Interview
Énora Malagré : "Pourquoi je quitte TPMP"
Publié le 14 juin 2017 à 19:51
Par Julien Bellver
L'ex-chroniqueuse de Cyril Hanouna se confie à puremedias.com.
Enora Malagré, les raisons de son départ. Enora Malagré, les raisons de son départ.© C8
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Après sept saisons en tant que chroniqueuse dans "Touche pas à mon poste", Enora Malagré a choisi de quitter l'émission qui a fait son succès. Silencieuse depuis son départ, elle explique à puremedias.com les motivations de sa décision, prise quelques jours après le canular homophobe qui a déchaîné les passions, et la lourde sanction du CSA envers la chaîne dans deux affaires antérieures.

Vous avez choisi de quitter "Touche pas à mon poste" il y a quelques jours. Pourquoi ?
Pour deux raisons. La première, cela faisait un moment que je ne me sentais plus à ma place dans l'émission, que je ne la trouvais plus. J'avais déjà donné plusieurs signaux d'alerte pendant la saison. J'ai changé, l'émission a changé, Cyril a changé. On a tous évolué, pas forcément sur le même rythme, on ne parlait plus trop la même langue. Je sentais que mes interventions n'intéressaient plus vraiment Cyril. Donc j'ai pensé que je n'avais plus grand chose à proposer et qu'il était temps de laisser la place aux jeunes. Un septennat, c'est long ! Il valait mieux que je parte avant de devenir très mauvaise ou de m'ennuyer. Il y a eu aussi ce conseil de classe dans l'année, qui a été dur à vivre, j'ai un peu pleuré. J'ai trouvé cette séquence difficile, injuste - Cyril Hanouna lui a dit qu'elle n'avait pas d'avenir en tant qu'animatrice, ndlr -. Mais je n'oublie pas que cette émission m'a faite, elle m'a tout apporté. On ne va pas se mentir, je dois tout à Cyril.

Et la deuxième raison ?
Ce canular, évidemment, que certains ont jugé homophobe. Ce qui m'a dérangé, c'est une réaction, la mienne. Moi-même, qui suis très militante, je me suis retrouvée à rire. Dans cette émulation de bande, j'ai complètement oublié mes valeurs. Ce canular était une erreur, collective, il fallait en tirer les conséquences. On a senti après l'émission qu'il y avait un problème, on s'est posé la question. Mais on se sentait porté par la liberté d'expression et l'absolu nécessité de pouvoir rire de tout. Sur ce, nous sommes allés nous coucher. Le lendemain, il y a eu la déferlante, justifiée.

"Si je ne peux plus m'exprimer, on arrive au bout de l'aventure. C'était le moment de partir, puisque nous n'avions plus rien à nous dire. Ces sept années ont changé ma vie." Enora Malagré

Comment avez-vous vécu la séquence en plateau ?
Je m'en veux d'avoir ri à quelque chose qui n'était pas drôle, qui peut s'apparenter à de l'homophobie ordinaire. Le lundi, j'étais prévue sur le plateau, j'ai fait part du discours que je voulais avoir. Puis on m'a annulé une heure avant l'émission. Je ne sais pas pourquoi, on m'a dit qu'il y avait trop de monde en plateau. J'étais déçue, je voulais m'exprimer, en parler avec mes camarades. Il n'y a rien de mieux que le débat ! Je voulais faire mon mea culpa, discuter avec eux de leur ligne de défense. Je comprends qu'ils se sentent victimes d'un acharnement médiatique. Mais peu importe, cela n'enlève pas que ce qu'on a fait. Ce n'était pas très malin. Mais je tiens à dire une chose, Cyril Hanouna n'est pas homophobe.

Vous n'avez pas pu faire vos adieux aux téléspectateurs...
La semaine suivante, j'ai eu le tournage de "Fort Boyard", et après il y a eu le week-end de quatre jours. Le lundi, j'étais prévue sur le planning, j'avais tweeté. J'étais contente de pouvoir enfin en parler. Mais on m'a dit que si je venais pour parler de cela, ce n'était pas très à propos, qu'ils avaient envie de passer à autre chose. Si je ne peux plus m'exprimer, on arrive au bout de l'aventure. C'était le moment de partir, puisque nous n'avions plus rien à nous dire. Ces sept années ont changé ma vie, je tenais à partir en bons termes. Je ne voulais pas prendre l'antenne en otage pour faire mes adieux, je ne suis pas Dalida, on s'en fout (rires). Une vidéo, c'était propre, c'était bien. Elle a été parodiée, c'était drôle... Parce que, honnêtement, comme le dit la chanson, "on s'en bat un peu les couilles"...

Vous êtes très engagée dans la cause gay. C'était impossible de continuer après ça ?
Je ne vais pas vous mentir, 80% de mon environnement homosexuel m'a reproché d'avoir participé et d'avoir ri à cette séquence. J'ai accepté les remarques. J'aurais juste aimé qu'on s'excuse rapidement, c'est tout. C'était une bonne occasion de réfléchir tous ensemble à ce qu'est l'homophobie, on connaît les chiffres. Ce départ, ce sera pour moi l'occasion de m'engager encore plus dans cette cause. Je suis un peu honteuse d'avoir participé à cette séquence....

Comment en est-on arrivé là ?
Collectivement, on ne s'est pas posé la question. On a le droit de rire de tout, il faut arrêter ! En revanche, on doit réfléchir à la façon dont on peut blesser les gens. On a sous-estimé les conséquences de ce qu'on était en train de faire. Sur le coup, on pense à quelque chose de potache. Mais on n'a pas préservé les gens qui nous ont appelés ! Fake ou pas fake, peu importe, ce n'est pas le sujet. Le message envoyé à nos jeunes, c'est qu'on ne les préservait pas. Cyril a pris la mesure de tout ça, cela l'a blessé. Parce qu'il a fait d'autres choses, il y a eu des couples gays qui criaient leur amour dans "TPMP" ! Il a été et nous avons été un soutien du mariage pour tous.

"Est-ce que cette saison n'a pas été celle de trop ? Je me pose encore la question. Je ne suis pas convaincue d'avoir fait professionnellement une bonne saison." Enora Malagré

Vous comprenez la décision du CSA, qui ne concerne pas cette affaire, mais deux précédentes ?
La censure, l'ordre moral, ce n'est pas mon truc. Sur la première affaire avec la caméra cachée, je comprends la décision. Ils sont allés trop loin, laisser Matthieu toute une nuit pensant qu'il était en train de couvrir un meurtre... En revanche, la décision sur Capucine, je la comprends moins. On peut penser qu'il y a eu du sexisme... Moi, je joue souvent à chat-bite avec mes camarades autour de la table, lors de séquences qui ne sont pas diffusées. Ce n'était pas une agression sexuelle, on était dans la blague. La première concernée, c'est Capucine. A-t-on demandé à Capucine si elle s'était sentie agressée ? Je crois que oui et la réponse a été non. Mais qu'on soit d'accord ou pas, le CSA est une institution qu'il faut respecter, elle n'est pas là par hasard. Ils ont frappé fort, ils ont probablement voulu en faire un exemple.

Cette sanction va-t-elle avoir un effet positif sur l'émission ?
Je pense, oui. Ils montent tous au créneau mais après une telle sanction, l'heure doit être à l'apaisement, arrêter d'en parler, et réfléchir à comment on peut faire une télé tout aussi libre et amusante sans se planter de message.

Vous n'êtes pas la seule à quitter "TPMP". Thierry Moreau l'a fait avant vous. Certains vous accusent de quitter le bateau quand il tangue...
Peu de gens, pour être honnête. Moi je suis présente depuis sept ans, j'en ai connu des tempêtes. J'ai toujours été là, dans l'adversité. Toujours. On ne m'entendra jamais cracher sur Cyril, je lui dois bien trop. A l'époque de "Society", des nouilles dans le slip... J'ai été solidaire. Mais il y a aussi Enora Malagré, seule, qui a des valeurs, fatiguée par cette année. Etre chroniqueuse dans "TPMP", ce n'est pas simple. J'ai envie de proposer autre chose, j'évolue.

Vous craigniez la saison de trop ?
Oui, évidemment. Est-ce que cette saison n'a pas été celle de trop ? Je me pose encore la question. Je ne suis pas convaincue d'avoir fait professionnellement une bonne saison. Je ne suis pas sûre d'avoir apporté quelque chose à l'émission. Je ne sais pas non plus si "TPMP" m'a apporté des choses cette année.

Quel est l'état de vos rapports avec Cyril Hanouna ?
Très bons même si on n'échange plus depuis un moment. Oui, j'aurais aimé un bouquet de fleurs après mon départ, mais j'ai eu un joli texto ! (rires)

Avez-vous des nouvelles de Matthieu Delormeau ?
Pratiquement tous les jours, oui. Il se pose des questions sur son avenir, à "TPMP" et plus généralement à la télé. Je pense que Matthieu aura des choses à dire, il prend son temps. Matthieu est sensible, il a beaucoup donné de sa personne pendant deux ans. Quand il décidera de parler, ce sera intéressant de l'écouter.

"J'étais dans une hystérie personnelle, d'antenne, je me suis retrouvée, parfois, à créer des inimitiés pas vraiment nourries pour faire le show, exister." Enora Malagré

"Touche pas à mon poste" hystérise beaucoup les médias, les observateurs. Comment l'expliquez-vous ?
Une chose en entraîne une autre. Cyril est successful, "TPMP" a été le premier talk pendant quasi cinq ans. Parler de Cyril, c'est croquer dans le succès. Les polémiques, c'est pareil, ça fait vendre. Et il y a la personnalité de Cyril, atypique, l'un des rares animateurs à n'avoir relativement rien à foutre de ce que les gens pensent, mis à part son public. Cela peut agacer, mais fasciner aussi. C'est aussi un garçon énigmatique, on ne sait pas grand chose de lui. Même si on aperçoit derrière le bouffon au sens noble le chef d'entreprise et l'homme d'affaires qui, pour le coup, est beaucoup moins fun. Tout cela participe de cette petite légende qu'il est en train de se construire. Même si j'y crois assez peu, cela peut lui éclater un jour à la tronche. Il est beaucoup plus malin qu'on ne l'imagine. Il sait très bien où il va, je n'ai jamais vu quelqu'un capter à ce point les tendances de la télé, il se relèvera de tout.

Vous prenez votre part de responsabilité dans cette folie médiatique autour de l'émission ?
J'y ai largement contribué, comme d'autres. On est devenu des personnages de télé-réalité, c'est l'une des raisons de mon départ. Je comprends ce tournant, mais moi qui n'aime pas ce genre à la télé, je me trouvais de moins en moins à l'aise dans ce rôle. Certains mois, je me prenais une polémique par semaine. Je suis devenue une caricature, sans m'en rendre compte. J'étais dans une hystérie personnelle, d'antenne, je me suis retrouvée, parfois, à créer des inimitiés pas vraiment nourries pour faire le show, exister.

Ce n'était jamais sincère ?
Si, au début, c'était sincère. J'avais aussi la possibilité de proposer une analyse derrière mes vindictes. Mais un jour, je me suis dit, "à part gueuler, qu'est-ce que tu proposes ?". Réponse : pas grand chose ! (rires) Même si parfois, j'avais la possibilité de retrouver mon cerveau, je ne le faisais pas. Je suis devenue un peu feignasse... J'arrivais sur le plateau en me disant, "je vais bien trouver un petit coup de gueule dans la pocket gauche d'Enora !".

Vous étiez sensible aux critiques sur les réseaux sociaux ?
Ce que j'ai pris dans la tronche, qui n'était pas forcément justifié, ça fragilise. Si j'avais lu les réseaux sociaux, je me serai pendue quatorze fois, ma mère se serait mise sur le trottoir une douzaine de fois avec les insultes qu'elle a pu recevoir... Les réseaux sociaux, c'est le jeu. Mais quand ton entourage personnel commence à te regarder avec, parfois, un peu de honte, ou une très grande incompréhension, tu te poses de sérieuses questions. Mes parents, cela fait un an qu'il me disent que cela doit s'arrêter. Ce n'est pas Cyril ou "TPMP" mais c'est moi, Enora... Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je propose ? J'étais devenue une coquille vide.

"La notoriété, c'est un poison, cela nourrit mal ton égo. C'est de la sale nourriture. Il faut être entouré, structuré psychologiquement pour encaisser le choc." Enora Malagré

Cyril Hanouna produit beaucoup d'émissions. Mais il a du mal à développer ses talents en dehors de ses propres émissions, comme vous avec "Derrière le poste"...
A part ses propres émissions, peu d'émissions fonctionnent c'est vrai. Peut-être parce qu'on se plante, même si Camille Combal cartonne en pré-access. Je pense que c'est très difficile d'être animateur et producteur en même temps. Bien qu'il m'ait dit que je n'étais pas une bonne animatrice, il m'a produit pendant cinq ans ! Et je l'en remercie.

L'émission devrait être recentrée sur les médias à la rentrée. C'est une bonne idée ?
Je crois. Mais j'espère qu'ils ne perdront pas l'ADN de l'émission : parler de médias tout en déconnant et en mettant des perruques. Souvenons-nous de "Nulle part ailleurs" qui pouvait parler de ce qui se passe en Somalie tout en invitant dans la nano-seconde Jango Edwards qui se mettait de la mousse à raser sur le zizi.

Vous êtes un "faire-valoir" pour Cyril Hanouna ? C'est ce qu'écrivait Libération dans votre portrait en 2014.
Je ne l'ai jamais vécu comme ça. J'ai eu la sensation, même si c'est prétentieux, d'avoir été importante au bon fonctionnement de l'émission. Et puis à un moment plus. C'est bien d'avoir ressenti que je n'étais plus, car je ne l'ai jamais été. Je me suis perdue pendant quelques mois, j'ai pensé que j'étais indéboulonnable. Enorme erreur. Personne ne l'est, personne n'est essentiel, tout le monde est remplaçable. A part les Hanouna, Ruquier, Barthès. Moi, je ne suis rien, et il était temps que je m'en rende compte, vraiment. Donc ce désamour m'a aidé.

Qu'est-ce qui a changé, entre le "TPMP" version France 4 et le "TPMP" 2017 version C8 ?
La notoriété, la machine à broyer télé. Personne ne s'y attendait. J'ai commencé à prendre la mesure de ce tourbillon quand je suis partie en province, qu'on a rencontré des gens qui nous demandaient des selfies. J'ai été happée, aspirée. Cela a emmené le meilleur de moi mais aussi le moins bon, cela m'a beaucoup isolée. La notoriété, c'est un poison, cela nourrit mal ton égo. C'est de la sale nourriture. Il faut être entouré, structuré psychologiquement pour encaisser le choc. Et arrêter de se prendre pour ce qu'on n'est pas. On n'est rien, ne l'oublions pas, on ne fait que de la télévision. Même si Cyril nous a prévenus, j'ai un jour un peu perdu le contrôle. Et puis, il y a quoi après le "poste TPMP" sur un CV ? On a une sacrée image à gérer derrière, à cause de toutes ces embrouilles...

C'est compliqué de rebondir après "TPMP" ?
Etonnamment, moi qui étais persuadée de n'avoir aucun signe de personne, j'ai plein de coups de fil. Je ne peux pas en dire plus, mais j'ai une jolie proposition qui j'espère verra le jour, pour revenir à ce que je suis, ce que j'ai oublié que j'étais et ce que je suis profondément. Rien n'est fait, j'ai des rendez-vous, je ne lâche rien. Je refais des entretiens d'embauche, où je mets une jolie chemise et m'exprime correctement. Le job que j'ai en tête, je le veux absolument, je vais tout faire pour y arriver.

Il y a trois ans, dans Libération, vous vous décriviez comme une "gauchiste déprimée qui attend son Xanax". C'est toujours le cas ou l'élection d'Emmanuel Macron vous a soignée ?
Je suis en début de cicatrisation. J'attends de voir si le médicament fait effet. Je suis plutôt "en marche", j'attends de voir si la marche est belle. J'ai voté aux deux tours, j'ai envie d'y croire. Je ne me sens plus de droite ou de gauche, je suis avant tout très déçue.

Vous regarderez quoi la saison prochaine à 19h, "TPMP" ou "Quotidien" sur TMC ?
Comme je l'ai toujours fait, les deux. J'ai une admiration sans borne pour Yann Barthès, son travail et celui de ses équipes, je l'ai toujours défendu. "TPMP" et "Quotidien", ce sont deux publics, deux cibles qui à mon avis ne se marchent pas dessus. Cela n'a tellement rien à voir ! Je zappe, on a envie de picorer un peu de légèreté chez Baba et on a envie de voir ce que Yann fait au même moment.

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