Propos recueillis par Julien Bellver et Benoît Daragon.
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Vous avez lancé une vaste réforme des programmes. Les après-midi de France 2, les week-ends, les magazines de France 5... Il y avait urgence à tout changer alors que les audiences de France Télévisions se maintiennent ?
On ne change pas tout. On profite de ce bon élan d'audience pour se réinterroger, renouveler des programmes qui s'épuisent un peu. On ne peut pas considérer qu'une émission à l'antenne depuis plusieurs années ne doit pas être questionnée. C'est la vie de la télévision...
Il y a un taux d'échec important dans le renouvellement des cases, lancer autant de nouvelles émissions, c'est très risqué.
J'assume cela, c'est toujours plus facile de ne rien faire. Oui il y aura des succès, oui il y aura des échecs. Il faut juste ne pas s'enfermer dans les échecs, il faut savoir s'arrêter.
Vous allez leur laisser le temps de s'installer ?
Oui. Il y a des émissions dont on sait assez vite qu'elles ne s'installeront jamais. Là, on doit prendre une décision rapidement. Il y a le traumatisme ici de Sophia Aram, laissée à la vindicte populaire pendant trois mois, on l'a complètement cramée. On a une responsabilité vis-à-vis des visages qu'on met à l'antenne, cela ne doit pas se reproduire. Si une émission part bas et progresse, il faut lui laisser du temps.
Pourquoi avoir choisi de supprimer des émissions qui marchent, malgré leur ancienneté. Comme "Médias le mag" sur France 5 (dont puremedias.com est partenaire) ou "Les Cobayes" sur France 4 ?
Qui fonctionnent bien... plus ou moins. France 5, ce n'est pas une grande chaîne généraliste et il y a des renouvellements à faire sur cette chaîne aussi, notamment le week-end.
Une émission d'éducation aux médias, c'est dans l'ADN du service public non ?
Oui, et on le fait beaucoup sur France 4, avec France TV Education. Il y a beaucoup d'actions en dehors de "Médias le mag", émission qui ne s'adresse pas aux enfants.
Pourquoi ne pas être plus transparent sur les appels d'offres pour le lancement de nouvelles émissions ? On sait que cela suscite des jalousies, des conflits entre producteurs...
Il y a des secrets industriels, ce n'est pas possible de publier les projets concurrents. On ne peut pas communiquer cette décision sans expliquer pourquoi un projet est écarté. Ce projet peut être présenté à une autre chaîne, c'est un gros travail des producteurs et de leurs équipes qu'on ne peut pas dévoiler, cela ne nous appartient pas.
Et pourquoi ne pas publier les appels d'offres ?
Je suis désolée mais on ne peut pas informer TF1 et M6 de nos intentions ! L'émission culturelle, moi je sais expliquer pourquoi on a retenu ce projet et pas les deux autres qui étaient dans la short list. Mais je ne peux pas l'exprimer sans dévoiler les autres.
Pour l'émission culturelle, "Stupéfiant !", c'est un nouveau producteur, celui du "Petit Journal", qui fait son entrée sur le service public. Vous êtes allée chercher Laurent Bon ?
On est ravis de travailler avec lui, il est extrêmement talentueux. Le choix de son projet, c'était difficile, ceux en face étaient très bons aussi. Je ne suis donc pas allée le "chercher", il a remis une proposition comme sept ou huit autres producteurs. Ce n'est pas une prise de guerre, il garde une activité importante sur Canal.
"Le Petit Journal" pourrait atterrir à France Télévisions ?
C'est une marque de Canal, cela ne peut pas arriver chez nous.
L'Euro arrive bientôt. Il ne sera pas diffusé sur France Télé. Ces grandes compétitions ne sont plus à votre portée ?
Ce n'est pas à notre portée, clairement. On a quand même les JO, Roland Garros, le Tour de France... Peut-on prétendre à des grandes compétitions de foot ? La réponse est non, nous n'avons pas les moyens.
Vous êtes favorable à une réforme du mode de gouvernance de France Télévisions, comme l'a suggérée Eric Woerth dans Le Monde ?
Ce n'est pas à moi de définir le mode de nomination. France Télévisions, c'est une société anonyme. La normalisation comme une société traditionnelle, cela veut dire que le conseil d'administration a un rôle plus important. Moi je m'y attache. J'ai organisé un séminaire du conseil d'administration pour parler des enjeux stratégiques, je les associe beaucoup. Ce regard avec l'actionnaire et des personnes qualifiées qui peuvent nous challenger, c'est sain. Tout ce qui donne un statut normalisé à l'entreprise publique, je trouve ça bien.
Tous les portraits qui ont été faits de vous vous disent proches de la gauche et de l'Elysée. Il y a une part de vérité ou c'est du fantasme ?
Le fait que je sois proche de l'Elysée, nommée par l'Elysée, c'est une pure calomnie. Je n'avais jamais rencontré le président, je l'ai vu après ma nomination. D'ailleurs on en a plaisanté, il m'a dit "il paraît que je vous ai nommé mais on ne se connaît pas". Mais c'est classique...
Proche de la gauche ?
Je ne suis pas une femme politique. Je suis arrivée ici car je suis une femme d'entreprise. Je ne suis pas là pour porter une idéologie, je trouve ça malsain. Ma compétence n'est pas d'être de droite ou de gauche. Elle est d'être une femme d'entreprise, et je le revendique. Cela semble bizarre à tout le monde mais je n'ai jamais fait de politique.
Cela vous agace ou vous vous en accommodez ?
Un peu des deux... Moi qui découvre ce microcosme médiatique, j'ai des sujets d'étonnement. On vous colle beaucoup d'étiquettes complètement fausses. Ce qu'on dit, la réputation, devient la réalité. C'est l'univers médiatique, politique. Mais j'essaye d'avoir de la distance, je trace ma route, mon seul sujet est que cette entreprise se transforme.
Avec un peu de transgression, parfois...
Oui, c'est un peu mon style. Parfois je ne peux pas m'en empêcher (rires).