Le bras de fer a démarré. Réunis en AG cet après-midi suite aux très mauvais résultats d'audience de la station, 170 salariés d'Europe 1 ont voté à l'unanimité une motion sur "l'état d'urgence" de la station. Elle fait état d'un "profond traumatisme", dénonce la stratégie de la direction depuis le départ de Laurent Ruquier, avec la mise en place de "solutions coûteuses, faciles et à côté de la plaque". Les salariés dénoncent aussi le plan d'économies qui, en 2016, a détérioré leurs conditions de travail. Les salariés demandent à l'actionnaire Arnaud Lagardère de manifester son attachement à Europe 1 en "réinjectant massivement de l'argent" et à la direction de "rétablir la confiance" avec les équipes.
Les résultats Médiamétrie de la vague novembre-décembre 2016 provoquent un profond traumatisme au sein de toutes les équipes qui, 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365, font la radio Europe 1. Qu'elles soient à la rédaction, aux programmes, au web, à la technique, à la pub ou dans les services transverses, ces équipes étaient déjà là il y a 5 ans, à l'époque où Europe 1 attirait 1 million d'auditeurs de plus qu'aujourd'hui. Tout au long de ces années, elles n'ont ménagé ni leur temps ni leur peine pour faire cette antenne qui leur tient à coeur. La glissade du nombre d'auditeurs subie depuis plus d'un an leur est insupportable. Tout comme leur sont insupportables les explications données vague après vague par la direction ("nos décisions sont les bonnes... vous verrez : elles vont finir par payer... patience...)
Les salariés d'Europe 1 ne se reconnaissent pas dans la série de changements malencontreux intervenus sur l'antenne depuis le départ de Laurent Ruquier. Aussi bien dans les tranches de programmes que dans les tranches d'info. Annoncé par l'intéressé six mois à l'avance, ce départ aurait dû conduire la direction à s'interroger sur l'identité d'Europe 1, son positionnement, sa cible, la forme de sa relation avec ses auditeurs. Et à associer tous les métiers de l'entreprise à cette réflexion. Elle ne l'a pas fait, préférant recourir à des solutions faciles, coûteuses et, au final, à côté de la plaque.
Face aux résultats qui n'arrivaient pas, d'autres changements ont été opérés. Souvent dans la précipitation. Souvent aussi sans aucune communication interne. Plus d'une fois, ces changements ont obligé les salariés à remettre en cause des organisations de travail qu'ils venaient à peine d'adopter, les contraignant au passage à enchaîner des heures, des journées et des semaines bien au-delà de la norme, de manière rarement compensée.
S'il y a une chose qu'ils ont bien comprise (là, c'est vrai : la communication interne a été insistante!), c'est que tout cela devait se faire à coûts réduits (4 millions d'euros d'économies en 2016 !). D'où l'alourdissement de la charge de travail, l'insuffisante reconnaissance salariale des efforts fournis, et surtout l'explosion du nombre de contrats précaires (CDD, CDDU, pigistes) pour occuper des emplois permanents, y compris sur des tranches d'antenne stratégiques.
Les salariés d'Europe 1 ne se satisfont plus des discours invariables et lénifiants de ces dernières années. Ils considèrent que l'état d'urgence a sonné. Ils s'adressent d'abord à l'actionnaire qui, rappellent-ils, a longtemps profité des dividendes remontés par la station : c'est maintenant qu'il doit montrer qu'il tient à Europe 1 en réinjectant massivement de l'argent dans l'entreprise (l'année prochaine, ce sera trop tard : Europe 1 aura décroché)... Ils s'adressent ensuite à la direction. La seule manière pour elle de mener à bien la reconquête, c'est de rétablir une confiance fortement entamée avec l'ensemble des équipes.
"L'engagement sans faille" que Denis Olivennes et Richard Lenormand attendent de tous les collaborateurs d'Europe 1 ne sera pas au rendez-vous sans un signal fort et rapide. Un signal sur deux plans : 1. Retour à un management qui respecte le savoir-faire des équipes et qui les associe à toutes les étapes de la reconquête. 2. Titularisation de tous les salariés indûment employés en contrats précaires.