"Patron" du "13 Heures" de TF1 pendant 33 ans (février 1988- décembre 2020), Jean-Pierre Pernaut, successeur du duo Yves Mourousi - Marie-Laure Augry, est mort à l'âge de 71 ans, a annoncé à l'AFP sa famille aujourd'hui. En novembre 2021, l'ex-star de l'information de la Une, des studios de Cognacq-Jay à ceux de Boulogne-Billancourt, avait révélé au grand public souffrir d'un cancer du poumon qui l'a finalement emporté.
Dans un style bien à lui et sans prompteur, le journaliste orchestrait, il y a deux ans encore, le premier JT de France en part d'audience - près de 40% en moyenne -, son JT. De la ligne éditoriale tournée vers les régions à l'emploi d'un ton très personnel, il avait construit au fil des années cette édition incarnée et jamais détrônée. Face aux critiques, Jean-Pierre Pernaut, regard rieur et voix chaleureuse, avait su imposer sa marque, en débutant "sauf en cas d'événements dramatiques" ses éditions par un "coup d'oeil aux prévisions météo d'Evelyne Dhéliat", pour les clôturer par un "petit mot de la bourse".
"La révolution du '13 Heures', c'est qu'on a été les premiers à vouloir faire un journal destiné à ceux qui le regardaient et à créer un réseau très solide de correspondants en régions, et on a pris beaucoup d'avance", avançait, en 2020, à l'heure du bilan, ce Picard revendiqué. Amiens et sa cathédrale n'ont pas été les seules à être sublimées dans son édition du "13 Heures". Amoureux du terroir, du patrimoine, des métiers traditionnels et de ceux qui les défendent, Jean-Pierre Pernaut s'est employé, chaque jour pendant plus de trente ans, à les montrer dans ses JT.
À l'heure du café, Jean-Pierre Pernaut a aussi poussé d'innombrables coups de gueule, notamment pour défendre la qualité de vie à la campagne. "Pour respecter des vitesses, encore faut-il qu'elles soient respectables", avait-il ainsi lâché, en 2004, après un reportage sur la vitesse sur les routes. "C'est une remarque de bon sens", a commenté son auteur dans le documentaire "Jean-Pierre Pernaut, une histoire de la télévision française", signé Michel Izard. "Je fais très attention à ne jamais faire de remarques de bon sens sur la vie politique elle-même, je m'en méfie comme la peste". Vertement, pour autant, il avait aussi critiqué l'implantation d'éoliennes ou "les mesures incohérentes" mises en place par le gouvernement lors du confinement de 2020. De santé déjà fragile, il avait dû délocaliser une partie du "13 Heures" à son domicile pour se protéger de la maladie.
Son image de proximité, volontiers surlignée, lui a parfois valu d'être taxé de populisme. "Si le populisme, c'est d'être proche des gens, je suis populiste", avait-il coutume de répondre à ses détracteurs. Jean-Pierre Pernaut préférait que l'on retienne de lui l'image du "mec qui est attaché à des racines, à des cultures régionales". Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Emmanuel Macron, confronté à un climat social explosif et renvoyé à une image de président des villes et des riches, avait accordé en avril 2018 une interview à Jean-Pierre Pernaut dans un "13 Heures" délocalisé dans une cour d'école.
Jean-Pierre Pernaut avait fait un premier adieu cathodique à ses fidèles en décembre 2020, date marquant définitivement la fin d'une ère, celle des "présentateurs vedettes" du "grand TF1". Après les évictions de Patrick Poivre d'Arvor, en juillet 2008, puis de Claire Chazal, en septembre 2015, Jean-Pierre Pernaut était en effet le dernier représentant du trio star de l'information constitué par la paire Patrick Le Lay - Etienne Mougeotte. Contrairement à ses deux ex-collègues, Jean-Pierre Pernaut aura pu décider de la date de son départ, en ayant su maintenir au firmament les audiences de son "13 Heures" pendant plus de 30 ans. "Je vous aime, je ne vous oublierai jamais", avait-il lâché avec émotion au moment de passer la main à Marie-Sophie Lacarrau, devant 8,13 millions de téléspectateurs, pour une part d'audience stratosphérique de 59%.
"Je ne prends pas ma retraite, je change de rythme", avait aussitôt tenu à préciser l'hyperactif dans les médias. Avant de donner son nom à deux nouveaux formats : la "JPP TV", une plateforme numérique contenant des reportages sur le patrimoine, mais aussi à "Jean-Pierre & vous" sur LCI, programme dans lequel il conservait le lien avec ses plus fidèles admirateurs. Cette émission traitait de l'argent des Français. Comme un certain "Combien ça coûte ?".
Au-delà de son rendez-vous quotidien d'information, qu'il a parfois délocalisé au gré de l'actualité nationale et internationale ou des opérations spéciales, Jean-Pierre Pernaut avait aussi réussi à installer, pendant deux décennies, un magazine économique en prime-time sur TF1. Produite par Coyote, la société de production de Christophe Dechavanne, "Combien ça coûte", formule tirée là encore de la vie quotidienne, a dénoncé le gaspillage de l'argent public de 1991 à 2010.
D'abord diffusé le mardi pour remplacer "Ciel mon mardi" chaque semaine de l'été 1991, le magazine avait basculé ensuite le lundi soir entre 1991 et 2001 avant d'atterrir dans la case du mercredi soir de 2001 à 2008. Entre 2008 et 2010, une déclinaison hebdomadaire, "Combien ça coûte, l'hebdo", avait vu le jour le dimanche après-midi. Jean-Pierre Pernaut était accompagné de Justine Fraïoli.