Y a-t-il de la friture sur la ligne entre l'Élysée et Matignon ? Emmanuel Macron a acté, ce jeudi 13 juillet 2023 pour septembre prochain le lancement des États généraux de l'information, l'une de ses promesses de campagne électorale. Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), et Bruno Lasserre, président de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), seront à la tête d'un comité de pilotage indépendant chargé des travaux préparatoires d'ici à la rentrée. En mars 2022, Emmanuel Macron voulait "lutter contre toutes les tentatives d'ingérence et donner aux journalistes le meilleur cadre pour remplir leur mission essentielle", rapporte "Le Monde" .
Ces États généraux arrivent à point nommé alors que l'inquiétude règne au "JDD". En grève depuis trois semaines, la rédaction de l'hebdomadaire demande à leur direction de "renoncer à la nomination de Geoffroy Lejeune et offrir à la rédaction des garanties d'indépendance juridique et éditoriale". Geoffroy Lejeune, proche d'Éric Zemmour, était jusqu'au début du mois de juin 2023 encore le directeur de la rédaction de "Valeurs actuelles".
Dans ce contexte, Emmanuel Macron a eu un mot de soutien pour Pap Ndiaye jugé par l'intéressé "inhabituel dans sa force et sa solennité", relate "Le Monde". Emmanuel Macron a rappelé qu'un ministre avait "le droit de commenter avec la mesure nécessaire la ligne politique d'un organe de presse", et que les attaques visant l'historien et sa famille étaient "inadmissibles".
"Cela m'inspire une chose", avait déclaré Pap Ndiaye au sujet de la colère des journalistes du "JDD" contre la prise de contrôle par Vincent Bolloré des médias du groupe Lagardère et la nomination de Geoffroy Lejeune. "C'est qu'il faut évidemment soutenir la mobilisation des personnels du 'JDD' et je comprends bien qu'ils ne veulent pas entrer dans la galaxie des publications ou des médias contrôlés par un personnage qui est manifestement très proche de l'extrême droite la plus radicale", avait déploré le ministre, en minorité parmi ses collègues plus hésitants.
Depuis cette sortie du ministre de l'Éducation nationale, le silence était d'or au sein du gouvernement. Il a été brisé, ce mercredi 12 juillet 2023, par la Première ministre en personne. Après avoir reçu à Matignon syndicats et patronat pour évoquer l'agenda social, Élisabeth Borne a estimé, lors d'un point presse, qu''il n'appartient pas au gouvernement d'interférer dans la gestion des médias, quels qu'ils soient', a-t-elle fait valoir. En contradiction donc avec les propos d'Emmanuel Macron.
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Sollicités par "Le Monde" pour les besoins d'une enquête publiée ce mercredi 12 juillet 2023, quinze ministres de plein exercice du gouvernement d'Élisabeth Borne ont eux aussi refusé de prendre position. Élisabeth Borne, elle, n'en a pas dit davantage, préférant, avant de se prononcer, "attendre les conclusions d'une mission d'information parlementaire" qui est en cours sur ce sujet. L'exécutif, le président de la République Emmanuel Macron, en tête, avait été invité par la rédaction du "JDD" à se mêler de leur sort, dans une lettre publiée samedi 8 juillet dans les colonnes de "Ouest France". Dans un courrier commun, les dirigeantes de la CGT, Sophie Binet, et de la CFDT, Marylise Léon, avaient interpellé, le jeudi 6 juillet, Élisabeth Borne sur "l'arrivée de l'extrême droite au 'JDD'".
Les journalistes du "JDD" ont donc voté, ce jeudi 13 juillet 2023, à 97% pour la reconduction de la grève pour un 21e jour. En conséquence, pour la quatrième semaine consécutive, le "JDD" devrait être absent des kiosques ce dimanche 16 juillet, "sauf énorme surprise", selon un membre anonyme de la Société des journalistes (SDJ) du journal, cité par l'AFP. Un nouveau vote aura lieu ce vendredi 14 juillet 2023 concernant la suite du mouvement, qui déterminera la parution ou non du journal dimanche.
"Depuis le jeudi 22 juin, les équipes du 'JDD' conservent une détermination intacte. Leurs revendications restent les mêmes", a poursuivi la Société des journalistes, instance représentative de la rédaction.
La SDJ a rappelé que, dans la déclaration des devoirs et des droits des journalistes de Munich, citée en annexe de la charte de déontologie de Lagardère Media News en vigueur depuis 2020, toute rédaction devait être "obligatoirement informée" d'une nomination de cette importance. Or, les journalistes du "JDD" ont appris l'arrivée de Geoffroy Lejeune grâce à des informations du quotidien "Le Monde".