"Toi aussi tu flippes". C'est ainsi que Lucie Lucas, star de la série "Clem", s'est adressée à Victoria Abril, qui joue sa mère dans la série de TF1, après que celle-ci a signé une tribune dénonçant un "lynchage" médiatique contre Gérard Depardieu. Choquée par la signature de Victoria Abril, Lucie Lucas, qui a confié elle-même avoir été victime de violences sexuelles, a accusé sa consoeur espagnole "d'agressions sexuelles sur ses partenaires". Une phrase écrite en commentaire d'un post Instagram de la jeune comédienne Charlotte Arnoult, qui accuse Gérard Depardieu de viols, et qui a fait grand bruit. Dans un entretien accordé au "HuffPost" ce vendredi 29 décembre 2023, l'actrice de 37 ans est revenue plus en détails sur sa prise de parole.
"Il n'y a jamais de bon moment pour balancer une bombe comme ça. Voir tous ces noms sur cette liste, ça m'a fait exploser. Victoria Abril, c'est ma maman de cinéma, je me suis sentie trahie", a-t-elle d'abord confié, faisant écho à sa première explication sur Franceinfo, la veille. Si la comédienne s'est laissée porter par ses émotions, elle précise ne pas avoir "l'intention de développer en ce qui concerne des actes non consentis, puisque je n'étais pas directement concernée et que je ne raconte pas les histoires des autres sans leur accord. Par contre, j'ai voulu lui, leur faire prendre conscience de l'hypocrisie de signer une tribune pareille, et rappeler que personne n'est intouchable."
L'acteur de 74 ans, qualifié de "monstre sacré du cinéma français" dans cette tribune publiée dans le "Figaro", est accusé par quatorze femmes de violences sexuelles, visé par trois plaintes, et mis en examen pour viols depuis 2020. Mais c'est surtout depuis la diffusion d'un épisode de "Complément d'enquête" consacré à ces accusations le 7 décembre dernier, qu'il est au coeur d'une tempête médiatique.
"Ça ne m'intéresse pas de remuer le passé, mais dorénavant, je ne laisserai plus rien passer sur un plateau, je ne serai plus complice de l'omerta généralisée. Pendant longtemps, je n'ai rien osé dire ou faire, donc oui, j'ai ma part de responsabilité. Mais il y a des comportements qui ne sont plus admissibles", poursuit-elle, avant de témoigner de plusieurs expériences de tournage de problématiques : un acteur lui a dit "tu me rends fou, je vais te violer, ça se voit que tu es le genre de femme qui aime ça", un autre l'a "secouée de sa chaise" alors qu'elle était "enceinte de sept mois", ou encore un réalisateur dont la "méthode" était de "l'humilier violemment".
"Ce sont quelques exemples parmi beaucoup d'autres. Mais pour se sentir légitime de réagir, il faut qu'il y ait un environnement sécurisant, un minimum. Savoir qu'on ne va pas tout risquer", plaide l'actrice, qui reconnaît que son témoignage lui fait prendre des risques dans sa carrière. "Les choses vont se compliquer pour moi, c'est certain. Je ne sais pas du tout si je vais avoir des nouveaux contrats. Je vais être ciblée comme quelqu'un qui parle. Mais je ne peux plus travailler à n'importe quel prix", ajoute-t-elle, précisant que "la production de 'Clem' est aujourd'hui bienveillante et à l'écoute".
Des propos qui ne sont pas sans rappeler ceux de Sophie Marceau, qui accuse Gérard Depardieu de l'avoir "touchée" sans son consentement et multiplié les humiliations sur le tournage du film "Police" en 1985, avec la complicité du réalisateur Maurice Pialat. "Rien ne justifie des comportements abusifs et certainement pas l'art. C'est faux, c'est un mythe", a déclaré Lucie Lucas. "C'est ce règne de l'idolâtrie. C'est un cercle vicieux. L'admiration génère des idoles qui ont un sentiment de toute-puissance et sont souvent à l'origine de comportements violents, déplacés, abusifs, le tout avec un sentiment d'impunité", a-t-elle par ailleurs rappelé.
Lucie Lucas confie avoir reçu de nombreux messages de soutien, sans "haine contre des agresseurs, d'esprit de revanche, d'envie d'effacer quelqu'un". Elle souhaite désormais "vivre et travailler dans une société où on n'ait pas peur de dénoncer les abus qu'on subit et où on sait qu'on sera écoutés, respectés, pris en compte. Par conséquent, aujourd'hui je suis partagée entre deux sentiments : la peur de ce qui va me tomber dessus, et l'espoir."