Aux commandes de la matinale de RTL depuis 10 jours, Laurent Bazin doit reprendre le leadership, après deux sondages consécutifs remportés par la matinale de France Inter. Christopher Baldelli, patron de la station, reconnaissait il y a peu une "faiblesse" de la précédente tranche menée par Vincent Parizot. L'ex-anchorman des midis de la station sera-t-il l'homme de la situation pour redresser son prime time ? Rencontre.
puremedias.com : Vous êtes aux commandes de la matinale de RTL depuis dix jours, les fidèles auditeurs sont souvent réfractaires au changement et le font savoir. Avez-vous eu des retours depuis votre arrivée ?
Laurent Bazin : Non, c'est un peu tôt même s'ils disent assez vite quand ça leur déplaît franchement. Il y a tellement de repères qui sont maintenus, peu de modifications ont été faites dans l'équipe. On peut considérer que ce n'est pas mauvais signe si je n'ai pas reçu des tombereaux d'injures par courrier ! Après, le passeur a changé mais ça reste RTL. Des auditeurs se demandent où est Vincent Parizot, ce qui est normal quand vous avez passé quatre ans avec le même type au petit déjeuner !
Au-delà de votre volonté de réaliser une bonne matinale, votre objectif est-il de redevenir la matinale dont on parle, la matinale leader ?
La matinale dont on parle n'est pas forcément, pas toujours, la meilleure matinale ou la plus écoutée. Pour l'instant le buzz est bon mais je ne me le dis pas trop. Mon job, c'est d'être sourd, sauf à l'antenne. Je suis sourd aux sondages, sourd à la situation, sourd aux questions sur la pression. Sorti de la matinale, j'ai une autre vie et je travaille à la matinale du lendemain.
Mais vous avez l'objectif de redevenir la première matinale de France, non ?
Christopher Baldelli a estimé que je pouvais participer à atteindre l'objectif. Cet objectif est de devenir exclusivement leader, mais sans échéance. Moi, j'ai un sentiment de relative tranquilité. C'est RTL, je ne suis pas surpris, ce n'est pas une maison où on met des coups de barre à gauche, à droite, en avant, en bas, au risque de faire partir l'avion en feuille morte. On ne perd pas le contrôle, on modifie et on change certaines choses. On a changé le pilote, ce n'est pas rien mais l'équipage est là, les mécaniciens aussi.
Comment fait-on revenir les auditeurs perdus la saison passée, comment les convaincre de réécouter à RTL ?
D'abord, il faudra un moment pour qu'on sache pourquoi ils sont partis. S'ils sont partis pour des causes conjoncturelles liées à l'hyper-segmentation d'opinion d'une campagne électorale, alors ils vont revenir. Si on fait notre job, ils reviendront vers leur maison d'origine. Ils sont partis à un moment où ils entendaient ailleurs une sonorité qui ressemblait plus à leur opinion. Et RTL n'est pas une radio d'opinion, c'est une radio généraliste qui se fait l'écho des opinions, ce n'est pas la même chose. D'ailleurs, on se rendra peut-être compte que c'était très injuste pour ceux qui ont été critiqués à l'époque. Si ce n'est pas ça, il faut mettre un peu d'épices dans notre info, qu'elle ne soit pas neutre. RTL n'est pas une radio d'opinion mais nous ne sommes pas obligés d'être idiots, dupes, tièdes, ou mièvres ! On peut ne pas émettre une opinion mais dire parfois qu'on se fout de nous !
Les grands leaders des médias sont bousculés, RTL pour la radio, TF1 pour la télévision. Inévitable compte tenu du contexte ultra-concurrentiel ?
Je pense que RTL n'est pas plus fragile que les autres face aux nouveaux médias, elle est même mieux armée. Ce qui est intéressant dans cette nouvelle donne, c'est cette accélération et cette hyper information. Notre différence, en tant que média traditionnel, c'est de faire des choix nets. De dire aux gens voilà ce qui est important, intéressant. Les nouveaux médias envoient de l'info tous azimuts mais parfois, une sur deux est bidon. Si les médias traditionnels se mettent à relayer sans filtre systématiquement tout ce qui sort, on est cuit ! Notre job, c'est le filtre ! Ils attendent de nous qu'on sépare le bon grain de l'ivraie.
L'info sélective, c'est la nouvelle ligne éditoriale d'Europe 1 aussi...
Je crois que c'est le rôle des médias traditionnels, on ne peut pas être différents sur cette notion. Mais nous seront différents avec les infos sur lesquelles on va mettre l'accent.
Marc-Olivier Fogiel confiait récemment à puremedias.com qu'il n'y avait pas de crise à RTL, c'est votre sentiment ?
Je suis d'accord, je ne crois pas à une crise à RTL. Quand le leader se fait gnaquer le mollet, ça attire l'attention beaucoup plus et c'est normal ! Je ne suis pas inquiet pour cette maison, elle a un ADN fort, une identité nette. Elle a peut-être besoin de se réaffirmer.
La réputation de RTL passe beaucoup par la matinale que vous animez, vous en avez conscience ?
Est-ce que je suis conscient qu'un poids immense repose sur mes épaules ? La réponse est oui, je ne suis pas inconscient. Et pour autant, j'ai des patrons qui me font la gentillesse de ne pas me mettre cette pression.
Vous écoutez la concurrence en podcast ?
Honnêtement, non. J'écoutais de temps en temps quand j'étais au midi mais là, ce n'est plus possible. Je me lève à 4 heures, je fais 2h30 d'antenne, je sors de là pour me coucher. Et après je retravaille à la matinale du lendemain.
Si vous deviez comparer votre matinale à une émission de télévision, ce serait laquelle ?
C'est très difficile, car cela n'existe pas. Le format d'une matinale de radio est très spécifique, cela ne peut pas être un talk-show à cause de son rythme. Le matin, on n'a pas 40 minutes pour se laisser porter par une discussion entre invités. On ne peut même pas la comparer à une matinale de chaîne d'info où il y a un très court temps d'écoute. On répète beaucoup, les gens ne restent attentifs que 19 minutes. En radio, c'est 39 minutes, ce n'est pas du tout court, on a la charge de ne pas se répéter, d'être capable de décliner les informations.
Pendant la matinale, vous avez un oeil sur le fil AFP ou sur votre timeline Twitter ?
AFP, Reuters, les agences. Mais je checke ma timeline tous les soirs avant de me coucher et le matin. C'est comme ça que RTL l'autre matin a été la première radio à reprendre la phrase de Luc Châtel sur Vincent Peillon.
Depuis quelques semaines, l'actuelle majorité est malmenée dans la presse. Certaines voix s'élèvent pour dire que le temps médiatique est beaucoup trop court par rapport au temps politique. C'est votre avis ?
Le temps médiatique est court, il l'a toujours été, et le temps du résultat politique est long. Le média fait son job, s'il va trop vite, c'est aux auditeurs, lecteurs ou téléspectateurs de le dire. La sanction est rapide pour nous. Ceux qui sont élus le sont pour cinq ans, le média vient piquer en permanence. Est-il trop court, ce temps médiatique ? Du point de vue du politique, oui ! On va chercher Hollande au bout de 100 jours, ça n'a aucun sens. Les 100 jours ont un sens pour Napoléon dans l'Histoire. Il y a un premier ministre qui l'a utilisée, l'histoire des 100 jours, c'est Dominique de Villepin. Mitterrand aussi à son époque. Ce sont les politiques qui sont responsables de cette accélération, en disant "vous allez voir ce que vous allez voir". Aujourd'hui, les hommes politiques modernes sont des gens qui sont capables de s'inscrire dans la durée et de répondre au temps court médiatique. C'est leur job !