Bonne rentrée pour France 5 ! Secouée par un changement de direction en début d'année et par le départ d'Yves Calvi en fin de saison dernière, la chaîne publique est malgré tout une des rares antennes de France Télévisions à tirer son épingle du jeu depuis septembre. puremedias.com a demandé à Nathalie Darrigrand, sa nouvelle patronne, de commenter ces bons résultats. L'occasion pour elle de revenir notamment sur les lancements de la rentrée : de "C l'hebdo"* à "C dans l'air" le samedi, en passant par la nouvelle offre politique du dimanche incarnée par Karim Rissouli et Bruce Toussaint.
Propos recueillis par Benjamin Meffre.
puremedias.com : France 2 et France 3 ont souffert en cette rentrée. France 5 est-elle l'oasis de stabilité et de réussite de France Télévisions ?
Nathalie Darrigrand : Ce que nous avons essayé de faire à France 5, chaîne du savoir et de la connaissance, c'est de travailler dans la continuité de ce qui avait été fait auparavant. Nous avons notamment décidé de nous appuyer sur les points forts de la chaîne. C'est le cas des magazines. Ce sont eux qui portent la bonne rentrée de France 5, notamment en access avec "C dans l'air" et "C à vous". Notre réussite cette saison, ce sont les access le week-end. Nous avons créé un "C dans l'air" le samedi, suivi de "C l'hebdo". L'idée est d'étirer les quotidiennes qui fonctionnent. Le dimanche, nous avons lancé une nouvelle offre politique avec "C politique" et "C polémique" avec pour promesse : du direct, de l'actualité et du décryptage. Ces deux nouvelles émissions portent désormais elles aussi l'access de la chaîne.
Le numéro du samedi de "C dans l'air" est moins puissant que ceux du reste de la semaine (800.000 tlsp / 7,1% de PDA en moyenne). Etes-vous pour autant satisfaite de votre choix ?
Oui, nous sommes contents. Il faut laisser du temps pour installer ce rendez-vous. Nous étions sur une case à moins de 400.000 téléspectateurs en moyenne. Pour être tout à fait honnête, nous ne pensions pas arriver à installer cette émission à ces niveaux-là aussi vite. Nous avons passé plusieurs fois la barre du million. C'est donc très satisfaisant pour nous.
La bonne santé globale de "C dans l'air" est-elle la preuve que la marque est plus forte que ses animateurs ?
"C dans l'air", c'est France 5 ! Au fond, la chaîne a pris toute sa puissance avec ce magazine : c'est de l'actualité, du décryptage et des experts. C'est cette notion-là que nous avons mise en évidence quand Caroline Roux, Bruce Toussaint et la nouvelle équipe ont pris en main l'émission. Ils l'ont fait avec humilité et sérieux. Tout le monde a eu le souci de préserver ce qui fait la force de "C dans l'air". Vraiment, je tiens à les remercier pour le travail accompli.
Depuis "l'épisode Yves Calvi", avez-vous fait en sorte de sécuriser vos animateurs vedettes ?
Nous ne pouvons pas forcer les gens à rester chez nous ou sortir des contrats mirobolants pour s'assurer qu'ils restent. De toute façon, ce n'est pas ça qui les fait courir en général. Un magazine, c'est une chaîne qui dit sa ligne éditoriale, c'est un producteur qui sait transformer cela en concept, et c'est enfin un présentateur qui sait l'incarner. Il faut être trois pour réussir.
Quel bilan faites-vous du lancement de "C l'hebdo" programmé après "C dans l'air" le samedi ?
Nous sommes également très satisfaits. Bien sûr, nous ne partions pas de rien pour cette émission mais c'est assez rare d'arriver à installer une nouvelle bande aussi rapidement. Je pense en plus que l'émission a réussi à trouver son rythme et son identité propre.
Si "C politique" avec Karim Rissouli a connu un lancement encourageant le dimanche, c'est un peu plus compliqué pour "C polémique" animé par Bruce Toussaint. Comment l'expliquez-vous ?
"C polémique" est programmé face aux 20 Heures et ce n'est pas anodin ! L'idée avec "C polémique" était d'être dans le débat politique, une dimension qui avait un peu disparu de France 5. L'émission est programmée à un moment où le journal écrase tout. C'est pour ça que vous avez cette différence des audiences.
Pour vous, c'est juste une question de concurrence ?
Oui. Pour nous, l'opération est malgré tout très bonne. Avant, il y avait un documentaire. Nous avons gagné en audience sur les deux émissions. Il y a en plus une bonne duplication entre elles. Notre proposition a été reçue par les téléspectateurs et nous avons bien revisité l'offre politique, tout en restant fidèle à la promesse de France 5 avec du décryptage et de l'analyse dans les deux programmes.
Etait-ce votre choix de sélectionner Renaud Le Van Kim pour produire ces deux émissions ?
Nous avons fait un appel d'offres pour les émissions politiques dans lequel Renaud est rentré.
Très tardivement...
Tardivement. Renaud Le Van Kim est un très bon producteur. Je crois que personne ne peut remettre cela en doute. Il a avec lui une très bonne équipe. Il avait réfléchi à l'offre politique et avait une très bonne proposition. Je ne me suis donc pas forcée. Sur cette question posée par France 5 d'être dans le reportage, le décryptage, il avait la meilleure réponse.
Avez-vous réussi à calmer les producteurs très mécontents de cette décision ?
C'est le jeu de la compétition. Ils le savent bien. Et ce n'est pas comme si France 5 ne diffusait qu'un seul magazine.
Renaud Le Van Kim sera-t-il amené à prendre davantage de place dans "C dans l'air" la saison prochaine ?
"C dans l'air" est une association entre lui et Maximal dirigée par Bruno Gaston. Ils ont très bien organisé les choses ensemble. Ca marche très bien. On est plus malin à plusieurs quand on a le même objectif. C'est le cas ici. Nous sommes satisfaits de cette répartition.
La nouvelle mouture de l'émission "La maison des maternelles" ne décolle pas le matin. Allez-vous la diffuser jusqu'en juin ?
Oui, nous voulons laisser du temps à l'émission. L'émission présentée par Agathe Lecaron est très performante sur son coeur de cible : les jeunes femmes. Nous les avions un peu perdues et nous les avons retrouvées cette saison. Sur les quatre ans et plus, il est vrai que nous sommes encore un peu en-dessous. L'accompagnement numérique, notamment les vidéos partagées sur la page Facebook de l'émission, marche très bien. Ca nous raconte beaucoup de choses sur l'évolution possible de l'émission et sur son public.
Quelles évolutions envisagez-vous alors ?
Il est encore trop tôt pour le dire.
Etes-vous satisfaite des audiences de "La Quotidienne", programmé chaque jour à la mi-journée ?
Oui, bien sûr. L'émission est dans sa moyenne cette saison.
Voir Michel Cymès du "Magazine de la santé" très présent sur les autres chaînes publiques, ça ne vous embête pas un peu ?
Ca ne m'embête pas ! Surtout que lorsque j'étais à France 2, c'est moi qui l'ai fait venir. Ce qui compte, c'est que Michel Cymès soit à France Télévisions. Ca, c'est très important ! Concernant "Le Magazine de la santé", j'ajoute que cette émission donne bien l'exemple d'un magazine qui a su se renouveler profondément au fil des années.
"C à vous" marche fort en ce moment avec une formule inchangée. Comptez-vous apporter bientôt du sang neuf à l'émission ?
Ce n'est pas le moment pour l'instant. Il y a bien sûr des ajustements possibles en fin de saison, et à la marge. Il faut que nous en discutions avec le producteur, Pierre-Antoine Capton, en fin de saison.
L'âge moyen du téléspectateur de "C à vous"' est de 64 ans. Son rajeunissement est-il un enjeu pour vous ?
Oui, c'est vrai. C'est une grande question, posée d'ailleurs à l'ensemble de la chaîne. Je pense que l'enjeu n'est pas de changer ce que l'on voit à l'antenne. Vouloir faire des programmes "pour les jeunes" est selon moi un contre-sens. L'enjeu est plutôt de déterminer comment rendre plus accessibles nos contenus à des publics qui, dans leurs usages, ne vont plus sur la télévision classique. C'est ça la vraie question ! Cela passe par exemple par la production de vidéos éditées spécialement pour les nouveaux supports et les nouveaux médias comme Facebook.
Un autre de vos chantiers prioritaires en cette rentrée était les soirées de prime-time. Etes-vous satisfaite du travail fait sur les trois cases documentaires du mardi, mercredi et dimanche ?
Maintenant que la chaîne est bien installée en journée, les soirées sont en effet notre objectif prioritaire, notamment concernant les documentaires. Nous avons essayé de mieux les baliser et de les adapter au prime. Nous avons ainsi rallongé les formats, en passant de 52 à 70 minutes voire au 90 minutes. Au-delà de la longueur des formats, nous avons désormais des soirées identifiées et cohérentes comme le mardi par exemple, avec "Le Monde en face", qui aborde des questions économiques, sociétales ou géopolitiques, suivies d'un débat emmené par Marina Carrère d'Encausse. Le mercredi, nous avons rebaptisé la case "science grand format" et décidé d'en faire le "grand spectacle de la connaissance".
Pourquoi ne pas renforcer justement le balisage de cette soirée du mercredi en l'incarnant avec un animateur ?
Ce que nous voulons pour l'instant, c'est être très "documentaire" et jouer sur l'image et le grand spectacle. Nous nous lançons avec ce format et nous réfléchirons éventuellement à des évolutions par la suite. Dans certains documentaires, des scientifiques intégrés dans la narration incarnent cependant les films que nous diffusons.
Vous voulez moins de sujets conso pour "Les docs du dimanche" ?
Non, pas du tout. Je suis très intéressée par ces "Docs du dimanche". Ils ont du succès car ils posent des questions très simples sur notre alimentation au quotidien et sur les modes de production qu'elle implique. Ces docs sont réussis quand ils posent ces questions et il faut qu'ils continuent à le faire. Nous avons engagé cependant un travail sur leur écriture avec moins de "sur-commentaire" afin de mieux les distinguer de ce que l'on voit ailleurs. Il faut qu'on puisse entendre une petite musique France 5.
Dans la nouvelle case cinéma du lundi, avez-vous réussi à suffisamment vous différencier de la programmation d'Arte ?
Nous ne nous gênons pas je pense. Chacun enregistre régulièrement de bons résultats. C'est la preuve qu'il y a de la place pour deux ! Nous, nous cherchons à être la cinémathèque idéale avec pour ligne directrice les grands réalisateurs. L'idée est de faire un parcours dans l'histoire du cinéma. C'est une programmation très sélective, de Martin Scorsese à Alain Resnais en passant par Jean-Pierre Melville.
Ce sont aussi des films que l'on pourrait retrouver sur Arte le lundi...
Oui, mais pas que sur Arte. Arte a une programmation cinéma très importante avec trois soirées par semaine. Nous, nous avons cherché à faire la quintessence de l'histoire du cinéma avec pour le coup, une incarnation de Dominique Besnehard. Il est là pour expliquer notre sélection, la décrypter. France 5 est ainsi pleinement dans son rôle de "pourvoyeur de culture".
Le succès de France 5 repose beaucoup sur des marques anciennes. Quelle va être la "patte Darrigrand" à France 5 ?
Moi je suis modeste et je dis cela sans fausse modestie (rires). Avec toute l'équipe de France 5, si on peut arriver à monter les marches les unes après les autres, à être cohérent, à réfléchir à notre avenir numérique et au rayonnement de la chaîne sur les nouveaux supports, je considérerai qu'un petit bout de chemin a été fait.
France 5 est donc plus que jamais une "belle éveillée" ?
Je crois que nous sommes très réveillés (Sourire).
* Emission dans laquelle Julien Bellver, co-rédacteur en chef de puremedias.com, est chroniqueur.