Chaque vendredi, retrouvez "Médias le mag, l'interview", en partenariat avec France 5. Julien Bellver, co-rédacteur en chef de puremedias.com et chroniqueur dans "Médias le mag" le dimanche à 12h35 interroge une personnalité des médias toutes les semaines. Pour ce 15e numéro, Julien Bellver reçoit Elisabeth Quin, à la tête de "28 minutes", chaque soir à 20h05 sur Arte.
800.000 téléspectateurs mardi soir pour "28 minutes ", c'est un record. C'est quoi la recette : du talk et pas du tout de show ?
Oui, ça doit être ça. Pas de mélange des genres. De l'analyse, du débat, de la polémique, des invités, des sujets traités en profondeur avec, ça et là, une touche d'esprit et de fantaisie.
Avec de l'humeur ?
Ah oui, énormément !
Un peu d'humour ?
Un peu d'humour tout au long de la semaine et peut-être surtout le vendredi avec nos amis du club qui se lâchent un peu plus.
Ca vous va si on dit que "28 minutes", c'est un peu un "C dans l'air" version intello ?
Si vous voulez.
"C dans l'air" est une émission qui ressemble à "28 minutes"?
"C dans l'air" présenté par Yves Calvi ? Avec énormément de testostérone autour de la table si je ne m'abuse.
Yves Calvi fait des efforts pour équilibrer entre les hommes et les femmes...
Ah il fait des efforts. Je l'aime beaucoup, mais beaucoup, beaucoup de testostérone. Beaucoup d'experts tous un peu taillés dans le même moule. C'est formidable de nous comparer mais on est peut-être encore plus attentif à avoir de la diversité et de la parité.
Vous dites que votre émission c'est de "l'exigence, mais pas d'élitisme". Les sujets sont quand même très pointus...
Ce que vous voulez me dire, c'est que les sujets ne sont pas forcément pointus mais l'actualité est en ce moment compliquée, complexe et tragique. En fait, on épouse l'actualité puisqu'on est une émission d'actualité. Le problème de l'élitisme, c'est de parler en restant perché à 8.000 sans tenir compte des gens qui vous regardent. Ce n'est pas ce qu'on fait. On essaye, on s'astreint à ce qu'il y ait une pédagogie, c'est à dire proposer des passerelles entre nous, les experts et chercheurs présents en plateau et les gens qui nous regardent. Expliquer, décrypter, regarder ce qu'il y a sous les cartes, inlassablement...
Quand on parle des talks à la télévision, il n'y en a que pour "Le Grand Journal", Cyril Hanouna, "C à vous" ou Laurent Ruquier. C'est injuste ou vous vous en moquez ?
Je regarde ça avec beaucoup d'indulgence et d'amusement. Qu'on parle beaucoup de Cyril Hanouna qui fait une énorme audience tous les soirs, tant mieux. Je crois qu'il nous aime beaucoup. Il le prouve d'ailleurs régulièrement en faisant des petits clins d'oeil et des apartés sur l'émission. On n'est pas du tout dans la même catégorie. On est à 20h, on est une émission qui fait une contre-proposition, une contre-programmation. On parle moins de nous. On a l'air plus sérieux mais regardez : l'émission ne cesse d'accroître son audience. Donc finalement, le buzz, on s'en fiche un peu.
Ca ne vous dérange pas ?
Mais pas du tout !
Maintenant que vous faites plus d'audience que Maïtena Biraben, vous seriez intéressée par le poste ?
Oui, les pauvres... Non, je n'ai pas du tout envie de prendre sa place. Je suis extrêmement bien où je suis. Je n'ai pas d'ambition carriériste tel qu'on l'entend avec cette espèce de voracité, d'avidité et de prédation. Je suis bien sur la meilleure chaîne du PAF : Arte. Elle me permet à moi et mon équipe de travailler dans une espèce de jubilation et de liberté totales. Je n'ai pas envie d'en bouger. J'y suis, j'y reste, pour des années !
Le bilan de Vincent Bolloré à la tête de Canal n'est pas fameux pour l'instant. Vous êtes très dure à l'égard de ces grands industriels qui mettent la main sur les médias...
Non, je ne suis pas dure. Juste un soupçon de lucidité.
Vous avez dit récemment que Berlusconi, Bolloré et les autres veulent contrôler l'information ?
Bah un petit peu oui. Ce n'est pas le sentiment que vous avez ? Et puis, ce ne sont pas les seuls. Bertelsmann et tous les autres, la presse écrite... Donc justement, nous sommes nous en position décalée sur une chaîne qui a une ambition qui n'est pas capitalistique ou prédatrice. On est dans un sanctuaire qui s'appelle Arte avec une mission qui est de parler de la Culture, de la France, de l'Europe, de l'actualité dans une forme de liberté et de respect de la pluralité. C'est ça qui compte !
L'indépendance, c'est un privilège qui est désormais réservé au service public ?
C'est un énorme privilège. Peut-être... Mais primo, je ne regarde jamais la télévision. Deuzio, je ne peux parler que de ce que je fais à mon niveau, humblement. Mais oui, il faut se battre pour l'indépendance.
Vous ne regardez pas la télévision ?
Quasiment jamais. Je regarde quelques fois un documentaire sur Arte et monsieur "Belle mèche", Laurent Delahousse, le dimanche soir.
Pas mal d'observateurs pointent du doigt une part de responsabilité des médias dans la montée en puissance du FN lors du premier tour des régionales, vous êtes d'accord avec ça ?
Les médias, en s'abstenant trop souvent de faire un véritable travail de décryptage du programme du FN, en étant dans une posture de sidération voire de fascination vis-à-vis des Le Pen et effectivement en ne se donnant pas assez le courage de contrer, de déconstruire pied à pied et de manière concrète le programme, notamment économique.
Anne Sinclair disait hier dans "C à vous" sur France 5 que les journalistes ne savaient pas interviewer le Front national. Etes-vous d'accord ?
Oui, je pense que ça n'est pas faux. Pour avoir entendu souvent des journalistes et des grands, des très bons, il me semble que sa manière totalement irrationnelle et viscérale d'aborder les questions de la patrie, de l'Autre, de l'étranger bloque, paralyse les journalistes qui perdent tous leurs moyens et ne parviennent pas à l'envisager comme une politicienne normale.
Sur cette thématique là à "28 minutes", vous êtes particulièrement vigilante ? Travaillez-vous de manière différente ces thématiques de la crise identitaire, du Front national ?
On ne l'a pas abordé. On a évoqué les régionales mais nous ne recevons pas d'hommes politiques. Nous ne traitons pas les grands scrutins électoraux de la même manière que les chaînes généralistes. Nous avons un autre genre de cahier des charges. Nous traitons plus volontiers de la France par rapport à ce qui se passe dans d'autres pays d'Europe avec la montée des populismes et aussi la manière avec laquelle l'étranger, l'international nous regardent. C'est ça qui nous intéresse beaucoup.
- Alors on ne va pas se mentir, " 28 minutes " dure en réalité 43 minutes. On finit donc avec une interview "Ces émissions qui portent si mal leur nom", vous nous dites si vous les regardez et les aimez. Même si on a compris que vous ne regardiez pas trop la télé, on va essayer.
"Sept à huit" sur TF1 qui démarre désormais à 18h...
Non.
"50min Inside" sur TF1 ?
Non.
"66 minutes" sur M6 ?
Non. J'aime bien Xavier de Moulins mais je ne regarde pas.
"Le petit journal" de Canal+ qui fait plus d'audience que le grand...
Je ne le regarde pas non plus. Mais on aime bien. On est voisins de couloir.
Donc vous ne regardez vraiment pas la télévision...
Non... Je regarde quelques fois des programmes automobiles sur la BBC. C'est vous dire si je suis à côté.