La guéguerre entre Europe 1 et RMC continue. Les échanges d'amabilités entre Jean-Jacques Bourdin et Nicolas Canteloup, le premier menaçant de s'en prendre physiquement au second s'il continue à l'imiter en faisant passer sa matinale pour un défouloir de militants du Front National, auraient pu en rester là. Mais les dirigeants de RMC ont souhaité faire part de leur agacement à leurs homologues d'Europe 1.
Comme l'a révélé L'Obs cette semaine, Frank Lanoux a envoyé à Denis Olivennes, un courrier de protestation. "L'émission de Nicolas Canteloup diffusée sur votre antenne est devenue la tribune d'une assimilation quasi systématique des filiales du groupe NextradioTV aux idées du Front National", peut-on lire dans le courrier qui évoque un temps de parole plus important accordé au Front national par Europe 1 pendant les dernières élections européennes.
Ce courrier a passablement agacé la direction de la station du groupe Lagardère, qui a répondu séchement dans une lettre dont puremedias.com a obtenu copie. Denis Oliviennes s'y étonne que la radio concurrente demande "avec insistance et même de manière menaçante" de "bâillonner" son imitateur vedette. Après avoir rappelé que Nicolas Canteloup n'avait "jamais été poursuivi ni condamné pour avoir dénigré, diffamé ou injurié qui que ce soit", le grand patron d'Europe 1 dispense une petite leçon de liberté expression.
"Au lieu de demander la censure d'un humoriste, vous devriez être au premier rang des défenseurs de la liberté de la presse. 'Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire' : telle est la maxime dont on attendrait d'un groupe de media qu'il la fasse sienne", écrit-il en rappelant être lui-même régulièrement moqué par son salarié. Il répond également sur les temps de paroles consacré au FN, en citant des chiffres... des élections municipales !
Cher Monsieur,
Depuis plusieurs semaines et sous différentes formes, vous nous demandez, avec insistance et même de manière menaçante, de bâillonner Nicolas Canteloup.
Vous m'avez encore adressé en ce sens une lettre comminatoire le 17 septembre dernier qui a par ailleurs été communiquée aux médias.
Nicolas Canteloup exerce son talent remarquable sur notre antenne depuis 10 ans. Son humour n'épargne personne: ni les présidents de la République, les autorités religieuses ou morales, les ministres, journalistes, comédiens, chanteurs, intellectuels, ni Arnaud Lagardère lui-même, les présidents successifs de la station (y compris votre serviteur, surnommé Oussama Olivennes) ou de nombreuses personnalités de l'antenne.
Ses railleries sont parfaitement identifiées comme humoristiques par nos auditeurs. Personne ne les prend au premier degré.
Chroniqueur exemplaire, Nicolas Canteloup respecte scrupuleusement la loi il n'a jamais été poursuivi ni condamné pour avoir dénigré, diffamé ou injurié qui que ce soit.
C'est la première fois que quelqu'un exige qu'on le fasse taire.
Quelle tristesse que ce soit vous!
Au lieu de demander la censure d'un humoriste, vous devriez être au premier rang des défenseurs de la liberté de la presse. "Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire" : telle est la maxime dont on attendrait d'un groupe de media qu'il la fasse sienne.
Si, nous, les medias, nous ne sommes pas les plus ardents avocats de la liberté d'expression et du droit à l'humour, qui le sera ?
Je n'ai même pas envie d'entrer dans la mauvaise querelle que vous me cherchez sur nos temps d'antenne respectifs consacrés au Front National. J'en fais litière d'un mot: nous avons accordé 18% de notre temps d'antenne au Front National pendant les élections municipales (contre 22% pour vous), et 1h02'24" pendant les élections européennes (contre 59'50" pour vous). Nous n'avons reçu à ce sujet aucune mise en garde ou en demeure du CSA, gardien de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion.
Les propos de Canteloup, je vous le répète, ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Ce sont des traits d'esprit.
Je suis infiniment désolé qu'ils puissent vous blesser. Toutefois, ne comptez pas sur moi pour attenter si peu que ce soit à la liberté de Nicolas dès lors qu'il respecte la loi - ce qui est le cas.
Je suis certain qu'attachés à la liberté autant que nous le sommes, et capables de la même distance amusée que la totalité des autres "cibles" de Nicolas Canteloup, vous allez finalement, comme le chantait Francis Blanche qui exerça ses talents à Europe 1, prendre le "parti de ceux qui n'ont pas de parti, le parti d'en rire".
Bien confraternellement.