Jean-Jacques Bourdin adore donner des leçons de journalisme et de déontologie à ses confrères. Il vient sans doute de leur infliger la plus grande, ce matin, face à François Hollande sur BFMTV et RMC. Des mois et des mois que "l'homme libre" attendait ça : faire face au Président de la République. Le journaliste était attendu au tournant par la classe médiatique. Il a démontré ce matin, en trente minutes, qu'on pouvait interroger le président de la République d'une autre manière. Comme n'importe quel ministre ?
Les yeux dans les yeux, face à face, et avec seulement quelques centimètres les séparant, Jean-Jacques Bourdin n'a pas bouleversé son dispositif habituel pour accueillir le Chef de l'Etat. Seul détail rappelant la solennité du moment, la présence des deux drapeaux européen et français incrustés dans le fond vert. Le ton parfois dur, inquisiteur, Bourdin a fait du Bourdin ce matin, à l'anglo-saxonne. "En deux ans, vous vous êtes enfermé dans votre palais, en perdant le lien avec les Français" ; "Parlez aux Français, qu'ils vous entendent !" ; "Vous ne pouvez presque plus descendre dans la rue, vous êtes sifflé, hué, regardez !" ; "Avez-vous commis des imprudences dans votre vie privée ?" ; "Votre comportement a-t-il été digne ?" ; "Vous n'avez aucun regret après ces deux ans"...
Moins technique, plus "politiquement concrète", méthode chère à Bourdin, l'interview présidentielle était rythmée, avec des phases d'accélération pour le mettre face à ses contradictions, et de décélération pour laisser François Hollande s'exprimer sur la longueur. Ou comment le journaliste de BFMTV et RMC a en 30 minutes ringardisé la traditionnelle interview présidentielle, poussant François Hollande à être concis et précis. Il y aura sans doute un avant et un après cette interview pour les confrères de Jean-Jacques Bourdin. Comment pourrait-on imaginer désormais un entretien présidentiel convenu sous les ors de l'Elysée, avec les journalistes sélectionnés ?
Il faut voir dans cet entretien inédit sur la forme la première pierre de la nouvelle stratégie de la communication présidentielle. Une communication moderne (30 minutes avec les auditeurs), ramassée (1h au total), valorisante pour le Chef de l'Etat - toujours meilleur quand il est mis en difficultés - et pour la caste médiatique, de plus en plus critiquée par l'opinion publique.