La rumeur démontée. Ce mercredi, "Libération" publie dans ses colonnes une enquête sur la rumeur selon laquelle un étudiant aurait été gravement blessé lors de l'évacuation du campus de Tolbiac vendredi dernier. Après l'opération de police le 20 avril, certains témoignages relayés dans "Reporterre" (qui a publié une nouvelle enquête ce matin), "Marianne" ou "Le Média" ont fait état d'un jeune mort, puis dans le coma et blessé après une chute grave du bâtiment universitaire. Le quotidien de Patrick Drahi prouve dans son enquête que l'un des témoins a menti et qu'aucun de ces témoignages n'est fiable.
Vendredi, plusieurs heures après l'évacuation, le journal en ligne "Reporterre" publie plusieurs témoignages assurant qu'un étudiant de Tolbiac aurait chuté en essayant de fuir les forces de l'ordre venues déloger les bloqueurs. "Un baqueux lui a chopé la cheville. Ca l'a déséquilibré et le camarade est tombé du haut du toit, en plein sur le nez. On a voulu le réanimer. Il ne bougeait pas. Du sang sortait de ses oreilles", retranscrit le média en ligne, ajoutant dans son article le témoignage d'une personne qui aurait assisté à la scène et d'un autre qui aurait vu le corps et les flaques de sang. Selon les étudiants, des policiers ou des équipes de nettoyage de la Ville de Paris auraient nettoyé des traces de sang.
Plusieurs médias relayent alors ces informations. "Politis" publie les témoignages de deux personnes tandis que "Marianne" reprend le récit d'une responsable de l'Unef, qui affirme qu'un étudiant est dans le coma, avant de se corriger pour écrire "gravement blessé", puis finalement de reprendre le démenti de la préfecture. Car, en effet, la préfecture de Paris publie deux démentis dans la journée concernant ce supposé blessé grave. Le samedi après-midi, les hôpitaux de Paris communiquent également, via un tweet, pour démentir la rumeur.
Dans son journal du soir vendredi, "Le Média" diffuse le témoignage de Leïla, étudiante de l'université de Tolbiac, émue aux larmes, qui raconte les blessures graves d'un étudiant. "C'était un gars devant les grilles. La tête complètement explosée. Une flaque de sang énorme. Et là, les CRS, leurs réactions, c'est de nous pousser nous", démarre la jeune fille, avant d'ajouter : "On a vu un camion de pompiers venu chercher la personne qui est actuellement dans le coma avec une hémorragie interne... Dans un coma profond."
De retour en plateau, un journaliste du "Média" précise qu'il "y aurait du sang au sol dans un amphithéâtre qui aurait été nettoyé par la police" : "Ce qui est strictement interdit ! Comme si on détruisait des preuves. Au regard de la loi, c'est très grave. On note aussi le communiqué de la préfecture de police de Paris qui annonce que l'évacuation s'est faite sans heurts et sans blessés. Les étudiants de Tolbiac apprécieront". Après des multiples démentis le week-end et alors qu'il ne doute pas de la véracité des propos tenus par Leïla, ce même journaliste du "Média" ajoute lundi dans le journal du soir : "Le sujet fait débat. On a longuement débattu en conférence de rédaction (...) Une chose est sûre, on est en droit de douter de la version officielle qui nous est communiquée concernant l'évacuation de Tolbiac. D'ailleurs, pour un journaliste, c'est même l'essence de notre métier."
Pourtant, après avoir échangé avec le témoin Leïla, dont les propos ont été repris par "Le Média", "Libération" révèle que la jeune étudiante a menti lorsqu'elle a confié avoir vu un individu de Tolbiac dans le coma. "Je ne suis pas un témoin visuel. Les témoins ne veulent pas parler aux médias, c'est pourquoi nous relatons les faits", se justifie-t-elle. De plus, le quotidien de gauche n'est pas parvenu à retrouver les témoins ayant parlé dans les autres médias. La ville de Paris a démenti avoir nettoyé des traces de sang. Le journal détenu par Patrick Drahi n'a trouvé ni photos, ni vidéos de l'accident. Enfin, après une enquête de voisinage, "Libération" a rencontré six riverains réveillés au moment de l'évacuation, qui assurent formellement n'avoir ni vu, ni entendu d'ambulances, de camions de pompiers ou de gyrophares.