Une fin de semaine festive en perspective pour l'équipe de Julien Courbet. Ce vendredi 7 février, entre 9h30 et 11h, "Ca peut vous arriver" fêtera sa 20e saison en grande pompe avec une émission spéciale animée en direct depuis le grand studio de RTL. Pour l'occasion, Julien Courbet et ses avocats résoudront en direct et en public les cas d'auditeurs présents en studio, en compagnie de Jean-Louis Aubert, qui interprètera plusieurs titres en live. puremedias.com a pu assister il y a quelques jours aux coulisses de la fabrication de cette émission en constant mouvement, suivie en moyenne chaque jour par 1.325.000 auditeurs.*
Il est 9h en ce mercredi de janvier. A Neuilly-sur-Seine, pendant que des badauds font la queue dans la rue pour assister à l'enregistrement des "Grosses Têtes" de Laurent Ruquier, une grande partie de l'équipe de Julien Courbet est déjà au travail, quelques étages au-dessus. "Ca peut vous arriver", l'émission qui défend chaque jour depuis près de 20 ans les auditeurs, débute dans moins de 30 minutes. La concentration est de mise. Xavier Kassovic, surnommé "l'historien", en raison de sa présence à la réalisation depuis le tout premier numéro diffusé en janvier 2001, effectue les derniers réglages.
Aujourd'hui, Hervé Pouchol, un des négociateurs de l'émission, est en duplex de Rouen, pour tenter de régler un des nouveaux cas du jour directement sur le terrain. Bernard Sabbah, l'autre négociateur, boit son café en plaisantant avec le reste de l'équipe. Bordelais comme Julien Courbet, il a rejoint "Ca peut vous arriver" voilà déjà 17 ans. Sa spécialité ? Les voyages, lui qui est désormais consultant pour les grands groupes de tourisme et va bientôt ouvrir sa propre école spécialisée. Dans tous les cas "voyages" traités, une chose a le don de l'énerver : l'utilisation abusive par les compagnies aériennes de la notion de cas de force majeure pour éviter d'avoir à rembourser les billets d'avion en cas de vol annulé. "Et avec internet, les cas ont explosé", souffle-t-il.
Julien Courbet fait son entrée en studio quelques minutes plus tard. La veille, le premier numéro de "Qui veut être mon associé ?" a été diffusé sur M6. Aussitôt, son équipe l'interroge sur l'audience. Il n'y avait pas foule pour la première, mais l'animateur se console avec le score sur cibles. Le prime était leader chez les 15/34 ans.
9h29. C'est l'heure du passage de relais entre le matinalier Yves Calvi et Julien Courbet. Les deux hommes se chambrent volontiers quelques instants durant avant que l'homme fort du 9h30/11h de RTL ne déroule le sommaire de l'émission. Deux cas inédits aujourd'hui : un problème de chaudière en surchauffe et un bassin de rétention d'eau qui attire les moustiques. Autour de la table, assises l'une en face de l'autre, les deux avocates historiques de l'émission : Nathalie Fellonneau et Sylvie Noachovitch. Elles sont entourées par Jean-Baptiste Nicolle et Céline Collonge, les journalistes de l'émission, ainsi que par Alain Azhar, le rédacteur en chef, assis à la gauche de Julien Courbet. Bernard Sabbah est debout, derrière le réalisateur, tandis que Charlotte Méritan, la troisième journaliste, est au standard.
Si l'émission rencontre tant de succès, c'est aussi parce qu'au fil du temps, Julien Courbet a fait de chacun des membres de son équipe des personnages à part entière. Nathalie est surnommée "la Divina", Charlotte est la "plus jeune journaliste de France", Hervé est le Pierre Richard de la bande... Il y aussi ceux qui interviennent une fois par semaine comme l'avocate Blanche de Granvilliers ou son confrère Eric de Caumont, spécialiste automobile. Son surnom ? "Le druide".
"Ca peut vous arriver" se suit comme un feuilleton puisque les cas non résolus reviennent jour après jour, voire semaine après semaine, à l'antenne. Le tout dans un mélange de concentration et de bonne humeur. A peine un quart d'heure pour présenter l'équipe, accueillir l'auditeur et débuter les premiers appels, qu'il est déjà temps d'envoyer la publicité.
Le rythme de "Ca peut vous arriver" est intense, avec pas moins de trois coupures - musicales ou publicitaires - par tranche de 30 minutes. Alain Azhar, rédacteur en chef de l'émission depuis 2011 et vieux complice de Julien Courbet, file la métaphore pour résumer cette mécanique bien huilée. "Julien, c'est une Formule 1 et, nous, nous sommes les petites mains autour pour intervenir le plus rapidement et le plus efficacement possible", explique-t-il de sa voix grave et nonchalante, que les auditeurs ont l'habitude d'entendre. Ceux qui ont la chance de passer à l'antenne saluent souvent la qualité d'écoute et d'accompagnement de l'équipe. Alain Azhar n'hésite d'ailleurs pas à leur donner son numéro de portable personnel afin d'être joint à tout moment.
Pendant ce temps, une feuille de papier à la bouche, Xavier Kassovic indique à Julien Courbet le temps restant avant la prochaine coupure. Un moyen de communication artisanal privilégié par le réalisateur, qui a le mérite d'être efficace. Pour Charlotte Méritan, journaliste qui a rejoint l'aventure il y a quatre ans, l'émission est à la fois "grisante et imprévisible". "Si quelqu'un nous raccroche au nez et ne nous répond plus, on ne peut plus rien faire", explique-t-elle. Voilà pourquoi la mécanique de l'émission est construite sur deux à trois cas inédits traités chaque jour et sur des retours sur des cas qui bloquent. Si on enlève les coupures pubs et les pauses musicales, le tout doit rentrer dans moins d'une heure d'antenne. On comprend mieux pourquoi Alain Azhar file la métaphore de la Formule 1.
Son équipe reçoit entre 200 et 300 nouveaux cas par jour. Impossible bien entendu de tous les prendre. Mais alors, qu'est-ce-qui constitue un bon cas ? "C'est lorsqu'on suppose qu'il va se passer quelque chose avec la partie adverse, mais aussi quand on est en présence d'une injustice, le pot de terre contre le pot de fer", résume le rédacteur en chef. Les cas qui ne sont pas jugés assez importants, comme dernièrement celui d'une personne rencontrant un problème avec un abonnement à son magazine, sont poliment refusés. En 20 ans d'émission, environ 20.000 cas ont été traités, avec un taux de résolution qui frôle les 100%. "Il arrive régulièrement que des auditeurs me confient leurs dossiers directement dans la rue", confie Nathalie Fellonneau. Je les prends toujours et je les transmets à l'équipe".
Et la professionnelle de rappeler le rôle des avocats dans "Ca peut vous arriver" : "Nous sommes les avocats de l'émission, pas de l'auditeur qui passe à l'antenne. Nous sommes là pour trouver un accord quand la situation juridique est ouverte. Souvent, il y a un manque de dialogue entre les parties. Cela reste au final très bienveillant, même si on a embêté la personne sur le moment".
A 10h15, le deuxième cas, celui de Marie-Claude et de son bassin de rétention, a déjà été lancé et un arrangement à l'amiable est déjà proposé par la société qui a commercialisé la chaudière défectueuse du premier cas. Sauf que l'auditeur veut le remboursement de l'acompte versé et une chaudière neuve. "S'il veut tout, il va au tribunal", balaie Julien Courbet. Le rédacteur en chef l'appelle hors antenne pour tenter de le raisonner sous le regard de Bernard Sabbah, habitué à ce genre de réaction. "Avec le succès de l'émission, les auditeurs sont devenus plus exigeants. Mais on n'a pas le droit de mettre la pression à quelqu'un qui considère qu'il peut aller en justice". La philosophie de ce négociateur hors pair tient en une phrase : "Il vaut mieux un mauvais arrangement qu'un bon procès".
L'avocate Sylvie Noachovitch a encore en mémoire le cas d'auditeurs qui ont tenté de porter plainte pour diffamation contre l'émission. En vain. "La diffamation consiste à dire quelque chose dont on ne peut pas apporter la preuve", rappelle celle qui est plus habituée à plaider aux assises et qui se réjouit ici de traiter de "toutes les matières du droit". Seule exception : le droit de la famille, domaine délicat s'il en est. Pour elle, "Ca peut vous arriver" constitue une "soupape" qui lui offre une parenthèse par rapport aux contraintes du cabinet et des audiences. "On aide des gens en s'amusant. Notre rôle est de rendre la justice plus accessible", résume-t-elle avant de se replonger dans un dossier. A l'instar de Nathalie Fellonneau, elle est la garante de la faisabilité juridique des sujets traités.
Les dix dernières minutes de l'émission sont appelées le "money time" ("le moment où tout se joue"). Le rythme s'accélère, Alain Azhar fait la navette entre les couloirs de la radio, la régie et Julien Courbet. Le premier auditeur accepte que sa chaudière soit remboursée. La maire de la commune concernée par le bassin de rétention est jointe in extremis. Elle assure d'un ton passablement agacé que le problème est déjà réglé depuis près d'un an. Un dialogue de sourds s'instaure et l'édile semble prendre de haut l'animateur, qui finit par mettre un terme à la conversation. Julien Courbet promet de revenir sur la situation dès le lendemain.
Si l'antenne est rendue à 11h pile, la journée est loin d'être terminée pour l'équipe. Un numéro supplémentaire sera enregistré dans l'heure qui suit, pour pallier les futures absences de l'animateur de RTL et, surtout, les journalistes poursuivront leur journée de travail jusqu'à 18h en faisant des suivis de cas ou en préparant le dossier du lendemain pour apporter des conseils pratiques aux auditeurs. Il se passe toujours quelque chose dans "Ca peut vous arriver".
*Chiffres Médiamétrie issus de la vague novembre/décembre 2019, en quart d'heure moyen.