"Ces dernières années j'ai eu la satisfaction de présenter 'Faites entrer l'accusé' sans savoir que c'est moi qui me retrouverais un jour sur le banc, spectateur de ma mise à mort professionnelle". La mine grise, le ton lourd et tiré à quatre épingles, Rachid M'Barki s'est présenté ce mercredi 22 mars devant les députés. L'ancien journaliste nocturne de BFMTV a été auditionné par les membres de la commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères. Un groupe présidé par le député du Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy.
La raison de sa venue, la presse l'a nommée "Affaire M'Barki". Un premier article paru le 2 février dans "Politico" pointait du doigt celui qui officiait chez BFMTV après minuit. Il aurait passé à l'antenne des informations erronées ou orientées pour servir des intérêts étrangers. Comme l'a appuyé plus tard l'enquête des "Story Killers", Rachid M'Barki aurait servi les intérêts de la cellule israélienne Team Jorge. Une "officine de désinformation", comme l'a intitulée l'enquête. C'est pour répondre de ses accusations et informer les députés qu'il s'est donc présenté, après avoir été formellement convoqué.
Formellement, Rachid M'Barki n'était pas accusé. "Il ne s'agit pas d'une procédure judiciaire (...) nous laissons à la justice ses prérogatives", a insisté le président de la commission avant de débuter. Cela ne l'a pas empêché de parler sous serment pendant plus d'une heure, dans une salle aux allures de tribunal.
En introduction, le journaliste a pu exposer sa version des faits. Il a rappelé avoir mené une longue carrière professionnelle dont il est fier. Pourtant, il a déploré qu'"en deux semaines et cinq jours", le "lynchage médiatique en règle" ait mis fin à celle-ci. En effet, à l'issue d'une enquête interne, la chaîne de Marc-Olivier Fogiel a mis fin à leur collaboration pour "faute grave". En cause, des "manquements à (sa) déontologie" qu'il n'a cessé de réfuter pendant son exposé.
Sa principale ligne de défense a été la remise en question de l'enquête des "Story Killers", prenant particulièrement pour cible le journaliste Frédéric Métézeau, membre du collectif et de la cellule d'investigation de Radio France. Il lui a reproché de s'être accroché à un scoop pour mettre en lumière son enquête, qui, à part les parties qui le concernent, ne serait pas foncièrement mauvaise.
"Brandir la tête d'un présentateur de JT, d'une grande chaîne et dont le nom et le visage sont un peu connus des Français (permet de) créer une affaire. On sait que son histoire va être reprise partout et par tout le monde. L'enquête Forbidden Stories devient l'affaire M'Barki. Monsieur Métézeau l'a immédiatement compris, il n'a ensuite eu de cesse de donner de la substance à ce qui s'avère être une fable, en tout cas en ce qui concerne ma prétendue implication", a dénoncé le journaliste.
Celui qui siégeait à quelques mètres des députés a d'ailleurs regretté que son confrère l'ait "dénoncé à sa hiérarchie", "un procédé tout à faire contraire, non seulement à la présomption d'innocence, mais aussi à la déontologie". Rachid M'Barki s'en est également pris à son ancien employeur, qui ne l'aurait jamais entendu lors de l'enquête menée en interne.
Autre point de défense : la défense de son travail. S'il n'a pas caché avoir entretenu des relations professionnelles avec le lobbyiste Jean-Pierre Duthion, qui aurait servi d'intermédiaire avec la Team Jorge, il a nié avoir touché une rémunération ou "quelques autres avantages que ce soit". Un café, peut-être, mais ils n'auraient "jamais déjeuné, ou dîné" ensemble. Il a admis qu'il a pu lui fournir des images. Mais selon ses dires, celles-ci, comme le reste des informations, ont suivi "le processus naturel" d'une chaîne de télévision. Son travail aurait été fait en toute transparence, surtout vis-à-vis de sa cheffe d'édition qui supervisait son travail. Il a regretté que certains articles de presse sur son histoire ait pris la forme d'un "roman" ou d'une "fiction Netflix", le dépeignant armé d'une clé USB contenant des fichiers cachés.
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La question de l'origine du présentateur a également été abordée, un point soulevé grâce à l'intervention de la rapporteure Constance Le Grip, une députée Renaissance. En effet, Rachid M'Barki est né d'une mère marocaine et d'un "père inconnu". Une double nationalité qui n'aurait presque jamais été mise en évidence avant cette affaire : "Je suis devenu comme par enchantement un journaliste franco-marocain, avant cela, personne n'en faisait mention dans la presse. Et moi-même, jamais ne j'ai mis en avant mes origines". Malgré ces liens de sang, il a réfuté avoir servi quelconques intérêts. "Le Maroc est un grand pays souverain, il n'a besoin de personne pour défendre ses intérêts, et surtout pas d'un petit télégraphiste", a-t-il lancé à son audience. Un propos assez mal reçu par le président qui a rappelé que les conclusions étaient leur privilège.
Devant les députés, Rachid M'Barki a donc livré sa version des faits. Sur Twitter, la journaliste de "Politico" Elisa Braün a noté au moins une incohérence : contrairement à ce qu'il a pu avancer, le mis en cause et ses avocats avaient bien été prévenus 5 jours avant la publication de leur enquête. Le fil pourrait continuer à être tiré dès demain. Le directeur de BFMTV, Marc-Olivier Fogiel, sera à ton tour interrogé sur cette affaire.