"Un passé misérable qu'il aimerait oublier". C'est par ce jeu de mots douteux que "Causeur" débutait son article consacré à Ladj Ly mardi dernier. Un article qui affirmait que le réalisateur des "Misérables" avait été condamné à de la prison ferme pour "complicité d'enlèvement, séquestration et tentative de meurtre" en 2011. Des faits relayés dans la foulée par un autre site d'extrême-droite, "Valeurs actuelles", qui rappelait que "dans un entretien accordé au site 'Vice', le réalisateur avait glissé une petite phrase qui prend tout son sens aujourd'hui. 'J'ai toujours considéré ma caméra comme une arme (...) Sans ma caméra, je serai aujourd'hui en prison'".
Après vérification, "Check News", le service de vérification de faits de "Libération", a pu établir que Ladj Ly a bien été condamné, "mais pas pour tentative de meurtre ou complicité de tentative de meurtre". En appel, la peine de l'enfant de Montfermeil pour "arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie d'une libération avant le septième jour" avait été réduite à deux ans de prison, dont un ferme. Une peine qu'il a purgée.
L'affaire en question concernait les violences commises en 2009 par Amad Ly, Ladj Ly et un troisième homme, à l'encontre du mari de leur cousine, qui entretenait une liaison avec la soeur d'Amad Ly. Lors d'une virée punitive, l'homme avait été roué de coups, mis dans le coffre d'une voiture et transporté jusque dans une forêt, d'où il avait pu s'échapper. Pour "Causeur", cette vengeance avait des motivations religieuses. "Amad Ly (...) découvre que sa soeur entretient une relation hors mariage. Elle n'est plus vierge, elle n'est pas mariée. Selon la religion musulmane, cela porte un nom, la fornication. Comme il y va de l'honneur d'une famille, c'est une transgression qui doit être sévèrement punie. La charia doit s'appliquer", écrivait le site, accompagné de cet intertitre : "Quand Ladj Ly faisait appliquer la charia...". Or, toujours selon "Check News", les compte-rendus d'audience de l'époque n'ont fait à aucun moment état de ce fond religieux.
De retour des Etats-Unis où il s'est rendu pour défendre son film pressenti pour représenter la France dans la catégorie du meilleur film international, Ladj Ly a décidé ce jour de contre-attaquer par la voix de ses avocats, lesquels, dans un communiqué, ont annoncé leur intention de porter plainte contre "Causeur" et "Valeurs actuelles" pour "diffamation et diffamation raciale à la suite de la publication d'articles contenant de fausses accusations d'une extrême gravité à son encontre". Le même communiqué précise : "Ladj Ly a été condamné par la justice en 2012 et a purgé sa peine. Aucune violence ne lui était reprochée personnellement dans cette affaire, et a fortiori pas de complicité de tentative de meurtre, ni évidemment d'avoir voulu 'faire appliquer la charia'".
Le réalisateur et ses avocats pointent le timing fâcheux de ces révélations, à même selon eux d'amoindrir les chances pour "Les Misérables" de concourir aux Oscars en mars prochain. Dans une mise au point publiée dès mercredi, "Causeur" précise pour sa part : "Il ne s'agit évidemment pas pour nous de confondre auteur et oeuvre (ou d'appeler à boycotter un film), mais bien de se poser des questions sur celui qui semble être devenu une caution morale".