80%. C'est le score, digne d'une république bananière, avec lequel la nomination de Natalie Nougayrède à la direction du journal Le Monde a été approuvée, hier, par la Société des rédacteurs du Monde (la SRM). Comme l'exigent les statuts du quotidien du soir, la journaliste de 46 ans (choisie le 13 février par Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, les trois actionnaires du groupe) devait être adoubée par au moins 60% de sa rédaction dans laquelle elle travaille depuis 1996.
Cette spécialiste dans la diplomatie, ex-correspondante du Monde à Moscou, lauréate du prix Albert-Londres en 2005 pour sa couverture du conflit tchétchène, est élue pour 6 ans. Natalie Nougayrède est la première femme a diriger ce prestigieux titre de presse, créé en 1944 par Hubert Beuve-Méry. Auparavant, seule Sylvie Kauffmann avait été directrice de la rédaction du seul quotidien Le Monde entre 2010 et 2011. Elle succède à Erik Izraelewicz, décédé brutalement en novembre dernier.
Lors d'une assemblée générale qui a précédé le scrutin, elle a déclaré aux journalistes de sa rédaction qu'elle se battrait pour "l'excellence et l'indépendance" du journal et a appelé à relever tous les défis du numérique. Peu connue, Natalie Nougayrède, qui est passée par Libération, n'était pas favorite pour le poste. Mais son caractère et son profil auraient impressionné le trio d'actionnaires. Partie outsider, elle a réussi à supplanter les favoris après plusieurs semaines d'âpres discussions.
Lors de sa désignation, ses patrons n'avaient pas caché leur enthousiasme. Dans un communiqué, ils avaient déclaré compter sur "sa rigueur, son enthousiasme et son professionnalisme pour travailler avec l'ensemble des rédactions du Monde et du Monde.fr afin de poursuivre et accélérer les développements éditoriaux initiés par Erik Izraelewicz qui ont permis depuis deux ans une croissance régulière de l'audience du quotidien, la réussite de son magazine M et le développement exceptionnel de ses contenus sur tous les supports numériques".
La nouvelle directrice cumulera la direction du journal et celle de la rédaction, deux fonctions qu'on avait pensé à un moment séparer en raison de la pression exercée. Mais Natalie Nougayrède a choisi de recruter Vincent Giret, l'actuel directeur délégué de la rédaction de Libération, pour l'épauler au quotidien.