De notre envoyé spécial à Monaco, Charles Decant.
Elle campe l'un des personnages les plus marquants de cette saison 2011/2012 à la télévision américaine. Dans le double rôle de la méchante reine et du maire de Storybrooke dans "Once Upon a Time", série lancée avec succès sur ABC en octobre dernier et acquise par M6, Lana Parrilla campe celle qu'on adore détester et qu'on déteste adorer. A l'occasion du 52ème Festival de Télévision de Monte-Carlo, l'actrice évoque pour puremedias.com ce rôle jouissif à jouer, dans une série où tous les personnages de contes de fées sont emprisonnés dans le monde réel sans être conscient de leur véritable identité. Elle avoue qu'elle pensait que "Once Upon a Time" ne durerait que deux épisodes et les gros soucis qu'elle a rencontrés quand elle a commencé à tourner sur fond vert ! Entretien.
La série est un succès, pourquoi croyez-vous qu'il y a eu une telle connexion entre elle et le public ?
Je pense que ça marche parce que ce sont des histoires qu'on connaît tous, on a tous lu ces contes de fées ou nos parents nous les ont lus. Il y a énormément de leçons à en tirer. Et puis c'est aussi une série basée sur le rêve, qui permet de s'échapper un peu du quotidien. Ca parle d'espoir, d'amour... C'est quelque chose auquel on peut s'identifier. C'est quelque chose qui manque dans notre société actuelle. On ne met plus du tout ces valeurs-là en avant. Tout ce qu'on voit à la télé, ce sont des drames, des catastrophes... J'adore, le dimanche soir, mettre "Once Upon a Time" et m'évader avec la série. Ca s'adresse aux gens de 8 à 80 ans ! Tout le monde peut regarder, il y a beaucoup d'hommes qui regardent d'ailleurs. Et il y a beaucoup de gays qui rêvent d'être la vilaine reine ! (Rires)
Ah oui ?
J'adore ce costume ! Et j'ai plein d'amis gays que j'adore et qui m'appellent pour me dire "Il faut absolument que je t'emprunte ce costume, envoie-le-moi !!" (Rires) La méchante reine est un peu inspirée d'eux, un petit peu.
Comment faites-vous pour camper ces deux personnages dans deux mondes différents ?
Ce que je fais, c'est que je sépare dans ma tête tout ce qui se passe dans les contes de fées, et tout ce qui se passe à Storybrooke. Et je travaille comme ça, deux scripts en même temps. Et ça m'aide. Puis je trouve un moyen de les réunir. Mais il faut d'abord, dans un premier temps, que je les sépare. Parfois je ne veux pas travailler sur la méchante reine, et parfois le rôle du maire est tellement difficile que je veux m'amuser et je joue la reine.
Laquelle des deux facettes du personnage est la plus agréable à jouer ?
La méchante reine ! Etrangement... En fait, l'instinct premier d'un acteur c'est d'en faire beaucoup, d'en faire trop même, d'être très théâtral. Et je peux faire tout ça quand je joue la reine. Avec Regina, c'est différent. C'est très intériorisé, c'est comme si elle se mettait un masque sur le visage. Tout est enfoui derrière. Il n'y a que les yeux qui bougent. C'est plus difficile à jouer.
Y a-t-il des gens qui vous interpellent dans la rue pour vous dire que vous êtes odieuse, justement ?
Oui, tout le temps ! Et je leur réponds "Merci beaucoup, ça veut dire que je fais bien mon boulot !". On me dit "Vous êtes une garce épouvantable, tellement odieuse !". Je réponds "Merci, c'est un joli compliment !".
Vous partagez pas mal de scènes avec Jared Gilmore, qui campe votre fils adoptif Henry dans la série...
J'adore sa bouille ! Je l'embrasse tout le temps ! Je lui ai dit un jour que je devais être tellement méchante avec lui quand je suis dans mon personnage que, hors caméra, j'allais être obligée de lui faire des bisous et de l'adorer autant que possible. Je ne veux pas qu'il croie que je suis vraiment odieuse ! (Rires) Je pense que Regina l'aime vraiment profondément mais lui ressent le vide qu'il y a à l'intérieur d'elle. Et elle fait de son mieux pour l'aimer, elle s'accroche à lui mais c'est toujours pareil : quand on s'accroche trop à quelqu'un, la personne vous glisse entre les doigts. Et c'est ça qui se produit. Elle ne sait pas réparer leur relation.
C'est une série un peu complexe, risquée même parce qu'elle mélange le monde des contes de fées et le monde réel. Quand vous avez lu le script, avant même de signer, étiez-vous inquiète quant à la capacité des créateurs à se tenir à ce concept sur une saison, et même sur plusieurs saisons ?
Honnêtement, je ne pensais pas que la série durerait. Mais je me suis dit "Je m'en fous !". Le script était tellement bon que je ne pouvais pas dire non ! Et puis, je suis une ancienne maintenant, c'est ma septième série, je fais de la télé depuis 15 ans. J'ai vu beaucoup de bonnes séries, comme "Swingtown" par exemple, qui était une de mes préférées, qui n'ont pas fonctionné. Pourquoi ? Elle était tellement bien ! Donc me revoilà, je lis un script extraordinaire et je me dis que ça ne marchera pas, que ça durera un ou deux épisodes. Mais ça n'avait pas d'importance. C'était la chance d'une vie de jouer un rôle comme celui-là. Il était hors de question que je passe à côté. Et quand ABC a commandé la série, j'étais tellement surprise ! Je me suis demandée si on allait pouvoir continuer à faire des épisodes d'aussi bonne qualité et ça a été le cas. Et là, on a une saison 2 ! Ca ne m'est pas arrivé depuis dix ans, j'ai énormément de chance. Je suis choquée, mais en même temps pas du tout parce que les scénaristes sont excellents. Et après avoir écrit pendant six ans pour "Lost", ils savent écrire des séries à succès. J'ai une confiance énorme en eux.
Vous avez déjà des informations sur la saison 2 ?
Aucune. On ne m'a rien dit. Mais je n'ai rien demandé ! Ce que j'aimerais, c'est que Regina répare sa relation avec Henry. Elle est très importante pour moi, pour le personnage et pour le public aussi.
Et puis c'est un peu la seule qualité du personnage, la seule chose qui la rend vraiment humaine...
C'est vrai. Et beaucoup de mes amies qui ont adopté m'ont appelée pour me dire qu'elles étaient heureuse de voir à quel point Regina aime Henry. Les gens ne prennent pas toujours l'adoption au sérieux. Pour moi, il n'y a pas de différence. Bien sûr il y a les liens du sang, mais au final il y a cette petite personne qui dépend de toi. Et depuis dix ans, sa vie est centrée sur lui. Je pense qu'elle l'aime vraiment, mais elle ne sait pas l'exprimer correctement. J'espère qu'elle y parviendra l'an prochain.
Quel personnage aimeriez-vous voir dans la série ?
J'aimerais bien voir Ursula de "La Petite Sirène" mais j'aimerais jouer le personnage et je ne pense pas qu'ils me laisseront le faire ! J'aime aussi beaucoup Boucle d'or et les trois ours. Visuellement, j'ai aussi énormément aimé l'épisode que nous avons fait au Pays des merveilles. Quand j'ai lu le script j'avais hâte de voir à quoi ça allait ressembler et quand j'ai vu le résultat final, c'était magique. C'est pour ça que je voudrais voir Jack et le Haricot magique. Je veux voir ce que ça donnerait.
Vous jouez une méchante reine et vous avez été suivie cette année au cinéma par Julia Roberts et Charlize Theron. C'est un peu la saison des méchantes reines !
Oui, c'est vrai ! C'est comme tout, c'est une tendance, comme dans la mode. Quand on a commencé à préparer la série, j'avais entendu parler des films "Blanche Neige" et "Blanche Neige et le chasseur". Je suis heureuse qu'on soit arrivé avant, parce que ça nous place en position de pionnier. Peut-être qu'on l'est d'ailleurs, j'avoue que je n'ai pas tous les éléments de réponse. Le retour des contes de fées, pour moi, c'est le retour de l'espoir, du rêve, et de la magie. Utiliser son imagination à nouveau, c'est bien. Et ça nous rappelle des souvenirs.
On peut aussi dire que s'inspirer des contes de fées constitue justement un manque d'imagination... On reprend quelque chose qui est déjà connu...
Tout le monde copie tout le monde. Dans la mode, dans l'art, partout ! Mais je crois que la différence avec notre série c'est justement que, comme nous sommes une série, on a 22 épisodes pour montrer plusieurs facettes de ces personnages. On les a rendus plus humains que tout ce que j'ai pu voir ou lire avant. Même dans ces films. Dans "Blanche Neige et le chasseur", l'histoire est identique à ce qu'il y a dans le livre. La différence, ce sont les effets spéciaux, la cinématographique. Quand on lisait ce livre, on ne s'imaginait pas la méchante reine se changer en une centaine de corbeaux qui s'envolent. On ne voyait pas les soldats mourir et se disperser en morceaux de verre. Mais notre série montre un aspect humain que je n'ai jamais vu.
En parlant d'effets spéciaux, vous tournez pas mal sur fonds verts pour les scènes de contes de fées. C'était une expérience nouvelle pour vous ?
Oui, on tourne beaucoup sur fond vert et c'était nouveau pour moi. C'est très déroutant au début. Au sens propre. J'avais des maux de tête au début et je manquais de m'évanouir ! Et finalement j'ai commencé à faire appel à mon imagination d'enfant. J'ai construit des murs dans ma tête, créé une ambiance et un environnement afin de me sentir à l'aise. Sinon j'étais dans un grand aquarium vert. Donc ça a vraiment mis mon imagination en action.
Et quand vous voyez le résultat, vous vous dites "Ah tiens ce n'était pas comme ça que je l'imaginais !" ?
Oui, ça arrive souvent ! (Rires) Et parfois je tombe du balcon parce que je marche sur le plateau, dans le vide ! (Rires). Ils me crient "Non non non tu ne peux pas aller par là !" et je leur demande pourquoi. "Parce que tu viens de tomber du château". "Ah d'accord !" (Rires) Donc il y a du scotch coloré partout.
Le personnage de Regina est un personnage féminin très fort, c'est plus intéressant à jouer ?
Oui, absolument. Je pense que j'ai commencé à me diriger vers ce genre de rôles avec "Swingtown", et ça se répète ici. J'adore ça. J'adore ces séries. Comme dans "Weeds", même si elle est folle, elle est forte. Il y a beaucoup de séries avec des personnages féminins forts.
Il y en a de plus en plus ces dernières années...
Oui, c'est vrai. Comme "Revenge". Madeleine Stowe est fantastique, je l'adore. Et en personne elle est formidable, on a parlé plusieurs fois... Emily VanCamp est excellente aussi dans la série. "Revenge" est une de mes séries préférées.
On dit souvent que les créateurs, les acteurs ont plus de liberté sur le câble, comment vivez-vous le fait d'être sur une grande chaîne comme ABC ?
On est une série produite par Disney, c'est vrai et sans parler de conservatisme, on fait de notre mieux pour garder intacte la classe et l'intégrité des personnages. Je pense que c'est important pour Disney et ça leur réussit depuis de longues années... Et puis on veut s'adresser aussi bien aux très jeunes et aux plus vieux. On ne va pas transformer Blanche Neige en... quelque chose d'autre ! (Rires)