Interview
Nicolas de Tavernost : "M6 n'est pas une chaîne arrogante"
Publié le 20 juin 2011 à 10:00
Par Julien Lalande
M6 décroche le titre de "chaîne historique" de la saison dans la grande enquête TV Notes 2011 organisée par puremedias.com, RTL et 20 Minutes. Interview de Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6.
Nicolas de Tavernost Nicolas de Tavernost© Crédits : Abaca
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Dans la grande enquête TV Notes 2011 organisée par puremedias.com, RTL et 20 Minutes, M6 décroche le titre de "Chaîne historique" de la saison. Echecs et succès de la saison, télé-réalité, audiences de M6 et de sa petite soeur W9, chaînes compensatoires pour la TNT... Rencontre avec Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6.

A l’issue de l’enquête TV Notes 2011 Puremedias – 20 Minutes – RTL où près de 120..000 votes ont été enregistrés, M6 a été désignée « chaîne préférée » de la saison par les internautes. Selon vous, pourquoi la chaîne bénéficie-t-elle d'une si bonne image ?
D'abord, on aime toujours gagner, ça fait toujours plaisir car tous les jours les équipes se battent pour faire des contenus de qualité et reconnus par le public. La vie à la télévision est faite de hauts et de bas. En ce moment, le lundi est un haut, le mardi est un bas, le mercredi est moyen, le vendredi est formidable. Donc quand il y a une pause où le public reconnaît que l'ensemble est correct, c'est une satisfaction. L'obtention de ce prix repose selon moi sur deux caractéristiques de la chaîne, la recherche de la nouveauté et l'absence d'arrogance.



Sur la télé-réalité, par exemple ?
Oui, c'est un exemple frappant. On a assez vite compris sur M6 que la télé-réalité d'enfermement avait atteint ses limites, on devait passer dans une phase 2, ce que Thomas Valentin (vice-président du directoire du groupe M6 en charge des antennes et des contenus, ndlr) appelle « les magazines de la vie ». Quand on voit le succès de L'amour est dans le pré, c'est très emblématique de ce que nous voulons faire. Quand la cuisine a été remise au goût du jour à l'antenne avec Un dîner presque parfait ou Top Chef, le public a reconnu qu'on avait vraiment travaillé. Sur la catch-up TV aussi par exemple, nous avons été les premiers à y croire et à la développer en fabriquant un service de qualité qui va d'ailleurs évoluer dans les prochaines semaines. Dans les fictions aussi, de manière un peu décomplexée, Scènes de ménages est un succès qui plaît au public, on a voulu innover en programmant une campagne de communication au cinéma, qui a fait sa notoriété sur sa cible.

Justement, M6 se distingue aussi dans la catégorie « Série française de la saison » où elle succède à France 3 et son Plus belle la vie. Vous imaginiez un tel succès, si rapidement ?
Nous, on n'est pas surpris ! C'est une série dont le concept est espagnol, je l'avais vue en Espagne, ça s'appelle là-bas Escenas de matrimonio. Elle a été extraordinairement bien adaptée et bien jouée en France. Quand on fait de la bonne télévision, généralement ça marche. La série est bonne, les textes sont drôles, elle est bien jouée, bien programmée et elle a été bien promotionnée. Ce qui aurait été surprenant, c'est qu'elle ne marche pas. Quelques fois, ça arrive. Je crois que les Français ont besoin de s'amuser un peu. Il y en a une nouvelle qui va arriver cet été, Soda, j'espère qu'elle aura le même succès même si elle est un peu moins large en termes de cible, c'est un peu plus jeune.



Il y a une tendance forte à la télévision que M6 a bien appréhendée : les gens ont besoin et envie de se retrouver des éléments de leur vie. De leur vie de couple dans Scènes de ménages, des éléments authentiques dans L'amour est dans le pré. Pour résumer, les résultats de votre enquête TV Notes disent que les téléspectateurs estiment une télévision à leur image. M6 est une chaîne qui ne se prend pas trop la tête et qui ne fait pas la leçon à tout le monde.

Vous allez développer la série, notamment avec un ou plusieurs primes ?
Oui, il y a plusieurs opérations prévues. D'une part avec des guest stars, d'autre part dans le scénario avec un quatrième couple et un bébé. Et enfin, on va regarder si on peut en faire un prime mais l'objectif reste d'en faire un succès durable à 20 heures. Il n'y a aucune raison qu'on ne fasse pas cinq ou six ans avec la série comme avec Un dîner presque parfait qui est dans sa quatrième année. Le genre est relativement inépuisable, les comédiens le sont mais il y aura bien sûr de nouveaux couples. Scènes de ménages sera programmée au rythme de la production, il n'y a pas de limite, elle est devenue un standard de la chaîne.

Revenons un peu sur la saison de M6. Quels sont pour vous les trois temps forts de la chaîne en termes de programmes ?
Le journal de 19h45 qui a fait sa percée cette année, notamment avec Xavier de Moulins, il s'est installé. Deuxièmement, on en parlait, Scènes de ménages et bien sûr L'amour est dans le pré. On a eu quelques insatisfactions comme X-Factor, qui est d'ailleurs difficile à comprendre ou à analyser. Est-ce que c'est le genre qui est fatigué ou est-ce que c'est l'émission qui n'était pas adaptée... Elle marche par exemple très bien en Belgique.



Justement, quelle est votre analyse de cet échec ?
Quand on regarde à l'étranger, le genre n'est pas fatigué. Je pense que quand même à l'oeil, voire à la voix, ce type d'émission souffre d'une certaine forme de répétition, peut-être qui sature le public. C'est ma seule explication avec le nom, X-Factor, qui devait être un peu troublant. Quand on avait fait Popstars ou A la recherche de la nouvelle star, on ne pouvait pas dire que c'était un coup de génie ! Il y a d'ailleurs une anecdote à ce sujet. A TF1 quand ils ont vu le titre A la recherche de la nouvelle star, quelqu'un a dit très drôlement "le monsieur qui fait les titres chez M6, il doit être en vacances !".

X-Factor, c'est terminé ?
Non, il y aura une nouvelle saison de X-Factor ou Nouvelle Star, on hésite encore entre les deux formats.

Le succès de L'amour est dans le pré traduit-il chez les téléspectateurs une envie d'une nouvelle forme de télé-réalité ?
Finalement, le public est peut-être plus intelligent que les programmateurs, il veut revenir à ce qui fait l'essence même de la télé-réalité. La télé-réalité, c'est initialement une télévision qui ressemble aux gens et qui sonne juste. La télé-réalité d'enfermement, c'est devenu progressivement des personnages qui jouent un rôle, des personnages de composition. Les téléspectateurs privilégient l'authenticité.

C'est l'antithèse de Carré ViiiP qu'on a pu voir cet hiver sur TF1 ?
Absolument.



Un format de télé-réalité est dans les tuyaux sur M6, basé sur les relations amoureuses avec une fille qui cherche l'amour, ça va être dans ce même esprit ?
J'espère... Je ne peux pas en dire plus. Je peux vous dire simplement : c'est plus jeune et plus chaud ! (Lire notre info : cliquez ici)

A propos d’audiences, M6 a connu un mois de mai difficile, sous les 10%. C’est arrivé deux fois ces derniers mois. Après l’extinction de l’analogique, est-ce que M6 s’inscrira durablement au-dessus des 10% ?
C'est un objectif important, je rappelle que M6 a été la seule chaîne depuis le début de l'année à augmenter de 0,1 point sa part d'audience. Après, il y a des fluctuations du fait de la concurrence. Il y a des jours comme hier (jeudi, ndlr), où on peut se retrouver avec de la fiction française à 8,7%. L'essentiel, c'est de regarder la tendance. Notre objectif est d'être durablement, pour les 4 ans et +, au-dessus des 10%. Et j'ai bon espoir qu'il puisse être tenu ! Deuxième chose, il faut bien savoir que quand on met du télé-achat par exemple, ça ne vise pas à faire de l'audience. Nous avons aussi un certain nombre d'obligations musicales en daytime qui ne visent pas à faire une forte audience. Pour nous, l'essentiel est de regarder le midi-minuit. Et là, on est bien.



Il faut donc résister, c'est la priorité ?
En termes de résistance, M6 sera la chaîne qui résistera le mieux. Maintenant, à nous de chercher les bons programmes. Le lundi et le vendredi par exemple, ce sont deux jours où on est à plus de 13%, ça montre que c'est possible. Et avec des programmes qui ne sont pas exceptionnels. C'est facile d'être à 13 avec l'équipe de France. Et encore, quand elle gagne... Ou quand on a un très grand film. On a construit une avant-soirée solide : le Dîner, 100% Mag, le journal, Scènes de ménages. Il n'y a aucune raison que ça flanche. A nous maintenant de trouver les bons primes. Le mois de mai a été pénalisé par deux choses. L'échec relatif de X-Factor, ça nous est imputable. Puis l'actualité. Provisoirement, il y avait un show de télé-réalité qui s'appelait l'affaire Strauss-Kahn, il a pris la vedette sur les vrais shows de télé-réalité, c'est de la concurrence déloyale d'ailleurs ! (rires). Vous verrez, de janvier à juin sur le premier semestre, M6 a progressé et n'a pas régressé.

Votre objectif est aussi de rester devant France 3 ?
Non, ce n'est pas un sujet. France 3 a une logique qui est différente de la nôtre même si on est toujours content quand on est devant quelqu'un ! Mais France 3 n'a pas de publicité après 20 heures, la grille est construite différemment. Et sur les moins de 50 ans, ils sont très loin derrière nous.



W9 aussi a quelques soucis d’audience depuis cet hiver. L’audience est en chute, contrairement à TMC et NT1 qui progressent chez votre concurrent TF1. Comment l’expliquez-vous, l’absence d’un événement comme Dilemme a-t-il pu affaiblir la grille ?
Non, il y a des phénomènes saisonniers, ils font notamment des remplacements de séries actuellement. En ce moment, il y a pas mal d'épisodes des Simpsons, qui ne sont pas les meilleures années. Après, il y a eu une programmation de films un peu moins ambitieuse. On va avoir un très bon lineup sur juin-juillet, il n'y a pas d'inquiétude et on reste première chaîne sur les moins de 50 ans.

TMC est passée leader sur les ménagères le mois dernier...
Oui, à 0,1 point. Donc là aussi, même remarque, ça fluctue tous les jours ! L'embêtant, c'est que vous êtes beaucoup d'analystes à scruter les audiences et bientôt, heure par heure, on va devoir faire des communiqués ! L'essentiel est de regarder les tendances. Sur une longue période, W9 a progressé par rapport à l'année dernière. Elle a des concurrents qui partaient de plus bas, comme NT1. Quant à TMC, on a toujours considéré que ce n'était pas des manchots ! On a une programmation qui va s'enrichir fortement sur W9 en 2012.



On voit depuis quelques jours que le mercato s’intensifie. Généralement, M6 y participe pas ou peu. Vous allez déroger à cette règle ou vous avez tout ce qu'il vous faut ?
Ca ne nous suffit jamais ! On travaille sur des pistes nouvelles d'animateurs, des gens nouveaux.

Des promotions internes ou des recrutements extérieurs ?
Des gens nouveaux ! On aura l'occasion d'en reparler plus tard, il y a des discussions pour l'instant avec certaines personnes. Il y aura de nouvelles têtes sur M6 dans le second semestre 2011. Moi je n'aime pas beaucoup le phénomène de la rentrée, on ne fait pas la rentrée des classes ! Entre maintenant et le mois décembre, il y aura de nouvelles têtes sur M6, je vous le promets.

Eric Naulleau et Eric Zemmour vont animer une émission politique sur Paris Première, en voilà de nouvelles têtes !
Ce n'est pas confirmé mais s'ils sont disponibles, on sera très heureux de les accueillir sur Paris Première, une chaîne d'expression libre !

Justement, Eric Zemmour a été condamné pour provocation à la haine raciale. Cela ne vous gêne pas qu'il puisse s'exprimer sur l'une de vos antennes ?
C'est un journaliste, il reste journaliste, il travaille sur d'autres antennes que la nôtre, il a du talent, il n'y a pas de raison qu'il ne puisse pas s'exprimer ! Evidemment sous réserve de respecter les lois et les règlements ! Nous serons bien évidemment très vigilants là-dessus.



La saison 2011-2012 sera marquée par la campagne présidentielle. M6 prévoit-elle une offre spécifique ? Vous l'aviez tenté en 2007 avec le magazine présenté le dimanche après-midi par Estelle Denis
On y travaille, on ne sera pas les plus actifs sur ce sujet. On a un accord RTL/MSN/M6 pour faire beaucoup de choses sur Internet, on réfléchit à des émissions mais cela ne sera pas l'axe principal du groupe M6.

M6 est-elle attendue par ses téléspectateurs sur le terrain de la politique ?
Non, pas vraiment. Mais M6 peut faire ce qu'elle sait bien faire, les explications sur les programmes des différents candidats. En plus il y a des règles assez rigides, vous devez avoir une égalité de traitement entre tous les candidats. Or, il y en aura beaucoup et c'est compliqué pour une chaîne généraliste comme la nôtre.

L'Euro de foot arrive la saison prochaine, vous avez bon espoir de décrocher les droits avec TF1 ?
On a fait une offre, maintenant c'est à l'UEFA de se décider. L'offre à 50/50 avec TF1 nous paraît assez solide, elle tient compte de la réalité du marché. C'est une offre inférieure au précédent appel, qui était de 50 millions d'euros par chaîne.

Le duo Jean-Michel Larqué et Thierry Roland va-t-il se reformer ?
S'ils le souhaitent, nous les accueillons ! Il y a un match le 7 septembre, s'ils le veulent, ils sont les bienvenus ! Et je pense que le public sera très heureux de les retrouver, mais il faut que l'équipe de France gagne aussi !

Dernière question : les chaînes compensatoires. Militez-vous toujours pour un report de leur lancement ?
Notre analyse est d'une simplicité biblique ! Il y a 19 chaînes gratuites de télévision en France. Nous pensons qu'il y a une offre très large dans un marché qui ne grandit pas en ressources, que ce soit la redevance ou la pub. Mieux vaudrait améliorer la qualité des chaînes qui existent aujourd'hui, qu'elles se renforcent, plutôt que de multiplier l'offre qui est souvent une offre de répétition, une offre de programmes déjà vus. Voilà, c'est notre position y compris pour les chaînes bonus auxquelles nous avons droit. Si tout le monde était raisonnable, on améliorerait ce qu'on a.



Si le choix est d'en créer de nouvelles, nous avons des projets qui sont mûrs et que nous soumettrons. Les choses sont simples, raisonnables ! J'entends souvent dire "Plus il y a de chaînes, mieux c'est !". Ce n'est pas vrai, sinon tous les Français seraient abonnés à Canalsat. Quand on a 100 ou 200 chaînes, ce n'est pas leur nombre qui fait la qualité des programmes. Par contre, la ressource est indispensable pour une certaine forme de qualité. Les chaînes qui n'ont pas d'argent ne peuvent pas faire de programmes. Certains ne partagent pas ce point de vue, en imaginant des trésors cachés de ressources... Aux pouvoirs publics de trancher ! Et nous, on s'adaptera.

Le marché publicitaire sera-t-il prêt un jour ?
Ce que les gens ne veulent pas comprendre, c'est que le marché publicitaire n'a pas d'élasticité à l'offre, il a une élasticité à l'économie. Dans tous les pays européens, y compris la France, malgré la multiplicité de l'offre, le marché publicitaire de la télévision s'est peu ou pas développé. Ce sont des faits faciles à vérifier ! Tous ceux qui disent le contraire mentent ! Si l'économie va bien, il y aura de nouvelles ressources ! Comment la TNT a été financée ? Les gens pensent que c'est miraculeux... C'est parce que le président de la République a décidé qu'il n'y aurait plus de publicité après 20 heures sur la télévision publique ! Les 250 millions d'euros qui sont venus de la télévision publique, ils financent BFM, NRJ 12, W9... S'il n'y avait pas eu cette décision, on allait droit dans le mur !

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