Un témoignage poignant. Dans ses colonnes hier, "Le Journal du dimanche" a publié une interview rare de Bernard Pivot, célèbre présentateur de l'émission littéraire "Apostrophes" sur Antenne 2. Durant près de 30 ans, le journaliste a écrit dans "Le JDD" en tant que critique. Âgé aujourd'hui de 87 ans, il a décidé de ne plus prendre la parole. "Il a fallu la conviction de son ami Régis Debray pour qu'il accepte de prendre la parole", a expliqué l'hebdomadaire.
"Je suis resté silencieux parce que le mal m'a frappé à la tête, siège du cerveau et de la parole. Mieux vaut alors se taire en attendant que la mémoire se recharge et que la pensée refleurisse", a entamé l'entretien Bernard Pivot, expliquant après 25 ans d'émissions culturelles en direct et 20 ans de dictées, il a décidé "d'arrêter la télévision pour devancer ce qui serait inexorablement arrivé", "la lassitude du public". Et de blaguer : "Le pépé Pivot, il fatigue et il commence à nous les briser...".
Il a poursuivi : "A 84 ans, j'ai démissionné du Goncourt pour laisser ma place à un écrivain plus jeune. Enfin, à mon vif regret, j'ai abandonné ma chronique du 'JDD' parce que j'étais malade, handicapé et que je ne pouvais plus écrire comme je l'ai fait pour vos lecteurs, pour nos lecteurs, si vous permettez, pendant plus d'un quart de siècle".
"Pendant soixante ans, j'ai reçu chez moi les nouveautés publiées par les éditeurs. La semaine qui a suivi l'annonce de l'abandon de ma chronique dans le 'JDD', mon nom a été rayé de la plupart des listes de services de presse, y compris chez mon éditeur. C'est normal, mais ça fait drôle. Depuis, j'achète des livres. Comme tout le monde", a raconté Bernard Pivot. Et de conclure : "Ex-journaliste, j'aimerais mourir chez moi, dans mon fauteuil, en lisant 'L'Equipe' ou 'Le Journal du dimanche'. Ou, mieux, dans mon lit, en relisant Montaigne ou Proust. Mais je ne lis jamais au lit".