Jean-Marc Morandini n'est pas le bienvenu sur iTELE. La semaine dernière, en annonçant l'arrivée de l'animateur à la tête d'une émission quotidienne sur les médias, la chaîne d'information du groupe Canal + provoquait une crise ouverte avec sa rédaction. Depuis, celle-ci est vent debout contre la venue de celui qui est mis en examen pour "corruption de mineur aggravé".
Mardi,"sous le choc" de cette annonce, la SDJ de Canal + et iTELE appelait à voter une motion de défiance à l'égard de sa rédaction. Le résultat est alors sans appel : la motion est adoptée à plus de 92% des voix, avec un taux de participation élevé. Dans la foulée, n'ayant visiblement cure de la volonté de l'écrasante majorité de ses salariés, la direction d'iTELE réaffirmait fermement dans un communiqué que "la présomption d'innocence est un droit fondamental".
Ulcérée et face à l'impossibilité de dialoguer avec sa direction, la SDJ d'iTELE et Canal+ en appelle aujourd'hui directement à l'animateur dans une tribune publiée ce matin dans les colonnes du "Monde". La requête est clairement exprimée : "C'est avec beaucoup de gravité que nous demandons à Jean-Marc Morandini de ne pas venir sur iTELE". En réponse au communiqué de la direction de Canal, ressenti comme un casus belli en interne, les journalistes d'iTELE rappellent qu'il n'est pas question pour eux "de se substituer à la justice".
"Nous ne sommes pas juge, nous sommes des journalistes. Et c'est justement parce que nous sommes journalistes que nous lui demandons de ne pas venir" précisent-ils avant de rappeler que "depuis des années, une jurisprudence de fait s'est imposée. Elle demande à ceux qui exercent un métier public (...) et qui sont mis en cause de se retirer de leurs fonctions le temps que la justice passe".
Considérant que "le public ne comprendrait pas que les journalistes s'en exonèrent", la SDJ prévient sa direction que "ce serait désastreux pour l'image de la chaîne". Et, alors que Serge Nedjar, le patron d'iTELE, évoquait la semaine dernière le "besoin de faire de l'audience", la SDJ lui répond : "il ne s'agit pas de chercher l'audience à tout prix. Notre image (...) est le socle de notre crédibilité".
Surtout, alors que la direction d'iTELE se borne à croire que seules les affaires judiciaires de l'ex-animateur d'Europe 1 posent problème à la rédaction, la SDJ rappelle à ses dirigeants qu'elle considérait déjà l'image de Jean-Marc Morandini comme entachée "du fait de ses activités de producteur de websérie à caractère érotique" et que "concilier cette image et celle d'une chaîne d'information" ne leur semblait pas acceptable avant même sa mise en examen, expliquant que celle-ci rend désormais son arrivée impossible "même s'il est présumé innocent". De fait, ils considèrent que l'animateur "ne peut pas être la vitrine d'une chaîne d'information aujourd'hui sauf à mépriser ce qu'(ils) sont".
La SDJ en appelle également à sa propre responsabilité morale, arguant que l'arrivée de l'animateur sur iTELE renverrait une image "desastreuse" de la profession de journaliste, "métier déjà suffisamment critiqué pour ne pas en rajouter". Enfin, la SDJ prévient également ses dirigeants que Jean-Marc Morandini "apparaîtrait comme quelqu'un de cynique et méprisant, au-dessus de tout, sous prétexte que son métier et sa notoriété lui donnent du pouvoir", ajoutant que cette "fausse image du journalisme" renvoie "à tout ce qu'ils détestent".
Les journalistes s'interrogent donc : "A quoi bon forcer le passage et venir dans une rédaction qui, aujourd'hui, ne comprend pas qu'il ne s'impose pas ce devoir de retrait ? Il ouvrirait inutilement un conflit", assurent-ils, avant de clore leur réquisitoire en interpellant directement l'animateur : "Pour toutes ses raisons, Jean-Marc Morandini, nous sommes convaincus qu'il est préférable que vous renonciez à votre venue. Nous vous le demandons. Dans l'intérêt de tous".