De beaux résultats. D'après les résultats Médiamétrie publiés ce jeudi, l'interview politique d'Elizabeth Martichoux dans la matinale de RTL a vu son auditoire croître de 13% sur un an, avec un total de près de 1,7 million de paires d'oreilles de 7h45 à 8h. Depuis le début de la campagne présidentielle, la journaliste a su imposer son ton et a interrogé l'ensemble des prétendants à l'Elysée. A l'occasion des bons chiffres de la voix de la station rue Bayard, puremedias.com a interviewé Elizabeth Martichoux.
Propos recueillis par Florian Guadalupe.
puremedias.com : Votre interview réalise l'une des meilleures progressions sur RTL, comment l'expliquez-vous ?
Elizabeth Martichoux : Objectivement, on a rallongé le temps, c'était indispensable, ça correspondait à une attente. Tous les invités ne méritent pas qu'on leur accorde une demi-heure tous les matins, mais tous les invités méritent qu'on leur accorde un peu plus de temps. C'est l'un des facteurs de satisfaction des auditeurs.
Quelle est votre recette pour marcher ?
On bosse. On fait en sorte que le casting soit bon. C'est très chronophage, ça prend beaucoup d'attention de prendre les bons invités au bon moment. Dans un cadre concurrentiel comme on l'est, aujourd'hui il y a plus de dix matinales, c'est important d'être sur le coup. Il faut aussi savoir proposer autre chose, c'est pour ça qu'on s'est autorisé de temps en temps d'inviter un chef d'entreprise. Après, on ne va pas sur le terrain de la culture, mais on est sorti du champ du politique. Il faut faire respirer ce quart d'heure.
Mais pensez-vous que cette actualité politique a joué dans les résultats encore très satisfaisants de RTL ?
On augmente le matin, mais aussi sur nos autres programmes. Globalement, la puissance de feu de RTL n'est pas due qu'à l'info. Sur France Inter, ils augmentent surtout sur les tranches d'infos, mais nous, notre force de frappe est l'info et les programmes. Sur la partie info, ce qui nous fait gagner est la cohérence et notre qualité d'offre qui ne sont pas liées uniquement à la politique. On ne produit pas une information élitiste, prétentieuse, donneuse de leçons et partisane.
Vous vous attendiez à un tel résultat sur votre tranche ?
On l'espère toujours ! Mais on n'a pas réuni tous les ingrédients marketing et populaires pour dire que ça va marcher. Après quand on bosse comme je bosse moi, on espère toujours que ça porte ses fruits.
Qu'est-ce qui vous différencie des autres intervieweurs ?
Je n'interviewe pas en fonction des autres. J'essaye de ne pas faire d'effets de manche. Je ne me mets pas en avant, ce n'est pas mon tempérament, ce n'est pas mon style. Ce sera peut-être un jour ma limite, mais c'est quelque chose que je ne sais pas faire. Je ne trahis pas mes questions en disant qu'elles sont plus importantes que les réponses. Ce qui m'intéresse est de faire à la fois une interview intelligible et accessible à tous. Je le fais avec mon style personnel, la sobriété et le rythme. Mais je ne cherche pas à briller, à faire le buzz. Je cherche à mettre en avant les qualités, le propos, les programmes des invités. A partir de là, j'essaie de tricoter une interview qui soit vivante, rythmée et assez sobre.
En pleine période d'élection présidentielle, avez-vous le sentiment d'être attendue au tournant chaque matin ?
Un peu, par les invités et les auditeurs. Ils nous écoutent pour essayer de faire leur choix. C'est encore plus important avec le niveau d'indécision qui est historique à quelques jours d'une présidentielle. Les auditeurs sont attentifs à ce que l'on traite de façon équitable les invités, que l'on ne soit pas pris en défaut sur le fond et pas partisan. Tous les matins, c'est un défi ! Puis, on a une mission en ce moment, compte tenu de la façon dont les journalistes sont traités, il faut faire très attention à ce qu'on fait.
D'ailleurs, en tant que journaliste, quelles ont été les plus grosses difficultés lors des entretiens avec les candidats à la présidentielle ?
Les réunir tous sur cette dernière période. RTL est la seule radio à avoir eu tous les candidats en chair et en os, pas leurs représentants. Il faut donc arriver à les convaincre, à faire en sorte qu'ils viennent, à leur trouver un créneau. Ensuite, plus antérieurement sur cette campagne, c'est l'équilibre. C'est un défi que nous met le CSA dans les pattes, qui est excessivement contraignant. En partant du 20 mars jusqu'à aujourd'hui, l'exercice aura été extrêmement périlleux et compliqué à réussir. Enfin, ce qui est difficile, c'est la façon dont les candidats traitent les médias. On s'est quand même fait engueuler par tous les candidats à un moment donné. Ils nous remettent en cause, ils ont des tons menaçants.
Il y en a eu un avec qui l'exercice était plus difficile que les autres ?
Pour moi, ça glisse comme sur les plumes d'un canard. Il n'y en a pas un qui m'a déstabilisée. En revanche, ce n'est pas agréable. Nous, les intervieweurs, sommes là pour les interroger, pour les pousser dans leurs retranchements et pour les faire préciser leur programme. Mais ils ont besoin de nous ! C'est pour ça qu'ils viennent tous sur la première radio de France, parce que ça reste pour eux une tribune importante. Même Mélenchon, qui fait des pieds et des mains pour contourner les médias traditionnels, il y est. D'ailleurs, après avoir fait des simagrées pendant trois semaines, ce soir il est bien sur France 2. Donc, ils nous bashent, ils nous critiquent, ils cherchent à nous contourner, ils ne répondent pas aux sollicitations, ils ne répondent pas aux questions, ils nous engueulent pendant l'interview... Franchement, on a connu des climats plus apaisés avec des candidats à la présidentielle.
Ce matin, François Fillon a dit à votre micro que ce n'était pas aux médias de décider des questions. Il vous avait imposé des conditions pour cette interview ?
Absolument pas. Il ne nous a imposé aucune question. Ce n'est pas à lui d'imposer des questions, c'est à nous de poser des questions ! Il le savait très bien en disant ça ! C'est lunaire... Qu'il récuse un journal, honnêtement, sa réponse a été extrêmement cash ! Mais elle pose un problème démocratique. S'il commence à choisir les organes de presse... Mais Mélenchon, il a fait pareil. Il n'est pas venu en matinale sur RTL du 28 août, mes débuts, à il y a quinze jours. On n'est pas des punching-balls. Si on tape sur les médias pour gagner des électeurs, il y a un petit souci.
Certains candidats ont refusé de se rendre à des matinales, comme celles de Patrick Cohen ou Jean-Jacques Bourdin. Les matinaliers ont alors lu les questions qu'ils avaient préparées à l'antenne en l'absence des invités. Qu'en pensez-vous ?
Jean-Jacques Bourdin a cru comprendre que François Fillon voulait éviter ses questions. C'est vrai qu'avec l'histoire du "Monde", le candidat semble choisir ses questions. Il y a eu aussi une défection du côté de France Inter, avec Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Ils ont eu tout à fait raison, quand on est ouvertement boycotté et si on est honnête. On n'est pas obligé non plus de se victimiser et d'aller sur le bûcher. Mais en l'occurrence, quand on a la nécessité d'équilibrer les temps de parole, ça pose un problème que les auditeurs n'entendent pas le candidat sur les grands médias.
Vous aviez participé pour RTL au débat de TF1 de la primaire de la droite, vous auriez aimé participer au débat d'entre-deux-tours ?
Depuis que l'ORTF existe et que TF1 est privatisée, ce sont les deux chaînes. Maintenant, je le regrette. Je ne me suis pas posé la question, car elle ne se posait pas. Après, bien sûr, j'aurais aimé animer le débat d'entre-deux-tours, c'est excitant. Même si on sait que c'est un exercice contraignant, parce qu'il faut respecter le temps de parole. Ce sont des moments de densité, de dramaturgie qui sont formidables. On me l'aurait proposé, j'aurais été contente.
Est-ce qu'avec de telles audiences sur RTL, les auditeurs sont assurés de vous retrouver la saison prochaine ?
Je n'en ai pas parlé avec mon patron. Ce n'est pas moi qui vais faire un "entretien d'embauche" en direct, comme dirait l'autre.