Ce soir à 21h, la chaîne Sundance Channel - disponible sur les bouquets Free, Numéricâble et SFR - entamera la diffusion de la première saison de Mad Men, en VO et en HD. Cette série événement, qui accumule depuis quatre ans les récompenses outre-Atlantique, est centrée sur une agence de publicité dans les années 60, époque où la télévision prend son essor, les modes de consommation évoluent et la femme commence petit à petit à se faire une place dans le monde du travail.
A l'occasion de l'arrivée de la série sur la chaîne, le créateur de la série Matthew Weiner et deux des acteurs principaux de Mad Men, John Slattery et Christina Hendricks, étaient récemment de passage en France.
Puremedias.com a pu rencontrer Matthew Weiner et le réalisateur, scénariste et producteur a évoqué pour nous la pertinence de la série aujourd'hui et son succès, le soin apporté à la reconstitution de la vraie vie des années 60 ou encore le contrôle dont il dispose et qui permet, selon lui, de proposer une série qui met l'histoire au coeur de tout. Matthew Weiner évoque également le rythme de tournage, l'évolution de la condition de la femme et de la société en général.
"Mad Men" a remis au goût du jour les vêtements et les looks des années 60. Pourquoi pensez-vous que la série a eu un tel impact sur ces plans-là ?
Je ne suis pas sûr… D'un côté, il y a des acteurs très beaux qui ont un look impeccable grâce à des vêtements qu'on avait un peu oubliés, et il y a un côté cyclique dans la mode. C'est un milieu qui peut évoluer en six semaines quand ils voient une nouvelle tendance, là où d'autres doivent attendre un ou deux ans. C'est pour ça que la mode de la série a été si vite absorbée dans la culture populaire. Mais si les gens s'habillent comme les personnages de la série, je n'y suis pour rien ! Les années 60 étaient une époque formidable, pas seulement pour les Etats-Unis mais pour le monde entier et il y avait cette nécessité d'avoir l'air formel, de se présenter de manière élégante. Je pense que les gens sont réceptifs à ça aujourd'hui, mais ce n'est qu'une hypothèse. Ce serait idiot de ma part de dire que je sais pourquoi ça a eu un tel impact.
Et le succès de la série en soi, à quoi l'attribuez-vous ?
Je pense qu'il y a un côté fantasme face aux comportements des personnages, qui font ce qu'ils veulent. Les téléspectateurs prennent du plaisir à voir des gens qui mangent de la viande, qui ont des rapports sexuels non protégés, qui fument des cigarettes quand tout cela est interdit aujourd'hui. Et puis, je pense qu'il y aussi au coeur de tout ça la force des personnages, qui est aussi une conséquence du casting, de l'écriture et de tout ce qui tourne autour. Les gens se voient, se reconnaissent dans la série. Ils se reconnaissent, reconnaissent leurs parents… C'est très satisfaisant.
La série a parfois l'air de rendre hommage au cinéma hollywoodien, à l'âge d'or des studios dans les années 40 et 50…
Je suppose qu'il y a effectivement un côté glamour qu'on retrouve dans le choix des acteurs et dans les costumes, mais j'étais beaucoup plus intéressé par les vrais gens de cette époque. Et à cette époque justement, les vêtements, la culture rendait hommage à cette période des années 40 et 50 et était influencée par le cinéma. Donc quand j'entends le nom de Douglas Sirk, qu'on me demande s'il a une influence sur la série… Oui, évidemment. C'est sans doute le réalisateur préféré de Betty Draper, elle a l'impression de vivre dans un de ses films. Mais je ne fais pas un film de Douglas Sirk. Je fais tout ce que Hollywood n'était pas à cette époque : je voulais que Mad Men soit sale, je veux voir des traces de transpiration, de la nourriture dans les dents des gens… On aimerait que ça soit glamour, mais c'est là qu'est la différence avec le cinéma. Ca a l'air beau, parce que je travaille avec des gens incroyables, mais on travaille sans cesse pour rendre la série plus réaliste.
Vous êtes producteur, showrunner, scénariste sur Mad Men, etc… Est-ce que ça permet de donner plus de puissance à la série ?
Ce n'est pas le résultat de ma personnalité - bien que je sois un peu obsessionnel - mais tout passe par une seule personne. Tous les gens avec qui je travaille, les monteurs, les réalisateurs, les costumiers, les autres scénaristes… Je ne peux pas faire leur boulot, mais je suis leur public. Mais ma personnalité et le fait que tout passe par moi implique qu'on utilise absolument tous les éléments pour raconter une histoire. Même le son, j'assiste aux montages son, ce que peu de gens à ma place font sur d'autres séries. Je veux être sûr que ce soit réaliste aussi.
Donc vous utilisez même les costumes pour raconter l'histoire ?
Oui, on a fait quelque chose que peu d'autres gens font. Quand quelqu'un fait un film d'époque, qu'il veut par exemple filmer les années 80, il envoie les costumiers regarder les livres, les magazines de l'époque pour que tout le monde soit habitué en années 80. Moi, je voulais préserver la réalité et la réalité, ce n'est pas ça. Certains s'habillent encore comme quand ils étaient au lycée. D'autres ont des vêtements anciens, d'autres ont une voiture pourrie, certains sont vieux et essaient de s'habiller comme des jeunes… On doit se servir de tout ça pour raconter l'histoire.
D'un point de vue pratique, vu tout ce qu'il y a à faire, combien de temps faut-il pour préparer une saison ? Et un épisode ?
C'est plus ou moins comme les autres séries dont les saisons comptent 13 épisodes. C'est énormément de travail et un rythme soutenu. A chaque fin de saison, j'ai trois ou quatre mois de congé, puis un mois où j'engage des scénaristes, je lis des livres et je décide ce dont la saison parlera, même si j'y ai déjà réfléchi à la fin de la saison précédente. Puis il y a douze semaines de pré-production, et dans les dernières semaines, il faut que les scripts soient prêts parce qu'il faut monter les décors. Puis il faut sept ou huit jours pour tourner un épisode. La saison complète nécessite donc trois à quatre mois de tournage, pendant lesquels je fais aussi le montage, et aux alentours de l'épisode 6 ou 7 la diffusion démarre, je fais beaucoup de promo… Puis on termine le tournage saison, ils démontent les décors et j'ai encore trois ou quatre épisodes à monter, pour lesquels je ne peux tourner aucune scène supplémentaire puisque les acteurs sont partis et que les décors n'existent plus. Et c'est terrifiant ! Puis une semaine avant la diffusion du dernier épisode, je craque et je rentre chez moi.
D'où les trois à quatre mois de repos nécessaires…
Oui ! C'est épuisant… A la fin de la quatrième saison on avait pris du retard et c'est très gênant parce qu'on diffuse un épisode inédit chaque semaine, il n'y a jamais de pause. Donc il faut impérativement un nouvel épisode prêt à diffuser toutes les semaines, et un nouveau script tous les dix jours. Donc le dernier mois de la saison 4 a été dur, d'autant que je réalisais le dernier épisode, j'écrivais trois scripts et je faisais la post-production de trois épisodes, ce qui inclut le montage, le son, les couleurs… C'était 7 jours sur 7. Heureusement, je ne dors pas beaucoup !
Comme vous le disiez on se retrouve dans la série, on se reconnaît dans les personnages. En quoi est-ce que Mad Men reflète le plus notre société actuelle selon vous ?
C'est difficile à dire parce qu'il n'y a pas vraiment de mots pour tout exprimer. J'espère qu'on le voit dans la série, j'ai quand même eu 52 épisodes pour le faire passer de plusieurs façons. Parfois c'est un problème très précis que j'essaie d'aborder, comme l'élection présidentielle entre Al Gore et George W. Bush, même si dans la série c'était complètement inversé et que c'est Kennedy qui a remporté l'élection. Je voulais savoir ce que ça faisait que de vivre dans une démocratie à cette époque et voir ce genre de crise arriver.
Et au niveau des personnages ?
Je pense que ce qui est toujours d'actualité est notre relation avec notre travail, qui est notre famille, comment on gère le succès et l'échec… Il y a une question d'identité et de solitude que la série retransmet fidèlement. Le fait que pendant cette interview, vous êtes un journaliste, puis quand j'aurais quitté la pièce vous serez quelqu'un d'autre, puis vous aurez aux toilettes et vous laverez les mains et vous serez quelqu'un d'autre, puis vous appellerez un ami et vous serez une autre personne. Je suis fasciné par ça. Et je pense que c'est fascinant ce côté de l'homme. Dans la série, on parle de sexisme, de racisme, des affaires, mais ce qui m'intéresse vraiment, c'est ce que c'est d'être un être humain. C'est dur d'être humain et encore plus aujourd'hui aux Etats-Unis.
Ah oui ? Pour quelle raison ?
Je ne sais pas si on peut mettre ça sur le dos d'Internet mais c'est un excellent outil pour juger les autres. Les gens se sentent supérieurs de manière anonyme et ils sont plus isolés que jamais. Je pense que, voir à la télé quelque chose où on pardonne aux personnages de briser tant de commandements, c'est un aspect qui plaît au public. Il n'y a pas que Jon Hamm qui parvient à faire de Don Draper, un personnage si détestable sur le papier, quelqu'un d'aussi attirant. Les gens veulent l'aider, on est tous faibles.
On parle beaucoup de vos personnages féminins. Vous pensez que la condition de la femme a beaucoup changé aujourd'hui ?
Non, pas du tout. Ca n'a pas changé. Et comment ça pourrait changer ? Tant que les femmes pourront porter des enfants et pas les hommes, il ne sera jamais possible pour une femme de faire son travail aussi bien qu'un homme. D'autant que les hommes peuvent laisser leur bébé, c'est plus facile pour eux d'aller travailler et de laisser leur enfant. Je suis 500% plus impliqué dans la vie de mes enfants que mon père, je fais la moitié de la quasi-totalité des tâches, j'ai une relation avec mes enfants que mon père n'a jamais eue avec les siens - et que les hommes de cette génération n'avaient pas, ce n'était pas que lui. Et malgré tout, si mon enfant est malade, je vais aller travailler. Pour ma femme, c'est plus difficile. Et la société n'attend pas de moi qui je reste à la maison.
On ne peut pas lutter contre ça ?
Je suppose que si, si on est très, très riche. Mais on perd des clients, des affaires. J'ai rencontré une femme qui était directrice créative et elle m'a dit "J'ai toujours été limitée par le fait que, quand j'ai eu mes enfants, c'était important pour moi". J'ai répondu que mes enfants étaient importants pour moi aussi, mais elle m'a dit que la société ne pensait pas qu'ils étaient aussi importants pour moi que les siens pour elle.
Vous avez reçu une avalanche de prix pour cette série. Est-ce que vous comprenez aujourd'hui, ou est-ce que vous avez au moins une idée de ce qui fait le succès d'une série en général ?
Non. J'adore recevoir ces récompenses, je ne m'attendais pas du tout à les recevoir et jusqu'alors je méprisais ce type de récompenses et les critiques dans la presse. Mais aujourd'hui, maintenant que je suis bien traité de tous ces côtés, ça m'a beaucoup déstabilisé ! (Rires) Tout ce que je sais, c'est qu'on propose quelque chose de différent et je ne m'attendais jamais à ce que ce soit récompensé. Et je dois avouer que je suis très fier de la série et j'ose espérer que, si on n'était pas autant récompensé, j'en serais tout aussi fier. Ce qui est gratifiant c'est que les gens regardent.
Séries
Matthew Weiner : "Je voulais que 'Mad Men' soit sale"
Publié le 17 février 2011 à 17:24
Alors que la série débarque ce soir sur Sundance Channel, le créateur de "Mad Men" évoque pour puremedias.com le succès de la série, sa pertinence aujourd'hui, les distinctions hommes/femmes qui persistent et Internet qui isole les gens. Entretien inédit.
Crédits : Abaca© Matthew Weiner, Christina Hendricks et John Slattery
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