On connaît son nom depuis hier, désormais son "projet stratégique" pour France Télévisions. Le CSA vient de publier un document de 31 pages rédigé par la nouvelle présidente, Delphine Ernotte. Première volonté, "restaurer la confiance" dans une entreprise bousculée par les "limitations budgétaires de l'Etat imposées par le redressement des finances publiques". L'ex-numéro deux d'Orange promet "un dialogue avec toutes les parties prenantes" de l'entreprise.
Le nom de son projet pour France Télévisions ? "Audace 2020" ! "Le plan stratégique sera élaboré dans le cadre des assises de l'entreprise, organisées selon un processus décentralisé, écrit-elle. Il intégrera un volet sur l'avenir professionnel (...) qui devra être débattu voire, pour certains aspects, négocié avec les organisations syndicales". Delphine Ernotte n'hésite pas à parler de "restructurations nécessaires" pour faire face aux chaînes privées et nouveaux opérateurs du secteur. La nouvelle présidente promet "un management dans et par le dialogue", pour sortir d'un "mille-feuilles statutaire et managérial". Objectif : simplifier l'échelle des responsabilités.
Comment dégraisser le mammouth France Télévisions ? La présidente promet "d'éviter tout départ contraint" pour "chercher des solutions négociées". Avec par exemple le non-remplacement des départs et une politique de mobilité. Pour faire des économies, elle suggère une rationalisation des achats et une mise en commun de moyens avec Radio France et l'INA.
On a souvent reproché à Rémy Pflimlin l'instabilité managériale à la tête des chaînes du groupe. Plus question d'avoir des directions de chaîne transversales. "Le responsable de l'information, en charge d'un vaste programme déjà bien avancé de mutualisation des ressources, peut-il en même temps gérer sérieusement la deuxième chaîne française de télévision ?", lance-t-elle. Visé, Thierry Thuillier, patron de France 2 mais aussi directeur délégué à l'information du groupe.
"Le responsable des programmes pour l'ensemble du groupe peut-il, en même temps, développer le rayonnement d'une chaîne particulièrement exigeante en matière d'audience ?", enchaîne-t-elle. Bruno Patino, qui cumule ces fonctions sous la présidence Pflimlin, appréciera. Il devrait donc y avoir un patron par chaîne, "avec tous les droits et devoirs que cela suppose". Deux directions transversales chapeauteront l'ensemble, la stratégie et les programmes, d'une part, l'information, d'autre part. Delphine Ernotte nommera une équipe paritaire d'une douzaine de managers.
Les deux premières chaînes publiques ne doivent plus se marcher sur les pieds sur le terrain des programmes, dit en substance Delphine Ernotte. "En termes d'investissements, la dominante est d'un côté l'événementiel – sportif notamment – sur France 2, de l'autre la création – audiovisuelle ou cinématographique – sur France 3", écrit-elle. France 2 doit être une "chaîne du flux", notamment avec le sport et une programamtion événementielle. A France 3, le patrimoine et les territoires. Pour l'info, elle propose de rassembler France 3 et France 3 Régions au sein d'une même chaîne. L'actualité nationale sera désormais "complémentaire" aux actualités régionales et non l'inverse.
Pas question de supprimer France 4, dédiée à la jeunesse, qui devra accueillir sur son antenne les programmes pour enfants diffusés le matin sur France 3. Delphine Ernotte verrait bien "un rendez-vous quotidien pour traiter de l'actualité sous un angle adapté à la jeunesse", du type "Mon Quotidien". En soirée, France 4 doit diffuser... des rediffusions "de programmes familiaux, notamment les comédies, présentées en première diffusion sur France 2 ou France 3". Bruno Patino avait fait de cette chaîne un laboratoire pour les nouvelles écritures, désormais "les programmes d'innovation ne doivent plus être le domaine réservé d'une chaîne".
Du côté de France 5, pas de changement annoncé. La chaîne des savoirs doit néanmoins s'améliorer sur le numérique et s'interroger sur la place du divertissement ou de la fiction. "La fiction doit pouvoir trouver sa place à l'antenne, telle que La Loi, sur l'avortement. Cela serait aussi une manière pour la chaîne de mieux exploiter sa première partie de soirée", écrit Delphine Ernotte. France Ô doit de son côté "rester la chaîne des ultra-marins".
Les sites de France Télévisions comme Pluzz, pour la télévision de rattrapage, doivent être mis "aux standards du marché", estime Delphine Ernotte. "L'ergonomie est clef, il faut une nouvelle plateforme numérique, basée sur un algorithme de recommandation qui doit rendre la télévision de rattrapage plus accessible", écrit-elle. Le modèle est évidemment Netflix qui par sa facilité d'utilisation encourage la consommation de programmes.
Côté audiences, "la mission de service public ne peut pas reposer uniquement sur ce critère et encore moins sur celui de l'audience globale", prévient Delphine Ernotte. Elle propose donc la mise en place d'un "Qualimat" quotidien. La nouvelle présidente de France Télévisions souhaite aussi améliorer l'outil quantitatif, fourni quotidiennement par Médiamétrie. "A l'heure du second écran généralisé et de la déperdition de l'attention, des outils plus fins basés sur les technologies numériques sont indispensables. Il s'agit de mieux cerner l'intérêt de chacun des téléspectateurs. Il faut aussi pouvoir affiner au niveau local et départemental la mesure de l'audience", demande-t-elle.
Enfin, Delphine Ernotte veut "une chaîne publique et numérique" de l'information, pour passer d'une logique d'information continue "à un objectif d'information permanente". Le projet a déjà été lancé par l'équipe en place, il sera poursuivi. "En s'alliant avec France Média Monde et Radio France, il est possible d'élaborer un projet unique de niveau international", suggère Ernotte. France Info développe actuellement un projet similaire dans son coin. Le projet sera présenté fin 2015 au CSA pour une mise à l'antenne en septembre 2016.