Des dizaines de journalistes et de caméras, plantés devant le siège de l'UMP. Dans l'attente du nouveau rebondissement, de la prochaine déclaration choc. En lien permanent avec leur rédaction, les reporters des chaînes d'info sont prêts à prendre l'antenne à tout instant. Quoi qu'il se passe. Le happening est permanent, les éditions spéciales quasi-incessantes. Les candidats se répondent par médias interposés, leurs soutiens se répandent sur les plateaux télé. Alain Juppé peut sauver l'UMP ? Les rédactions envoient des motards à ses trousses. Comme un parfum d'élection présidentielle. La "priorité au direct" est la marque de fabrique de BFM TV. Qu'importe ce qu'il survient, ça se raconte, en direct, 18 heures par jour.
Il n'en fallait pas plus pour agacer certains observateurs de la vie politique et médiatique. Bernard Benyamin, grand sage d'"Envoyé Spécial", dénonce "un journalisme de rumeurs". Patrick Cohen de France Inter moquait ce matin ces chaînes d'infos, "toujours en boucle, jamais découragées par le silence, jamais à court, même quand on n'entend rien et qu'on ne voit rien". A chaque feuilleton politique, i-Télé, BFM TV et LCI sont montrées du doigt. Pendant les affaires DSK, qui n'a pas craché sur ces nouvelles antennes, accusées de brasser du vide et de céder, parfois, à la tentation du voyeurisme ?
"L'histoire se répète de manière assez lassante. On nous avait fait le même reproche lors de l'affaire Merah. Faire vivre aux téléspectateurs l'actualité en direct, surtout quand elle est feuilletonnée, c'est notre format, notre vocation", explique à puremedias.com Hervé Béroud, directeur de la rédaction de BFM TV. i-Télé, la concurrente, le reconnaît, la guerre Copé-Fillon truste 80% du temps d'antenne depuis plus d'une semaine. Et alors ? "On assume. On vit un moment majeur, certainement historique. Pour les autres informations, il y a les JT de 20 heures classiques. Notre coeur de métier, c'est de suivre l'info en temps réel", se défend Céline Pigalle, directrice de la rédaction de la chaîne.
Depuis l'explosion de la TNT, les chaînes d'infos ont pris une place essentielle dans le paysage audiovisuel français et dans les plans com' des élus. "Les politiques parlent aux caméras, pas aux Français", ironise le communicant Philippe Moreau Chevrolet. Les chaînes d'infos soufflent-elles aussi sur les braises UMP, pour raviver un conflit qui rythme leurs antennes ? "Que la médiatisation joue un petit rôle, la question se pose en permanence. Moins qu'elle envenime, elle accélère, les différents camps se repositionnent en fonction des déclarations des uns et des autres", explique Céline Pigalle.
Dans cette guerre de communication, les spin doctors de Fillon et Copé utilisent ces chaînes comme une arme de destruction massive, la presse écrite n'est plus leur relais. "A chaque époque, ses moyens de communication ! Il y a 15 ans, ils auraient peut-être accordé une interview au Figaro, plaide Hervé Béroud de BFM TV. Lors du congrés de Reims, la violence était identique entre Royal et Aubry. Balladur et Chirac se haïssaient tout autant. Croyez-vous vraiment qu'ils aient besoin de nous pour se détester ? En 2012, ça se voit, ça se montre."
Si les chaînes d'infos en font des tonnes, introduisent leurs tranches par des génériques anxiogènes, ce n'est pas un hasard. Les Français aiment la politique, la suivent. Cette guerre des chefs pour la prise du pouvoir du premier parti politique français les passionne. Ils restent branchés, comme devant une émission de télé-réalité. Et ça marche, BFM TV et i-TELE ont réalisé de belles semaines en termes d'audience. La durée moyenne d'écoute était de 30 minutes. "Les Français ne nous consomment pas comme les journalistes, plusieurs heures d'affilée. Ce qui peut paraître répétitif pour certains ne l'est pas pour le téléspectateur", conclut Hervé Béroud.
L'audience guide-t-elle leur ligne éditoriale ? BFM TV revendique la couverture de cette élection depuis le début, bien avant LA fracture entre les deux camps. "Dans cette hystérisation médiatique, il ne faut jamais oublier que le temps politique est très différent. Souvenez-vous dans quelle situation était François Hollande au soir du congrès de Reims... Trois ans plus tard, il est président de la République. Il faut raison garder par rapport à ce spasme médiatique", relativise Laurent Delahousse, dans une interview à paraître sur puremedias.com.