Personne ne l'avait vu venir, l'homme d'affaires breton. Vincent Bolloré, à la tête du groupe qui porte son nom, a mis un premier pied dans les médias et la communication avec l'agence Havas et un quotidien gratuit, Direct Matin. Très rapidement, l'industriel, présent dans de multiples secteurs d'activités - dont les fameuses voitures électriques Autolib -, prend goût aux médias. En 2005, alors que certains capitaines d'industrie ne croient pas à la TNT, il crée Direct 8. Sept ans plus tard, à la surprise générale, Bolloré vend ses deux chaînes à Canal+, qui veut se renforcer dans la télévision gratuite.
Il empoche un gros chèque mais négocie surtout un échange d'actions, qui lui permet de mettre un premier pied dans le capital de Vivendi, propriétaire de la chaîne cryptée. Il entre au conseil d'administration en 2012. Au départ petit actionnaire, Vincent Bolloré va monter doucement mais sûrement à coups de rachats d'actions sur les marchés. Il y a un an, l'assemblée générale valide son arrivée à la tête du conseil de surveillance.
Premier actionnaire incontesté du groupe aujourd'hui avec 14,42% du capital, Vincent Bolloré est redevenu, de fait, propriétaire des chaînes D8 et D17 vendues à Canal+ quelques années plus tôt, et patron de ceux qui les dirigent ! L'industriel breton est désormais le seul maître à bord et à la tête d'un trésor de guerre, grâce à de nombreuses cessions d'actifs de Vivendi, dont celle de SFR à Numericable.
Chez Canal+, pépite du groupe, on craint l'arrivée de Vincent Bolloré depuis plusieurs mois déjà. Tous les salariés s'attendent depuis un an à ce que Bolloré place ses hommes à la tête du groupe, aujourd'hui dirigé par Bertrand Méheut. Mais personne n'imaginait qu'il puisse à ce point se mêler de la ligne éditoriale de la chaîne ! "J'ai rarement vu un tel chaos dans cette boîte", témoigne un historique de Canal.
Pourtant, Vincent Bolloré s'est toujours employé à "dépolitiser" les sociétés qu'il contrôle. A l'institut CSA, ordre a été donné de ne plus faire de sondages politiques publics ! Chez Havas, il a demandé à ses communicants de ne plus avoir de contrats de conseils politiques. "Il faut s'interroger sur les conditions d'exercice d'une activité qui représente 1% du chiffre d'affaires d'Havas Worldwide et 99% de ses emmerdes", expliquait, en 2013, le communicant Stéphane Fouks. Les emmerdes, Vincent Bolloré n'en veut pas à Canal+, à deux ans de la présidentielle. "Recevoir des coups de fil des politiques pleurnichards, il déteste ça. Sa proximité politique avec Nicolas Sarkozy est de notoriété publique et 'Les Guignols' tapent fort sur lui", témoigne un proche de l'homme d'affaires.
Face au tollé suscité par la mise à la retraite possible des marionnettes, Vincent Bolloré va-t-il faire machine arrière ? Canal+ et Bolloré ne "font pas de commentaire" et ne démentent pas, signe que la crise est grave. Hier, Renaud Le Van Kim, producteur historique de l'access, a prévenu ses équipes : "Je ne serai pas le producteur qui enterrera 'Les Guignols' à la rentrée". Traduction : sans PPD, "Le Grand Journal" mourra.
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