A ma gauche, deux compétitions majeures dite "d'abonnement". A ma droite, trois groupes de télé payante bien décidés à en découdre. Si la compétition des droits sportifs a toujours été relevée, le match de 2017 promet d'être particulièrement saignant. Seront notamment remis en jeu les droits télé de la Formule 1 et de la Ligue des Champions (2018-2021), deux compétitions qui font partie des rares, avec la Ligue 1 et le Top 14, à pouvoir véritablement attirer de nouveaux abonnés. De quoi attiser les convoitises des trois principaux groupe de Pay-TV en France : Canal+, beIN Sports et SFR.
SFR a tiré le premier en affichant ses ambitions pour le championnat de F1, détenu depuis 2013 par Canal+. Comme puremedias.com le révélait en janvier, Patrick Drahi, propriétaire de SFR, a ainsi entamé depuis plusieurs semaines des discussions avec les ayants droit de la compétition. "C'est un dossier que nous allons regarder", confirmait en janvier Alain Weill, patron de la branche médias de SFR. La conquête de la F1 permettrait notamment au groupe d'affaiblir un peu plus Canal+, groupe qu'il avait déjà dépouillé des droits de la Premier League en 2015. "SFR est clairement dans une stratégie d'investissement massif pour tuer Canal", estime d'ailleurs un expert du marché.
Du côté de Canal+, on fait mine de tenir fermement au championnat de Formule 1. "La F1 fait partie des piliers de la programmation de Canal", martèle ainsi Thierry Cheleman, patron des sports de Canal. Mais dans cette partie de poker menteur, la vérité est peut-être ailleurs. Avec un coût estimé à près de 50 millions d'euros par an, "la F1 coûte cher et rapporte peu d'abonnés à Canal+", estime un observateur.
La filiale de Vivendi pourrait ainsi avoir intérêt à afficher publiquement son attachement à la compétition automobile afin de faire monter l'enchère de SFR, tout en étant déjà secrètement prêt à les céder. Par cette manoeuvre, Canal obérerait d'autant la capacité d'investissement de SFR dans le dossier "Ligue des champions", bien plus stratégique pour la filiale Vivendi. Déjà détenteur d'une partie des droits de la compétition reine du football européen, Canal doit absolument maintenir sa position sur ce marché pour stopper l'hémorragie d'abonnés et assurer sa survie.
A plus long terme, Canal+ mise sans doute sur un épuisement financier de SFR, quitte à devoir assumer quelques replis tactiques. Si la perte de la Premier League aurait selon certaines estimations privé la chaîne cryptée d'une petite centaine de millier d'abonnés, elle coûterait aussi près de 110 millions d'euros par an au groupe de Patrick Drahi. Une somme énorme qui, à terme, pourrait peser lourd dans les comptes du groupe.
Mais à l'image de British Telecom qui vient de débourser 1,2 milliard de livres pour s'adjuger les droits de la Ligue des Champions jusqu'en 2021, SFR est dans une logique financière différente d'une télévision payante classique. Misant sur la convergence des tuyaux et des contenus, le groupe ne cherche pas tant à gagner de l'argent sur ses activités de télévision qu'à utiliser cette offre comme une tête de gondole pouvant convaincre de nouveaux clients d'adopter son réseau câblé et ses abonnements à internet et au téléphone.
BeIN Sports, quant à elle, reste la grande inconnue de cette bataille 2017 des droits sportifs. Après avoir acquis à prix d'or un vaste portefeuille - dont le meilleur de la Ligue des Champions - lors de son arrivée en France, la chaîne qatarie semble bel et bien avoir fini "par compter", comme le prédisait Bertrand Méheut, l'ancien président de Canal+. Enfermé dans un modèle économique nécessitant selon les estimations près de 5,5 millions d'abonnés pour seulement atteindre l'équilibre, le groupe audiovisuel est acculé par des pertes déjà colossales de près d'un milliard d'euros !
beIN Sports sort moins le chéquier et laisser filer des compétitions secondaires qu'elle aurait pu rafler. Ces derniers mois, le groupe a même multiplié les partenariats commerciaux avec ses principaux rivaux, Canal+ et SFR, afin d'améliorer ses recettes. Les appels d'offres à venir confirmeront-ils sa conversion au rationalisme économique ou marqueront-ils au contraire son retour éclatant sur le devant de la scène ? Les paris sont ouverts. Une chose est sûre, l'issue de la bataille de 2017 pourrait bien contraindre l'un des trois boxeurs à jeter l'éponge.