Rentrée mouvementée pour NRJ. Après avoir signé sa plus faible saison depuis six ans, la radio a décidé de refaire appel à Cauet, un an après son départ pour Virgin Radio, afin de lui confier une nouvelle case : le 17h-20h. Afin d'évoquer les nouveaux challenges de NRJ mais également de Chérie, Nostalgie et Rire et Chansons, autres stations du groupe, puremedias.com s'est entretenu avec Morgan Serrano, directeur délégué des médias musicaux du groupe NRJ.
Propos recueillis par Kevin Boucher.
puremedias.com : La station NRJ entame une nouvelle saison marquée par un retour, celui de Cauet, désormais de 17h à 20h. Pourquoi ce retour ?
Morgan Serrano : Pourquoi ce retour... Pourquoi l'avions-nous arrêté et pourquoi nous le faisons revenir, en fait. C'est ça le truc. (Rires)
Pourquoi l'avoir arrêté et pourquoi l'avoir fait revenir alors ?
Nous avions fait sept saisons le soir. Cauet en avait un peu marre de faire le soir et nous pensions aussi que nous devions passer à autre chose. Ensuite, sur la saison qui vient de se passer, nous avons pris la décision stratégique, pour la première fois dans l'histoire de NRJ, d'installer un drive sur le moyen-long terme. Nous nous sommes alors posé la question de savoir qui était dans la capacité de tenir une telle émission, pour laquelle il faut de l'expérience, être populaire, être rassembleur, être un très bon animateur. Et les très bons animateurs qui peuvent tenir cette tranche tout en étant moderne et jeune, il n'y en a pas des millions. Dans notre short-list, il y avait Cauet. Nous lui en avons parlé, en se réexpliquant pourquoi nous avions arrêté.
Ce que nous pensons, et c'est imparable, c'est que Cauet est l'un des meilleurs animateurs de France lorsqu'il se remet en question et lorsqu'il est sur de nouvelles choses. Cela a toujours été le cas et l'a été lorsqu'il est arrivé en soirée sur NRJ, où il a été exceptionnel alors qu'il ne l'avait jamais fait. Là, faire un drive sur NRJ est un gros pari, que personne n'a jamais fait sur NRJ. Cela le force à se remettre en question et à aller chercher encore plus loin dans l'efficacité et la qualité. Cela le branchait et avec Cauet dans cet état d'esprit, nous étions forcément partants et avons donc décidé de recommencer.
Cauet et NRJ étaient pourtant en procès depuis son départ de la station...
Ce sont des histoires avec le CSA, où tout le monde s'attaque. Personnellement, je ne m'en occupe pas et cela ne rentre pas en ligne de compte dans la création de programmes.
"Nous ne nous interdisons pas de multiplier les tranches de talk"
Le drive est un créneau important aux Etats-Unis mais plutôt délaissé en France, où seuls RTL2 et Virgin Radio la saison dernière, avec Cauet, se sont lancés. Pourquoi avoir décidé de vous y mettre sur NRJ ?
Nous aimons essayer de nouvelles choses sur NRJ. Nous nous disions que la musique aujourd'hui devenait de plus en plus facile d'accès avec le digital, les plate-formes de streaming et autres. Nous nous sommes dit qu'il fallait proposer quelque chose de plus face à ces nouveaux concurrents. Et ce quelque chose de plus que nous savons faire, c'est le contenu, le divertissement, que nous faisons depuis des années avec la matinale et les soirées. Donc nous nous sommes dit que c'était peut-être le moment de prendre un virage sur ce drive.
Ces tranches de talk sont amenées à se multiplier sur les musicales, selon vous ?
Pourquoi pas ? Nous ne nous interdisons pas ça. J'ai toujours rêvé d'une radio 100% talk. Peut-être y arriverons-nous un jour, ou peut-être une autre radio. Mais je pense que nous manquons en France aujourd'hui d'un média qui soit talk sans être adulte ou senior. Pourquoi pas se diriger vers cela, même si je pense qu'aujourd'hui NRJ est le premier média prescripteur sur la musique. Quand les gens veulent aller se faire des playlists sur Spotify et autres, bien souvent ce sont des hits qui ont démarré sur NRJ. Aujourd'hui, ce ne serait donc pas judicieux de faire du 100% talk, sachant que nous sommes un média de référence sur la musique. Mais à l'avenir, nous ne nous interdisons rien. Il faut savoir évoluer, s'ouvrir à de nombreuses choses et essayer. La mort serait de ne rien essayer. Si cela ne marche pas, cela ne marche pas mais nous serons tous contents d'avoir essayé.
"Nous essayons d'être assez équilibrés sur la playlist mais nous dépendons de la production musicale"
Justement, côté musique, la tendance est aux sonorités urbaines. NRJ s'est immiscée dans cette tendance avant de revenir à des sons plus grands publics. L'urbain est trop segmentant pour la première radio musicale de France ?
Nous n'avons jamais voulu trop aller sur l'urbain. Ce que nous essayons toujours de faire, c'est d'être assez équilibrés dans la playlist avec un peu de dance, un peu de pop et un peu d'urbain. Et nous avons des quotas à remplir. Enfin, nous sommes aussi dépendants de la production. Mais il est vrai que nous avons eu 2-3 mois en début d'année où nous n'avions pas beaucoup d'autres bonnes productions françaises que de l'urbain, ce qui fait que nous avons pu sonner plus urbain. Mais cela n'était pas une volonté stratégique. Dès que nous avons pu rééquilibrer, nous l'avons fait.
L'idéal reste quand même un duo entre Maître Gims et Vianney, non ?
Quand ce titre-là est arrivé, je me suis dit que c'était pile ce qu'il fallait, oui ! (Rires)
Côté audiences, NRJ a signé sa plus faible saison depuis six ans, au moment où Skyrock enregistrait elle sa meilleure saison depuis 2014-2015. C'est un concurrent important pour vous ?
Très honnêtement et sans arrogance, aujourd'hui, NRJ n'a pas de concurrent qui fait véritablement peur. Il y a quelques années, Skyrock ou Fun Radio étaient proches des 8 points d'audience, ce qui n'est plus le cas. Globalement, il est vrai que les radios musicales ont pu souffrir pour diverses raisons - peut-être une production musicale moins excitante, peut-être la concurrence du digital - mais pour nous, la concurrence ne vient pas de ces stations-là. Quelles nouveautés avez-vous entendu sur Skyrock ? A la limite, ils pourraient être portés par la production hip-hop mais pour l'instant nous n'en voyons pas les résultats.
"Nous n'avons pas d'objectif d'audience le soir"
Au moment où les audiences des soirées ont tendance à baisser, Difool a tout de même récupéré le leadership face à NRJ, même si lui aussi perd du terrain.
C'est difficile, oui. Aujourd'hui, les jeunes ont plein de choses à faire le soir ! (Rires) Si Difool baisse lui aussi, ce n'est pas parce qu'il est moins bon qu'avant, il reste l'un des meilleurs animateurs pour moi et une référence. Les modes de consommation ont changé. Nous devons donc faire avec...
Tout en gardant une libre-antenne le soir, comme actuellement avec Aymeric Bonnery ?
Nous conservons une radio libre oui mais nous voulons donner une alternative à toutes ces nouvelles activités des jeunes. Le tout avec un concurrent féroce qui reste Difool.
Vous avez toute satisfaction d'Aymeric ?
Bien sûr. Cette tranche est aussi faite pour essayer de développer de nouveaux animateurs. Si nous ne testons personne, nous nous retrouverons dans dix ans avec les mêmes personnes. C'était déjà notre volonté avec Guillaume Pley, ça l'est aussi avec Aymeric Bonnery tout comme avec DominGo le dimanche soir. C'est essentiel de développer de nouveaux talents. Et honnêtement, nous n'avons pas d'objectif d'audience le soir... même si plus ils font d'audience, mieux ce sera !
Vous parliez de DominGo. Les Youtubeurs, nouvelles stars des jeunes, sont-ils amenés à devenir les nouvelles stars de la radio ?
Je ne dirais pas cela ainsi. Moi, je cherche des personnalités intéressants. Qu'ils soient sur Youtube ou en bas de chez eux, je m'en fiche. Par goût personnel, je regarde beaucoup de stream donc les streamers et Youtubeurs, je les connais presque tous. DominGo est une personne que je suis depuis plusieurs années, d'abord parce qu'il était bon dans certains jeux et parce que je trouvais qu'il avait le contact et la communication faciles. Et c'est ainsi que j'ai eu envie de le mettre à la radio. Ce n'était pas en me disant "je veux mettre un Youtubeur", sinon nous aurions pu en mettre depuis longtemps. Par ailleurs, outre avoir un nouvel animateur, nous souhaitions avoir quelqu'un qui sache parler de Twitch, des streams, de Youtube, d'e-sport, quand nous avons une grosse partie de notre auditoire qui s'intéresse à cela. Moi-même, étant passionné de cela, je trouvais cela dommage que sur ma propre radio nous n'en parlions pas ! (Rires)
"L'objectif pour Nostalgie est de devenir la première radio musicale de France dans dix ans"
Sur Chérie, la matinale a profondément changé avec le départ de Stéphanie Loire, remplacée par Christophe Nicolas.
Nous n'avions pas de résultats d'audience satisfaisants. Nous avons essayé mais nous n'avons pas rencontré notre public. Quand quelque chose ne fonctionne pas, il faut être humble et passer à autre chose. Si Stéphanie a plein de qualités, je pense - et visiblement les auditeurs aussi - que ce n'était pas un format adapté. Mais Stéphanie a beaucoup de talent. Quant à Christophe, c'est un animateur expérimenté, qui connaît bien le groupe et qui avait envie de faire une matinale. Il a adhéré à la stratégie que nous lui avons proposé. Mais cela faisait un moment que j'avais envie de travailler avec lui, sans savoir sur quelle radio nous le ferions, car je trouvais cela dommage que le groupe l'ait perdu il y a quelques années.
Nostalgie se porte elle très bien. Et vous n'avez donc rien changé.
Non, nous avons fait pas mal de modifications sur les dernières années et tout cela porte maintenant ses fruits, donc on ne bouge plus, on récolte ! (Rires) Nous avons repositionné l'offre musicale, changé un peu le marketing à l'antenne, essayé de moderniser cette radio qui le méritait. C'est un format génial qui n'avait pas les audiences qu'il méritait auparavant...
L'objectif pour Nostalgie, c'est de passer devant Europe 1 à terme ?
L'objectif est de devenir la première radio musicale de France dans dix ans.
Devant NRJ ?
Devant NRJ. Je pense que Nostalgie à terme pourrait être devant NRJ. NRJ à 12 et Nostalgie à 14, ce serait pas mal, non ? (Rires) Les radios adultes ont beaucoup d'avenir à mon sens, et Nostalgie a beaucoup d'avenir, vraiment.
"Honnêtement, ce n'est jamais plaisant de voir une radio qui souffre autant qu'Europe 1..."
Europe 1 a de nouveau chamboulé toute sa grille pour tenter de reconquérir son public. La mauvaise santé d'une station généraliste, c'est une bonne nouvelle pour vous ?
Franchement, ce n'est jamais une très bonne nouvelle une radio qui ne se porte pas très bien et cherche. Moi, je préfère quand toutes les radios vont bien et que le média se porte bien. Honnêtement, ce n'est jamais plaisant de voir une radio qui souffre autant qu'Europe 1... Maintenant, je leur souhaite de réussir. S'ils ont fait ces changements-là, c'est qu'ils savent où ils vont, qu'ils ont fait les études pour et qu'ils ont leur stratégie. Nous allons faire comme eux : regarder si cela prend ou pas. Après, nous n'avons pas beaucoup d'auditeurs en commun avec Europe 1...
Pas beaucoup d'auditeurs, certes, mais un animateur puisque leur nouveau matinalier, Nikos Aliagas, a présenté le 6-9 sur votre antenne de 2009 à 2011.
On l'a formé et maintenant il se met au service d'Europe 1 ! (Rires) Cela me fait plaisir pour Nikos car il aimait la radio lorsqu'il était sur NRJ. Je sais que cela lui tenait à coeur de le faire. Et je suis content qu'il ait une émission aussi importante sur Europe 1. J'espère sincèrement que cela marchera pour lui.
La rentrée radio a été marquée par le changement complet de formule de l'émission de Laurence Boccolini sur Europe 1 au bout de cinq jours seulement. Sur NRJ, la grille est fixée jusqu'en juin ?
Nous n'avons rien bougé depuis deux semaines, déjà ! (Rires) Plus sérieusement, nous ne bougerons pas. Je pense que pour juger une émission, cela ne peut pas se faire au bout de deux mois, sauf catastrophe industrielle. La radio est un média d'habitude donc je ne changerai rien avant mars-avril, où nous commencerons à faire le bilan.