Le choix de l'opacité. Cinq mois après l'arrivée sur le marché de la Ligue 1 d'Amazon, il est toujours impossible de savoir combien d'abonnés la plateforme américaine a réussi à attirer avec sa nouvelle offre de football. Interrogé par "L'Equipe" aujourd'hui, Alex Green, le patron des sports d'Amazon Europe, a ainsi refusé de donner un chiffre de clients du "Pass Ligue 1", lancé le 1er août dernier pour 12,99 euros par mois.
"Chez Amazon, nous ne communiquons pas le nombre de nos abonnés", a rétorqué le cadre de la plateforme de SVOD. "Le seul que l'on fournit, ce sont les 200 millions d'abonnés à Prime (chiffre regroupant les abonnés à la plateforme de livraison et à celle de SVOD, ndlr) dans le monde", a-t-il ajouté. Et de balayer : "On ne perd pas notre temps à parler d'abonnés. On met notre énergie à améliorer notre produit. L'important pour notre business est de rendre nos abonnés heureux".
Alex Green a tout de même tenté de rassurer le monde du football français, inquiet de l'exposition réelle de son sport en France. "Je peux vous dire que nous sommes heureux de là où nous en sommes. Nous avons de bonnes audiences", a-t-il assuré. Refusant de détailler ces dernières, il a affirmé que "plus d'un million de personnes" regardaient "les plus gros matches". "Nous avons eu plusieurs rencontres à plus d'un million. C'est bien pour nous et pour le football français", a-t-il conclu.
Pourtant spécialistes de la data, l'ensemble des plateformes SVOD rechignent pour m'instant à communiquer leurs données d'abonnements ou d'audiences. Un an après son lancement, et malgré un financement partiellement public, Salto, la plateforme française de TF1, France Télévisions et M6, n'a ainsi toujours pas communiqué le moindre chiffre concernant son nombre d'abonnés ou les audiences de ses programmes.
Chez Amazon, le plus grand secret règne aussi bien sur les audiences du football que sur celles de ses films, séries et divertissements produits en France. "Je ne peux pas vous le dire", avait par exemple affirmé en novembre à puremedias.com, Thomas Dubois, directeur des créations françaises d'Amazon Prime Video, au sujet du nombre de visionnements de la saison 1 de "LOL. Qui rit, sort !". Il venait pourtant d'affirmer que ce divertissement de Philippe Lacheau était un "énorme succès" pour Amazon.
Les partenaires de la plateforme n'ont visiblement pas plus accès à ces chiffres. "Nous sommes très frustrés car nous n'avons pas eu communication des chiffres d'audience et des objectifs qu'Amazon s'était fixés, qui restent pour l'instant confidentiels", se plaignait par exemple Laurent Ceccaldi, le producteur de la série "Mixte", après la décision en octobre d'Amazon de ne pas lui commander de saison 2.
Même frilosité chez Netflix et Disney+ qui se contentent généralement de communiquer sur leurs chiffres mondiaux ou continentaux d'abonnements, sans plus de détails. Le leader du secteur, Netflix, accepte cependant de plus en plus régulièrement de faire une entorse à cette règle de discrétion, mais pour ses seuls programmes à succès. Si elle a médiatisé les excellentes performances de son dernier hit, "Squid Game", la plateforme américaine a également accepté en septembre de dévoiler quelques chiffres concernant une courte liste de ses programmes les plus consommés, dont "La chronique des Bridgerton", "Lupin" ou encore "Strangers Things".
Est-ce le point de départ vers une plus grande transparence du marché de la SVOD ? Sa frugalité actuelle en termes de chiffres contraste en tout cas de plus en plus fortement avec la publicité offerte aux performances, bonnes ou mauvaises, des contenus des chaînes de télévisions ou même de ceux de Youtube. Il faut dire que le modèle économique de ces diffuseurs repose sur la publicité, contrairement aux plateformes par abonnement comme Netflix et Disney+.