Tribune contre tribune. Ce lundi 1er janvier 2024, une tribune signée par 150 personnalités du monde de la culture a été publiée dans "Libération" à l'encontre des défenseurs de Gérard Depardieu, accusé par quatorze femmes de violences sexuelles. Intitulé "Affaire Depardieu : l'art n'est pas un totem d'impunité" le texte est écrit comme une réponse à une première tribune, publiée il y a une semaine dans "Le Figaro" pour défendre la présomption d'innocence de l'acteur de 74 ans. Dans la liste de signataires de cette nouvelle tribune, on retrouve notamment Alexandra Lamy, Muriel Robin, Guillaume Meurice, la chroniqueuse et comédienne Enora Malagré, ou encore l'acteur Swann Arlaud. On retrouve également la star de la série "Clem" Lucie Lucas, qui avait dénoncé la signature de sa "maman de cinéma" Victoria Abril dans la première tribune.
"Les rapports de domination sont présents, et les vagues de ces dernières années en ont ébranlé la base sans la faire s'effondrer, du moins dans notre pays", peut-on lire dans cette tribune. "Nous reconnaissons l'apport de ces légendes au cinéma français. Mais nous affirmons qu'aucun statut, aucune carrière aussi brillante soit-elle ne saurait se placer au-dessus de la mêlée, et ainsi bénéficier d'une forme d'impunité. Encore moins au nom de l'art." "Les monstres sacrés n'existent pas", écrit encore la tribune, faisant référence à ce qualificatif souvent attribué à Gérard Depardieu et cité dans la tribune du "Figaro". "Il n'y a que des hommes ordinaires auxquels on a donné tous les droits."
"Nous ne nous attaquons pas à l'art qui nous est cher : nous voulons au contraire le protéger, en refusant fermement qu'il serve de prétexte à l'abus de pouvoir, au harcèlement ou aux violences sexuelles. L'art ne doit jamais nous amener à détourner le regard des souffrances des victimes, qu'elles soient célèbres ou anonymes, et le talent ne justifie pas la transgression des limites et l'atteinte à l'intégrité d'autrui." Autre différence avec le premier texte, cette tribune évoque la place des personnes victimes de violences sexuelles, dont la parole est souvent remise en cause : "Il est impératif de reconnaître le courage des survivantes qui bravent la stigmatisation et les doutes pour dénoncer des abus, au sein même d'une société dans laquelle elles n'ont rien à y gagner, et parfois même tout à perdre. Leurs voix méritent d'être entendues, crues, et soutenues. (...) Nous sommes avant tout des citoyen·nes, et nous refusons la perspective d'une immunité artistique", conclut le texte.
Cette tribune n'est pas la première à être publiée pour dénoncer les voix qui s'élèvent en faveur de l'interprète d'Obélix. Lancée vendredi dernier par le collectif "Cerveaux non disponibles", une contre-tribune a été signée par plus de 8.000 artistes moins de 48 heures après sa publication. Parmi les signataires, on retrouve cette fois les chanteuses Angèle, Louane et Pomme, le rappeur Médine, ou encore l'humoriste et chroniqueur de France Inter Waly Dia. Selon ce texte, publié sur un blog de "Mediapart" , la première tribune ainsi que la déclaration d'Emmanuel Macron en défense à l'acteur "sont autant de crachats à la figure des victimes de Gérard Depardieu mais aussi de toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles (...) C'est l'illustration sinistre et parfaite du monde d'avant qui refuse que les choses changent", peut-on lire. "Comme toujours dans les affaires de violences sexistes et sexuelles à l'égard des femmes, la présomption d'innocence pour l'agresseur sonne comme une 'présomption de mensonge' pour les femmes qui témoignent contre lui" écrit encore cette contre-tribune, qui appelle à "briser la loi du silence". "Brisons l'écho de l'impunité. Mettons la lumière sur la vérité et choisissons la fin des zones d'ombre."