Gérard Davet et Fabrice Lhomme ont bien voulu "griller" TF1 en publiant mardi à 6h38 un PV d'audition intégral de Karim Benzema. C'est ce que reconnaissent les deux journalistes d'investigation du "Monde" dans un article publié aujourd'hui par le médiateur du journal, Franck Nouchi.
"Initialement, nous avions envisagé de publier, sur Lemonde.fr, le procès-verbal de l'interrogatoire de Karim Benzema simultanément à la grande enquête sur cette affaire que nous publions ce vendredi dans M le magazine du 'Monde'", expliquent ainsi Gérard Davet et Fabrice Lhomme au médiateur de leur journal. Après la publication le 27 novembre d'une première interview de Mathieu Valbuena chargeant Karim Benzema, les deux journalistes d'investigation cherchaient à obtenir un entretien avec l'attaquant du Real Madrid.
"Mais, apprenant que Karim Benzema allait passer le 2 décembre sur TF1, nous avons voulu accélérer les choses en proposant à la direction de la rédaction de publier son PV dès le 2 décembre au matin", raconte le tandem d'investigateurs. "En termes journalistiques, cela s'appelle 'griller un confrère'", commente le médiateur du journal dans son article.
Dans ce papier, Franck Nouchi revient d'ailleurs point par point sur les nombreuses réactions qu'a suscitées la publication de ce PV d'audition. Il n'hésite pas à critiquer le manque de contextualisation de l'article de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, dans lequel le dialogue entre Karim Benzema et la juge est simplement précédé de trois paragraphes factuels. "Je pense que nous n'aurions pas dû nous emballer ainsi en publiant un verbatim intégral de procès-verbal. Il s'agissait là, à bien des égards, d'une solution de facilité dommageable. La révélation d'un tel document nécessite un véritable travail journalistique consistant en particulier à veiller à la nécessaire contextualisation des faits rapportés et au respect d'une procédure contradictoire", explique Franck Nouchi.
Et de regretter : "Nous devons toujours offrir à une personne mise en cause, y compris dans un PV d'audition, la possibilité de s'expliquer. Ce n'est pas parce que c'est un juge qui pose les questions, se substituant ainsi au journaliste intervieweur, que l'on doit s'abstraire de ces règles élémentaires".
Une critique reprise par Luc Bronner, directeur des rédactions du 'Monde'. Ce dernier regrette lui aussi "un manque de mise en scène" de l'article. "Autant la publication d'extraits de ce procès-verbal pouvait se justifier, autant il était important de bien les contextualiser", fait valoir ce dernier.
Luc Bronner fait aussi son mea culpa au nom du journal et parle même d'"incident" dont ses équipes tireront "les leçons". "Cet article aurait dû passer par le filtre de la relecture des chefs de service intéressés par cette affaire, en particulier le chef du service Société", regrette-t-il, évoquant un "manque de coordination".