Propos recueillis par Julien Bellver et Benoît Daragon.
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Dans quel état d'esprit sont les rédactions après la crise liée aux errements de Michel Field ? Avez-vous hésité à le remplacer ?
Non, pas une seconde. D'abord parce qu'il faut rappeler que les rédactions sont soumises à beaucoup de changements. La semaine qui suivait les maladresses de Michel Field, on a réuni deux services des rédactions de France 2 et France 3. Le service économie a déménagé vers de nouveaux locaux communs. Ce projet de fusion des rédactions extrêmement complexe, qui dure depuis cinq ans, prend enfin forme. Il se matérialise, et ce n'est pas rien. Parallèlement, on travaille sur la nouvelle offre d'information donc il y a beaucoup d'interrogations qui naissent et c'est bien normal. Là-dessus, arrivent des maladresses que Michel Field a reconnues lui-même. Il y a un effet conjoncturel qu'il faut entendre. Je suis sensible aux interrogations des uns et des autres, et j'ai fait pour cela le tour des rédactions. Ce ne sont pas les mêmes d'ailleurs d'un étage à l'autre. On doit aussi valoriser les éditions et les magazines d'information. Peut être qu'à trop parler de future offre d'information et de la fusion, certains on pu croire que j'avais oublié le poumon de cette entreprise, qui est l'information.
Combien de temps laissez-vous à Michel Field pour retrouver la confiance des rédactions ?
Je pense profondément qu'elle va se restaurer. D'ailleurs, elle n'est pas brisée avec tout le monde. Il y a eu un moment de vif émoi, et je l'ai ressenti moi-même. Mais les choses vont s'apaiser.
Vous étiez connue quand vous dirigez Orange pour faire payer une amende symbolique à ceux qui faisaient des remarques sexistes. Michel Field en a reçu une pour avoir qualifié Léa Salamé de journaliste "sexy et virevoltante" ?
Non, car il ne l'a pas dit. Il a dit "virevoltante" mais ce n'était pas au sens physique du terme mais bien journalistique car elle sait passer d'un sujet à un autre au fur et à mesure des débats ! Michel Field n'est vraiment pas un homme sexiste, il ne risque pas de mettre beaucoup d'argent au pot ! (elle rit)
Vous êtes satisfaite de l'émission avec François Hollande, "Dialogues cutoyens", première du duo Salamé/Pujadas ?
J'ai apprécié la qualité du dialogue avec les Français, qu'ils soient pugnaces et qu'ils aient le droit de relancer le Président après avoir posé leur question. Après, il y a toujours un équilibre à trouver entre le temps de parole accordé aux Français - un quart d'heure chacun - et le rôle des journalistes politiques qui ne doivent pas non plus s'effacer. Il y a des ajustements à faire mais toute nouvelle émission doit se caler.
Il faut remettre les citoyens au coeur des émissions politiques ?
Oui, il y a une demande forte de débat politique chez les Français. Il faut sortir de la petite phrase et de l'affrontement systématique. Et qui de mieux que les Français pour parler des sujets de fond qui les intéressent vraiment ? Cela permet de réancrer les politiques dans la vie quotidienne. Il faut retisser un lien entre les politiques et la vie quotidienne. Mais attention, le citoyen ne remplace pas le journaliste, il apporte un rythme et un angle différent .
La mise en avant de cette parole citoyenne, c'est la direction que prendra à la rentrée la rédaction de France Télévisions ?
C'était le premier test de la formule. Moi, j'ai trouvé que le duo entre David Pujadas et Léa Salamé fonctionnait. Ils se complétaient très bien avec David Pujadas qui était la colonne vertébrale de l'emission. Et Léa Salamé plus mobile sur les différents sujets. Il y a des calages à faire.
Donc le duo est confirmé une fois tous quinze jours à la rentrée...
On verra. La nouvelle émission politique se prépare. Et retrouver David, Léa et Karim serait une belle promesse...
Un mot sur l'émission avec Karim Rissouli, produite par Renaud Le Van Kim, dont l'annonce a créé un problème au sein de la rédaction. L'émission est définitivement enterrée ?
L'émission était en effet une production extérieure, évidemment en liaison avec le service politique. Mais on a résolu ce problème puisqu'on renonce à la produire ! Mais je comprends la demande des équipes qui est de dire qu'en période d'élection majeure, parce qu'on est indépendant et qu'on veut le rester, de maîtriser totalement la fabrication des émissions politiques.
Le plus grand chantier de votre présidence est la chaîne info. Serez-vous vraiment prêts pour le 1er septembre ?
Ce n'est pas le plus gros chantier, c'est le premier grand chantier (rires). Mais oui on sera prêt ! Rendez-vous le 1er septembre pour vous en rendre compte.
Le choix du nom de France Info, très contesté à France Télévisions et à Radio France, est-il arrêté ?
Non, rien n'est encore tranché. Ce qui est fort dans ce projet, et qui peut troubler ici ou à Radio France, c'est l'alliance. Et tant mieux car on partage de nombreuses valeurs en tant que services publics d'information. On cherche, avec l'INA et France 24 qui sont également associés, à dépasser ces petites querelles et à faire honneur à l'information de service public.
Le nom de "France Info", il vous plaît ?
Dans la vie, il faut faire simple. On a une marque qui existe et que tout le monde connaît. C'est donc normal qu'on y réfléchisse. Mais ce n'est pas tranché, il y a d'autres options. Une seule chose est sûre : on veut une marque commune pour un média global qui existe en télé, en radio, et sur le web. Derrière le nom, l'important c'est la réunion des médias. L'important c'est de se dire qu'on va faire partie d'un tout qui est plus grand que nous, qu'on va créer une offre d'information multi-supports, et que le web sera au coeur du projet.
Et pourquoi pas "francetv info", marque qui existe déjà sur le web ?
On ne va pas se priver de nos forces, l'équipe est complètement au coeur du projet. Ce n'est pas ce nom qui a fait la réussite du site mais son ton, le contenu, l'engagement des journalistes, la réactivité. Et cela, on ne s'en privera pas.
Vous voulez toujours une fréquence TNT ?
Oui on veut une fréquence TNT !
Pourquoi ne pas supprimer France 4 ? Vous pourriez récupérer son budget, 40 millions d'euros, et le canal 14... Cette chaîne ne s'est jamais imposée, avec une identité toujours très floue.
Je ne suis pas d'accord, France 4 a renouvelé son identité depuis un an, c'est une chaîne jeunesse et famille le soir. Elle progresse énormément en audience, en particularité sur les 4-14 ans. Avoir une offre pour les jeunes publics, c'est important. Supprimer France 4, très belle chaîne de service public, je n'y ai jamais pensé. Et personne ne m'a demandé de le faire ! France 4 est par ailleurs une chaîne importante pour le secteur de l'animation, très dynamique dans notre pays. Ce n'est pas sans incidence sur l'éco-système. France Télévisions, ce n'est pas juste 10.000 salariés. Le secteur de l'audiovisuel, c'est 100.000 personnes en France. Quand vous supprimez une chaîne, cela a un impact.
France Télévisions vient de passer sous la barre des 10.000 salariés. Mais vous allez recruter pour cette chaîne d'information. Combien va-t-elle coûter au contribuable ?
Au contribuable, rien, cela ne touche pas la redevance. La dépense supplémentaire sera de 13 millions d'euros. C'est relativement marginal sur le budget total de France Télévisions. La future offre d'information est déjà financée sur le budget 2016.
Le 13 Heures de France 2 se cherche un nouveau présentateur. Quel est le profil idéal, une femme de moins de 50 ans issue de la diversité ?
(Rires) Il n'y a pas ce type de critères. La diversité, c'est un sujet, cela ne s'applique pas qu'aux présentateurs. Il nous faut une télévision qui représente plus la société française. On regardera en priorité les candidatures internes.
Vous regrettez votre provocation sur les hommes blancs ?
Pas du tout... Les animateurs l'ont mal comprise. C'est additif, ce n'est pas soustractif ! Il faut aussi des jeunes, des personnalités issues de la diversité. Quand on regarde notre télévision, peut-on dire qu'elle est à l'image de la société française ? Non ! Quand on a un homme noir sur un plateau, c'est pour parler d'immigration... Et non pas parce qu'il est prof de fac à la Sorbonne. Quand vous allez à l'hôpital, il y a combien de médecins d'origine étrangère qui vous soignent ? Est-ce qu'ils sont à la télévision pour parler des sujets médicaux ? Non !
A SUIVRE > La troisième et dernière partie de notre entretien.