j'ajoute que cette loi est très importante pour moi comme pour toutes les autres femmes et j'espère très sincèrement que ce droit acquis de haute lutte par nos mères, par nos aînés sera inscrit dans la Constitution".