Vives discussions aujourd'hui au sein des rédactions autour d'une vidéo rendue publique par le "comité de soutien à Vincent Lambert". Dans cette dernière, on peut voir le jeune homme en état végétatif sur son lit d'hôpital, entouré de son père et de son frère. Tournée quelques heures après la décision de la Cour européenne des droits de l'homme de valider l'arrêt des soins, la séquence montre aussi la mère de Vincent Lambert en train de lui parler de cette décision au téléphone.
La vidéo a été tournée au CHU de Reims le 5 juin dernier par Emmanuel Guépin, un ancien camarade de classe de Vincent Lambert favorable, comme une partie de sa famille, à son mantien en vie alors qu'une autre demande l'arrêt de ses soins. Dans la séquence, Emmanuel Guépin affirme vouloir souligner le "décalage" entre les décisions prises "par des gens qui ne connaissent pas l'état de Vincent" et sa véritable situation.
Interrogés, plusieurs membres du corps médical ont pour leur part crier à la "manipulation". Contacté par Europe 1, le professeur Eric Kariger, l'ancien chef du service de soin palliatif qui a suivi Vincent Lambert pendant de nombreuses années, a par exemple estimé que "ces images troublantes ne changent rien au fait que le patient se trouve dans un état végétatif irréversible, même s'il peut réagir à son environnement". "Je rappelle que les meilleurs experts ont donné un regard sur cette situation. Et malheureusement, le diagnostic et le pronostic qui ont été confirmés c'est l'état végétatif grave et irréversible. Ça s'appelle de la manipulation. J'en ai les larmes aux yeux en vous parlant", a-t-il expliqué.
Postée sur Youtube, la vidéo a été publiée dès hier soir sur le site du magazine catholique Famille Chrétienne, favorable à la poursuite des soins, qui a titré : "Vincent Lambert n'est pas en fin de vie". Les autres médias ont adopté des attitudes très différentes. Sur le web, la vidéo a notamment été reprise par Le Parisien, RTL ou encore Europe 1. "Le Monde" et "Le Figaro" ne l'ont pour l'instant pas évoquée tandis que "Libération" a traité le sujet en publiant une simple capture de la séquence.
Du côté des chaînes infos, BFMTV a fait le choix de diffuser des extraits de la vidéo au sein d'un sujet, précisant à l'antenne qu'il s'agissait d'une vidéo "militante". "Après vérification de sa provenance et de ses conditions de tournage, on a décidé de montrer la vidéo de manière encadrée", explique Hervé Béroud, directeur de l'information de BFMTV.
"Je pense que quand on fait le choix de parler d'un sujet, il faut montrer ce dont on parle en expliquant, contrôlant, contextualisant et en apportant la contradiction. C'est ce que nous faisons", ajoute-t-il, disant cependant comprendre le choix de certains médias de ne pas la diffuser. "Même si cette vidéo peut-être difficile à regarder, il faut ensuite considérer les gens comme des adultes capables de se faire leur propre jugement".
Du côté de iTELE et LCI, on a au contraire fait le choix de ne pas évoquer le sujet dans les matinales aujourd'hui. Contactée, la directrice de la rédaction d'iTELE, Céline Pigalle, a expliqué que cette vidéo avait provoqué un "débat virulent" en conférence de rédaction. "Nous avons jugé qu'il fallait d'abord en discuter ensemble. Nous allons diffuser la vidéo mais en floutant l'image pour respecter la dignité de Vincent Lambert, nous ne voulons pas imposer cette image à nos téléspectateurs. Ce n'est pas une image anodine !", a-t-elle expliqué se disant bien consciente malgré tout que la vidéo est disponible sur la toile. La chaîne diffuse depuis quelques heures la vidéo sous-titrée mais floutée.
Mise à jour 16h04 : Le CSA a confirmé cet après-midi avoir été saisi de la diffusion de cette vidéo. "Le Collège du Conseil supérieur de l'audiovisuel a décidé d'instruire avec une particulière vigilance les séquences de ce jour diffusées à la télévision concernant Monsieur Vincent Lambert, notamment au regard de l'application du principe de respect de la dignité humaine", a-t-il fait savoir dans un communiqué.