La nouvelle orientation d'Europe 1, depuis la reprise de la station par Vincent Bolloré, en 2021, vivement critiquée. Si, selon la dernière vague de mesure d'audience pour la période avril - juin 2024, Europe 1 est en progression avec 2,36 millions d'auditeurs quotidiens, soit un gain de 396.000 paires d'oreilles sur une année, le contenu de l'antenne n'est pas du goût de tous. 63 actuels et anciens salariés de la station, dont Pascale Clark et Patrick Cohen (qui fera son retour à la matinale de France Inter à la rentrée) signent ce 11 juillet une tribune dans les colonnes du quotidien "Libération", avec Reporters sans frontières, dans laquelle ils enjoignent l'Arcom à agir "pour s'opposer à la mort d'une chaîne généraliste".
"Cette radio que l'on a connue n'existe plus", écrit le collectif, citant, entre autres, l'émission musicale "Salut les copains" ou encore l'appel de Coluche à la solidarité, en 1985, qui a marqué la création des Restos du Coeur, comme temps forts de la station. Les signataires dénoncent une "identité [...] usurpée" estimant qu' "Europe 1 est aujourd'hui un organe de propagande, intégré à un système Bolloré". Pire encore, ils qualifient la station qu'ils ne reconnaissent plus de "spirale fasciste, qui tord, manipule et instrumentalise l'information".
Les journalistes signataires ont remarqué "un glissement de notre paysage médiatique dans une sorte de far west informationnel, sans règles". Et, depuis le changement d'actionnaire, il estiment que "la stratégie éditoriale de la station, parfois proche des groupes identitaires des programmes du Rassemblement national, de Reconquête et de l'aile droitière des Républicains, est impulsée par le désormais maître des lieux et le toujours maître en la matière, Vincent Bolloré". Une nouvelle ligne éditoriale dont l'émission "L'heure des pros", animée par Pascal Praud et codiffusée sur CNews, est symptomatique selon eux. À propos de ce programme, ils écrivent : "L'émission animée par Pascal Praud actionne, dès le matin, une mécanique bien rodée, celle d'un manque criant d'honnêteté dans la sélection et le récit des faits et d'un pluralisme interne inexistant". Ce à quoi ils ajoutent : "Les journalistes de la station ont bien compris qu'il donnait le 'la' des orientations éditoriales".
Autre exemple qu'ils citent, l'émission éphémère de Cyril Hanouna, "On marche sur la tête", programmée pendant les deux semaines précédant le premier tour des élections législatives anticipées. Une émission courte, dans le temps, mais qui avait valu à Europe 1 un rappel de l'Arcom de "son obligation de traiter avec mesure et honnêteté l'actualité électorale" puis, huit jours plus tard, une mise en demeure pour manque de "mesure" et d' "honnêteté".
À propos de l'animateur de "Touche pas à mon poste", les signataires de la tribune emploient ces mots : "Le 17 juin dernier, l'arrivée de Cyril Hanouna [...] est venue parachever avec brutalité la mutation d'Europe 1 en une machine à fabriquer de l'opinion, au détriment du journalisme digne de ce nom."
Concernant l'Arcom, les signataires notent "l'impuissance du régulateur public à garantir un paysage médiatique pluraliste, et une information indépendante" et demandent à ce que l'Arcom "assume enfin son rôle de garant du débat démocratique sans que d'aucuns ne confondent liberté d'expression et diffusion de fake news".
Ils estiment que "le législateur échoue à apporter à nos rédactions des garanties d'indépendance éditoriale, pourtant vitales à l'exercice de notre métier" et que "le régulateur [...] faillit à sa mission en fermant abondamment les yeux sur la mécanique de celui qui salit tous les médias qu'il met sous sa coupe." Et s'interrogent : "À quoi servent les mises en demeure, sans obligation de les faire respecter ?".