Mathias Depardon, journaliste français de 37 ans, a été arrêté dans le Sud-Est de la Turquie le 8 mai dernier. Le photo-reporter réalisait un sujet sur la région du pays, pour "National Geographic". Trois associations de défense de la liberté de la presse et une vingtaine de rédactions ont décidé de signer une lettre ouverte vendredi, adressée au ministre de l'Intérieur turc, Süleyman Soylu, afin de lui demander la libération immédiate du journaliste.
En novembre 2016, Olivier Bertrand, un journaliste français des Jours.fr, avait été arrêté pendant un reportage dans la province de Gaziantep, frontalière de la Syrie, avant d'être expulsé de Turquie vers la France. Le mois dernier, un journaliste italien, Gabriele Del Grande, a lui aussi été arrêté en Turquie pendant qu'il faisait à la frontière syrienne un reportage sur les réfugiés et expulsé après deux semaines de détention. Les conditions de travail se sont dégradées ces derniers mois pour les journalistes étrangers en Turquie, selon des défenseurs de la liberté de la presse qui font état d'arrestations, d'expulsions et de difficultés administratives.
"M. Süleyman Soylu
Ministre de l'Intérieur
Monsieur le Ministre,
Les médias et organisations soussignés vous demandent de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour assurer la libération immédiate et inconditionnelle du photographe français Mathias Depardon, détenu depuis 10 jours dans le sud-est de la Turquie.
Mathias Depardon a été arrêté le 8 mai à Hasankeyf, dans la province de Batman, au cours d'un reportage sur le Tigre et l'Euphrate pour le magazine National Geographic. Il a été transféré le lendemain vers un centre géré par la Direction des Affaires migratoires à Gaziantep, où il se trouve depuis lors. Il y a maintenant une semaine, le 11 mai, la direction a ordonné son expulsion. Pourtant, le journaliste est encore en détention à ce jour.
Cette situation est une expérience très difficile pour Mathias Depardon et sa famille. Il ne peut communiquer avec l'extérieur que par l'intermédiaire de son avocat. Le journaliste est laissé sans explications quant aux raisons du prolongement de sa détention. Cette absence d'informations nous inquiète de plus en plus et nous vous demandons respectueusement d'autoriser les diplomates français à venir lui rendre visite.
Âgé de 37 ans, Mathias Depardon est basé en Turquie depuis cinq ans. Il est en train de faire renouveler sa carte de presse. Les médias soussignés ont tous travaillé avec lui durant ces dernières années et tous le décrivent comme un journaliste extrêmement professionnel et respectueux de la loi.
Comme l'a confirmé National Geographic, Mathias Depardon se trouvait à Hasankeyf dans le cadre de son travail journalistique. Nous comprenons les inquiétudes d'ordre sécuritaire légitimes dans cette zone et respectons le devoir des autorités de protéger les citoyens turcs. Mais rien ne nécessite la détention ou l'expulsion de Mathias Depardon. Nous considérons qu'il devrait pouvoir être autorisé à continuer son travail en Turquie.
En vous remerciant par avance pour l'attention que vous porterez à notre demande, nous vous prions d'agréer, Monsieur le ministre, l'expression de nos respectueuses salutations."
Les signataires de la lettre : Reporters sans frontières (RSF), Association des Journalistes Professionnels (AJP, Belgique), "Elle", "L'Express", Fédération Européenne des Journalistes (EFJ), "Le Figaro", "L'Humanité", "Internazionale", "Libération", Mediapart, "Le Monde", "National Geographic", "L'Obs", "Le Parisien", "Paris Match", "Polka", "Der Spiegel", "Society", "The Sunday Times Magazine", "Télérama", Visa pour l'Image, "VSD".