3,6%. C'est la part de marché enregistrée sur l'ensemble du mois de novembre par BFMTV. Il s'agit de la meilleure moyenne mensuelle historique pour la chaîne créée par Alain Weill, qui fêtait le week-end dernier ses 10 ans. BFMTV était le mois dernier, pour la première fois depuis sa création, la cinquième chaîne de France derrière les quatre indéboulonnables chaînes historiques et devant toutes celles de la TNT, à commencer par D8, France 5, TMC et sa rivale iTELE, qui elle aussi, atteint un niveau record à 1,6% de PDA.
Un record sur lequel BFMTV n'entend pas claironner. Il est évidemment dû aux terribles attentats qui ont endeuillé Paris le 13 novembre dernier. Choqués par ces attaques, les Français se sont massivement rués sur les journaux de TF1, France 2, France 3, rallongés pour l'occasion, et ont longuement regardé sur les chaînes d'information. Pendant trois jours, tous les programmes d'information ont enregistré de très, très fortes audiences. Avec ses éditions spéciales, BFMTV était au coude-à coude, voire parfois devant, TF1 et France 2.
Mais ce record n'est pas pour autant synonyme de jackpot. Comme elle en a l'habitude, la chaîne - et c'est valable aussi pour iTELE et même, dans une moindre mesure, pour TF1 et France 2 - a supprimé toutes les pages de publicité pour laisser la "priorité au direct". Vendredi 13 novembre, BFMTV est passée en édition spéciale à 21h52. La dernière publicité avait été diffusée vingt minutes plus tôt. Elle ne fera sa réapparition que le lundi 16 novembre à 12h52 ! Soit en tout 63 heures d'antenne sans réclame, auxquelles il faut ajouter une dizaine d'heures le mercredi matin lors de l'assaut de Saint-Denis et ce vendredi pour l'hommage national aux victime qui s'est déroulé aux Invalides.
Hier, lors d'une rencontre avec la presse, la direction de BFMTV a assumé ce choix éditorial mais a indiqué que le manque à gagner publicitaire de ce long breaking news est d'environ un million d'euros. Pour la chaîne, la perte est plus importante car ses coûts de fabrication ont explosé ce week-end-là. Tous les collaborateurs ont été appelés en renfort, dont de nombreux pigistes et intermittents qui ne devaient pas travailler en temps normal. Il a fallu également enchaîner des directs toute la nuit. Une large couverture qui a évidemment un coût pour le diffuseur.
"Les résultats de BFMTV au quatrième trimestre seront très mauvais", a prévenu hier Alain Weill, qui faisait du lobbying contre le passage en clair de LCI. Mais cela fait partie du business model d'une chaîne info. Interrogé à ce sujet par puremedias.com en janvier dernier, Alain Weill avait expliqué : "Cela arrive plusieurs fois par semaine (qu'on coupe la pub pour laisser place au direct, ndlr). Dans ces moments dramatiques et intenses, on ne peut pas couper le flux. Les téléspectateurs souhaitent que les écrans soient supprimés et les annonceurs sont dans le même état d'esprit. Avec leur accord, on a replacé les écrans de pub après la crise. Il n'y a pas d'enjeu économique".
Ce record d'audience historique tombe aussi au mauvais moment pour la direction de BFMTV qui aiguise en ce moment ses arguments pour contrer la demande de passage en gratuit de LCI, actuellement sur le bureau du CSA. Argument principal d'Alain Weill, qu'il a répété hier midi, la fragilité de BFMTV. "L'arrivée de LCI en gratuit menacera l'avenir de BFMTV et de ITELE", a-t-il martelé hier midi. Le dirigeant estime que l'arrivée d'une nouvelle chaîne info sur le canal 26 de la TNT génèrerait une "perte comprise entre 11 et 18 millions d'euros, soit plus que son bénéfice actuel". "La chaîne repasserait dans le rouge ce qui nous obligerait à réduire la voilure", a-t-il expliqué en menaçant de mettre en place un plan social prévoyant le départ d'une centaine de salariés.
La fragilité supposée de BFMTV est mise à mal par ses excellents résultats d'audience et par l'arrivée de Patrick Drahi au capital de la maison mère de la chaîne. Très regardée lors des crises, très rentable en temps normal, la chaîne ne peut plus nier sa puissance. Une puissance qui agace ses concurrents mais aussi certaines personnalités politiques.