Du jamais vu. Si l'expression est souvent galvaudée dans l'univers médiatique, elle semble la plus appropriée pour qualifier la place prise par le Covid-19 dans l'actualité selon l'Institut national de l'audiovisuel (INA), qui a décidé de consacrer une étude à "l'information à la télé" en cette période d'épidémie. Cette étude, qui porte sur trois mois de médiatisation du coronavirus, s'est étendue du 1er décembre 2019 au 22 mars dernier à la fois pour les chaînes d'information en continu et les chaînes historiques et devrait être mise à jour de façon hebdomadaire.
Mais pour l'INA, qui a passé plus de 100 millions de mots au crible afin de ne pas passer à côté d'un sujet, un premier constat s'impose : "la médiatisation du Covid-19 et de ses conséquences est un phénomène absolument inédit dans l'histoire de l'information télé". Même le traitement médiatique du mouvement des Gilets jaunes n'avait pas connu une telle intensité en France, que ce soit en terme de visibilité ou de notoriété, comme en témoigne Stéphane Jourdain, rédacteur en chef à France Inter, qui observe "un afflux de trafic au moins cinq fois supérieur à nos précédents records, au plus fort de l'actualité Gilets jaunes".
Entre le lundi 16 et le dimanche 22 mars, pas moins de 74,9 % du temps d'antenne des chaînes d'information en continu a été consacré au coronavirus et à ses conséquences, pour une moyenne quotidienne de "13 heures 54 minutes sur BFMTV, de 13 heures 48 minutes sur franceinfo, 13 heures 19 minutes sur LCI, et 12 heures 57 minutes sur Cnews". La deuxième place de franceinfo peut étonner, mais comme le rappelle l'institut, la chaîne du service public ne diffuse pas de publicité contrairement aux chaînes privées.
"Cela représente une production totale de près de 378 heures d'informations traitant du coronavirus sur une semaine : vertigineux, et historique dans son intensité et sa longueur, puisque ce 'pic' intervient après plusieurs semaines de couverture intense", note l'institut, qui qualifie l'événement de "blast", autrement dit, à même d'effacer "tous les repères traditionnels, toutes les grilles, et presque toutes les autres infos", donnant l'impression que ces chaînes ont basculé en "édition spéciale permanente". Selon l'INA, il faut remonter à l'annonce du décès de Jacques Chirac pour trouver trace d'un tel emballement et encore, sur une durée sans commune mesure, "pour quelques heures seulement".
Concernant les chaînes historiques, "toutes les chaînes arrivent petit à petit à une quasi-intégralité du conducteur du JT consacré au sujet ; on voit toutefois que le service public semble avoir consacré un peu plus vite une plus grande place au sujet".
L'Institut national de l'audiovisuel note par ailleurs, non sans ironie, que la soirée électorale du premier tour des municipales n'a pas eu lieu dans les médias : "le format a bien été maintenu, mais l'actualité coronavirus l'a totalement vidée de son sens". "Le dimanche 15 mars ne connaît qu'une très légère baisse dans le pourcentage de temps d'antenne consacré au Covid-19 et ses suites : les quatre chaînes infos ont consacré en moyenne 69% de leur temps d'antenne au coronavirus et ses conséquences", pointe l'étude. A l'inverse, "à l'AFP, dimanche 15 mars, 60% des dépêches ne parlaient pas du coronavirus". Et l'INA de dresser ce constat fataliste : "Pendant ce temps-là, que se passe-t-il d'autre, en France ou dans le monde ? Rien. Ou presque. En tout cas, pas grand-chose qui franchisse le mur des antennes".